Pour un montage pédagogique

La télévision marocaine est mobilisée pour le scrutin du 7 octobre. La  première chaîne publique a entamé sa rentrée avec un réaménagement de ses programmes dans la perspective des élections législatives.

Cette phase organisée comme une précampagne électorale mais avec les mêmes principes d’équité qui président à la gestion de la campagne officielle qui démarre le 24 septembre et ce avec le regard attentif de la Haca.

Deux initiatives importantes ont été lancées dans ce sens. D’abord avec l’introduction de deux rubriques spéciales au sein du conducteur du principal journal télévisé de Al oula à savoir «les attentes des citoyens» et «hôte d’un parti». L’autre nouveauté de cette précampagne électorale est le recentrage des émissions traditionnelles de la chaîne de débat autour du thème des élections. Dans ce sens un avant goût a été présenté mardi dernier avec la métamorphose de l’émission de Mohamed Tijini qui au lieu d’un seul invité  a reçu quatre représentants de partis politiques. L’animateur n’a pas cessé d’expliquer ce changement et les nouvelles règles de conduite par les instructions de la Haca. Nous aurons l’occasion pour y revenir plus en détails.

Les deux rubriques introduites au sein du JT sont par ailleurs très importantes et très révélatrices. Elles portent de nombreux messages souvent au-delà de ceux prévus par le scénario initial. Chaque séquence audiovisuelle est un faisceau de signes multiples, explicites et implicites. La rubrique «Attentes des citoyens» offre un panorama large de ce que pensent les citoyens du pays profonds. Le principe est celui basic d’un reportage porté par le système du micro-trottoir. Une démarche qui sous les apparences de la transparence transfigure les discours du citoyen interviewé par le biais de la technique du montage. In fine ce que nous recevons ce n’est pas ce que le citoyen a bien dit mais ce que la régie et les fameux cut du monteur ont bien voulu nous faire parvenir. Et à ce propos, il est triste de constater que les préposés au montage privilégient le souci du respect du timing sur celui du message de l’invité. Ceci prend des proportions alarmantes lors des reportages au sein des différents partis politiques. On assiste alors à des montages de parole qui frisent l’absurde. L’observateur attentif a l’impression que l’on coupe au hasard du déroulement de la bande son. On a entendu par exemple un leader d’un parti politique présentant le programme de son parti commencer son intervention par « troisièmement »…L’énumération qu’il avait commencée à été zappée par le monteur.

Finalement, la rubrique censée, dans l’esprit du service public, revaloriser le civisme et l’action politique se révèle être un piège médiologique qui enfonce davantage le politique et développe une image négative du politique. D’autant plus que la majorité des cadres politiques visités par la caméra de la télévision n’ont pas une formation en communication télévisuelle et use d’un discours classique avec une logique argumentative, des énumérations longues et une rhétorique qui fait plus dans l’emphase. Un discours aux antipodes d’une télévision qui aiment plutôt les petites phrases. Le montage est une affaire d’éthique…

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