PMA

A quelques marches de l’Océan Atlantique, sur la rive gauche de l’Oum Er Rbia, s’assoupit Azemmour dont le saint patron est Moulay Bouchaib Erradad. Le sanctuaire d’Ayoub Assariya, autre nom du soufi qui restait debout et inamovible dans sa prière, tel une colonne, domine la ville. Il se situe sur le sommet de la dune la plus haute, celle à partir de laquelle apparaissent, à l’horizon, les eaux bleues de l’Atlantique. Il faudrait préciser encore qu’il mourut en 1166 à un âge très avancé pour son temps.

Ce fils de Said le Senhaji était d’obédience almoravide et il est fort possible qu’il ait vécu le déplacement par les Almohades d’une partie de la population des Ait Brayem des Chtouka Ait Baha vers les Chtouka d’Azemmour. On lui prête aussi une relation d’amour avec Lalla Aicha Al Bahriya dont le tombeau se situe à la limite des hautes marées, devant l’embouchure de l’Oum Er Rbia. Cela a valu à la ville d’être qualifiée par la presse nationale d’Azemmour aux deux amours. C’est aussi le saint le plus célèbre de la région pour la raison que sa baraka «permet aux femmes qui se rendent à son mausolée, d’avoir des enfants de sexe mâle». Que de aïta, chanson populaire, se termine par rendre hommage au vénéré Moulay Bouchaib «Âttaye lâazzara», le donneur de progéniture mâle.

Pour de nombreuses familles, avoir un enfant du genre masculin réglait les problèmes inhérents à l’héritage et empêchait l’intrusion des collatéraux dans la succession. C’est ce qui explique cette recherche, parfois irrationnelle, de tout ce qui pourrait favoriser l’acquisition d’une progéniture masculine.

Cette narration ne relève pas de la légende. Elle rend compte de la réalité actuelle qui constitue une part non négligeable de l’activité économique de la ville d’Azemmour, abandonnée à son destin.Une pratique de la procréation assistée assumée par des milliers de personnes de toute condition sociale, professionnelle et culturelle.

Que l’on ne fasse pas intervenir la religion dans ce qui précède. Les années soixante du siècle dernier ont déjà connu la mise en œuvre de «la planification familiale» où la fertilité des femmes et la fécondité de la société ont été traitées dans le cadre du Programme national de Santé de la Reproduction par une contraception qui «respecte l’intérêt des utilisatrices». Dans le cas de la PMA, il s’agit de conception qui doit prendre en considération l’intérêt des utilisatrices qui, il faut le souligner, ne sont pas les seules responsables de la stérilité du couple.

Ainsi, pour qu’ils puissent devenir parents, des milliers de personnes de notre population sont dans l’attente qu’un spermatozoïde féconde un ovocyte. Pour pallier certaines difficultés dans la réalisation de ce projet fondateur du couple, la procréation médicalement assistée est pratiquée depuis une génération dans notre pays. Le développement des techniques de la PMA, une demande de plus en plus forte et l’existence de «centres de fertilité» qui exercent dans les principales villes du royaume ont rendu pressant l’encadrement juridique de ce traitement.

Le projet de loi 14-47 relatif à la procréation médicalement assistée devra être soumis à la discussion au sein de la Chambre des Représentants. Son amendement doit permettre, dans le respect de l’éthique de notre société, d’aboutir à une législation en la matière en phase aussi avec son ambition d’émancipation et de modernité.

Il est à souligner qu’autant pour avoir des enfants que pour leur éducation, «les personnes les plus modestes sont prêtes à faire d’énormes sacrifices». Cela impose de considérer l’infertilité comme une maladie afin que l’Etat assume les responsabilités qui lui incombent dans ce domaine, particulièrement envers les couches sociales défavorisées. La volonté politique doit se prononcer dans ce sens afin que les coûts, du secteur très capitalistique de la PMA, ne soient pas un obstacle pour la thérapie des personnes démunies.Il est à rappeler que certains médicaments rentrant dans le processus de la fécondation in vitro ont connu une baisse dans leur prix et qu’un centre public a ouvert «pour venir en aide aux couples infertiles».

Un professeur qui a été intégré au processus législatif concernant la PMA, il y a six ans déjà, affirme que «l’infertilité peut faire souffrir un couple au même titre que le cancer». Aux représentants de la nation de faire le nécessaire pour éliminer cette souffrance.

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