Poulet de chair: voici pourquoi le prix monte en flèche

Karim Ben Amar

Le prix au kilogramme du poulet de chair (roumi) a connu une montée vertigineuse ces deux dernières semaines. Viande en temps normal très accessible, elle compose la grande majorité de repas des familles. Dans tous les marchés du royaume, cette denrée est passée du simple au double à la surprise des consommateurs. Mais à quoi est due cette augmentation? A cet effet, l’équipe d’Al Bayane s’est rendue dans un marché Casablancais. Entre raréfaction volontaire de la marchandise, entente entre grands agriculteurs et spéculation, tout y passe. Enquête.

Le prix au kilogramme du poulet de chair communément appelé poulet «roumi» a du jour au lendemain connu une montée en flèche.  Ne dépassant rarement au gros entre 8 et 12 dirhams le kilo, voilà que cette volaille a atteint la barre des 20 dirhams le kilo durant ces deux dernières semaines. D’ailleurs, clients comme vendeurs se plaignent de cette hausse qu’ils considèrent comme gigantesque.

Dans un petit souk de proximité, situé dans le quartier Bourgogne, l’équipe d’Al Bayane s’est entretenu avec des marchands de poulets sur les raisons de cette hausse des tarifs.  Smail a affirmé que depuis près de deux semaines, le prix au kilogramme bat tous les records.

«Aujourd’hui, il a connu une baisse mais non significative puisqu’il est passé de 20 à 18 dirhams». Et d’ajouter «il y a à peine quelques semaines, le prix au kilo était négocié en gros entre 8 et 10 dirhams. Il a donc doublé».

Mais quelles sont les raisons de cette montée fulgurante? En réponse à cette question, notre source a déclaré que «cela est aussi due au fait que les petits éleveurs sont en crise. Criblés de dettes amassées durant la période de confinement obligatoire, ils n’ont plus de marchandises pour achalander les souks».

«Autrement dit, depuis que le petit éleveur est hors-jeu, la marchandise s’est faite de plus en plus rare, jusqu’à ce qu’elle atteigne les tarifs actuels. Il faut bien se le dire, ce sont les grands agriculteurs spécialisés dans l’élevage des poulets qui sont derrière ce manège, alors que le petit éleveur a joué un grand rôle et s’est sacrifié durant le confinement obligatoire, puisque les prix au détail n’ont pas dépassé la barre des 13-14 dhs le kg», souligne-t-il.

Une fois que les petits éleveurs sont devenus «hors-circuit», le prix est monté d’un coup. «Une hausse de 5 dhs le kg du jour au lendemain, c’est tout simplement du jamais vu. Cela fait plus de dix ans que je suis dans ce domaine, je n’ai jamais observé de hausse aussi élevé», a-t-il assuré.

D’après les dires de ces commerçants, les responsables de cette hausse sont les grands agriculteurs et la spéculation. «Parfois, la cargaison est vendue trois ou quatre fois avant d’atteindre le marché de gros. Cela est d’usage dans le domaine, mais les tarifs ont toujours été raisonnables, maintenant ils sont hors de portée», a informé le jeune trentenaire.

Depuis cette hausse, Smail, à l’instar de tous les commerçants de poulets pâtissent du manque de clients. « Un petit poulet pesant 1,5 kg est vendu entre 35 et 40 dhs alors qu’il ne dépassait pas 25 dhs il y a à peine un mois. A l’heure qui l’est, j’ai vendu 25 poulets, ce qui est nettement insuffisant. En temps normal, vers midi, j’ai déjà écoulé près de 80 poulets», a-t-il fait savoir.

«A ce prix-là, les gens préfèrent, et à juste titre, la viande de bœuf ou le poisson» a-t-il affirmé. Quant à la recette quotidienne, elle se fait de plus en plus maigre. «Nous n’enregistrons presque plus de bénéfice et notre offre est réduite puisque la quantité de marchandise que nous payons 800 dhs coûte désormais 1500 dhs», a-t-il rapporté.

Les revendeurs de poulets n’engendrent donc plus aucune marge. « Entre le loyer, l’eau et l’électricité, le gaz et les crédits avec le fournisseur, nous n’arriverons plus à joindre les deux bouts. Certains magasins n’ayant pas pignon sur rue bouclent leurs journées à perte, d’autant plus que nous sommes sommés de fermer boutique à 15 H tapante», déplore-t-il.

D’après les revendeurs de poulets questionnés, l’objectif de tout cela est d’asphyxier les petits commerçants pour les supprimer petit à petit. «Les grands agriculteurs préfèrent se concentrer sur les grandes surfaces. Le poulet de chair déjà égorgé atteint 100 dhs, alors que chez nous il est négociable autour de 30-40Dhs. Il est clair que la marge est beaucoup plus grande», a-t-il déclaré le sourire aux lèvres.

Les clients de ce souk de proximité ont déclaré unanimement que le prix du poulet de chair est exorbitant. De nombreux acheteurs ont confié avoir divisé par deux leur consommation.

Cette hausse des prix a beaucoup fait jazzer ces dernières semaines à un tel point que de nombreux appels au boycott de poulets de chair ont fait leurs apparitions sur les réseaux sociaux.

Étiquettes ,
Top