Pour un pacte contractuel modèle sur la bonne gouvernance sécuritaire à Salé

Des acteurs de la société civile, des chercheurs et des responsables sécuritaires se sont retrouvés, mercredi à Salé, pour débattre ensemble de la nécessité de promouvoir davantage la bonne gouvernance du secteur de la sécurité et de recommander pour ce faire l’élaboration d’un pacte contractuel modèle traitant de la problématique dans la ville de Salé.

Au cours d’une journée nationale d’études, organisée à l’initiative de l’association Sala Al Moustaqbal, en partenariat avec la Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), les participants ont rappelé que la conjoncture est on ne peut plus favorable dans le pays pour la réalisation d’un tel chantier. Le Maroc vit, en effet, à l’heure des Droits de l’Homme, et poursuit son action inlassable pour les consolider davantage sur recommandation notamment de l’Instance de l’Equité et de la Réconciliation (IER) et conformément aux dispositions de la Constitution de 2011, qui a consacré de tels « Droits » et prévu pour ce faire la création d’un Conseil de Sécurité nationale.

Au cours de la séance d’ouverture de cette rencontre, le président de l’Association Sala Al Moustaqbal, Ismail Alaoui, qui en présidait les travaux, a d’emblée fait savoir qu’il s’agit peut-être pour les organisateurs d’un projet plus ambitieux que leurs moyens. Non, a-t-il répondu, le génie marocain est capable de grandes réalisations.

Il a également souligné qu’il y a à première vue une contradiction apparente entre Droits humains et sécurité. Au contraire, a-t-il expliqué, les deux composantes se complètent, car il ne peut y avoir de droits sans sécurité, comme il est difficile d’asseoir la sécurité sans respect des droits de l’Homme.

Tout en étant conscients de la gravité de la situation, non seulement dans la ville de Salé, mais également partout dans le pays, les organisateurs ont l’ambition de s’engager dans un projet visant à sceller la complémentarité entre les Droits de l’Homme et la Sécurité, à travers l’élaboration d’un pacte contractuel, un modèle devant inspirer d’autres cités au Maroc et peut-être ailleurs, a-t-il ajouté.

Intervenant pour sa part, Abdelkader Azriâ du CNDH, a indiqué que tout débat sur les Droits de l’Homme renvoie ipso facto aux actions sécuritaires. Ils ont tous les deux un point d’intersection qu’est le droit à la vie, a-t-il dit. Les services de sécurité sont responsables de la protection du droit des citoyens à la vie comme le réclament les défenseurs des droits de l’Homme, a-t-il affirmé.

Ils se partagent aussi un autre objectif ayant trait à l’édification des villes dites durables et des villes antiviolences, a-t-il expliqué, soulignant que les services de sécurité sont fortement impliqués dans cette nouvelle approche contenue dans l’agenda de l’ONU pour 2030. C’est pourquoi, de tels services sont tenus de renforcer leurs rangs à travers le recrutement d’intellectuels, de sociologues et divers autres spécialistes, a-t-il dit.

Pour sa part, le gouverneur de la Préfecture de Salé et Wali par intérim de la Région Rabat-Salé-Kénitra, Abderrahmane Benali, a indiqué que la promotion de la bonne gouvernance sécuritaire est devenue une nécessité et une question d’actualité, compte tenu, surtout, des dispositions de la Constitution de 2011 relatives à la sécurité des biens et des personnes et à la préservation de la dignité de ces derniers.

Il a rappelé aussi que la Constitution a insisté sur la nécessité de tenir compte des recommandations de l’IER. C’est pourquoi le ministère de l’Intérieur est entièrement engagé dans le chantier de la promotion de la bonne gouvernance sécuritaire, conformément aux hautes orientations royales. De nouveaux instruments sont en effet mis en œuvre pour ce faire et ce, dans le but de consolider le respect des droits de l’Homme, à travers notamment la mobilisation de nouvelles ressources humaines, la formation systématique et continue des agents de sécurité en matière des droits de l’Homme et l’élaboration d’un statut des agents d’autorité et d’un statut des agents de sécurité dans le but de renforcer l’esprit de discipline et d’assiduité dans l’exercice des fonctions.

Le ministère de l’Intérieur œuvre également pour renforcer les services de proximité en matière de sécurité, élaborer un cadre juridique organisé des forces auxiliaires outre l’amélioration des conditions d’accueil dans les espaces des services de sécurité et la mise en place de mécanismes en mesure de répondre plus rapidement aux appels des citoyens.

Il a également mis en relief les bienfaits de la production collective de la sécurité avec la participation des citoyens, des journalistes, des agents d’autorité, des acteurs de la société civile et d’autres partenaires, soulignant que la préservation des libertés individuelles n’a d’égal que la protection de la sécurité et de la stabilité.

Pour sa part, Dr Tahiri Alaoui, magistrat agréé au ministère de la justice, a souligné que la bonne gouvernance sécuritaire est un levier fondamental du développement durable. C’est pourquoi le législateur marocain a procédé à la constitutionnalisation de la gouvernance dans l’article 21 de la Constitution de 2011 qui stipule que «toute personne a droit à la sécurité de sa personne et de ses proches et à la protection de ses biens», et que «les pouvoirs publics assurent la sécurité des populations et du territoire national, dans le respect des libertés et des droits fondamentaux garantis par la Constitution».

Il a fait état aussi d’autres actions menées dans le respect des besoins de sécurité et des droits de l’Homme et de la création du Conseil national supérieur de sécurité, notant que la séparation des pouvoirs telle prévue dans la Constitution ne fait que renforcer cette tendance.

Prenant la parole, un représentant de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) a indiqué que le concept de la gouvernance, telle que définie dans la nouvelle stratégie de la DGSN, signifie la rationalisation et le renforcement des interventions pour la protection des droits des citoyens, rappelant que les agents de sécurité déploient de grands efforts pour la protection des personnes et des groupes. C’est pourquoi ils se trouvent souvent en face de hors-la-loi. Tout en tentant de protéger des innocents, ils sont également tenus de procéder à l’arrestation de hors-la-loi dans le respect de leur dignité et de leurs droits, comme le réclament nombre de conventions internationales dont un mémorandum de l’Assemblée générale des Nations unies, a-t-il ajouté.

Dans le but de rationnaliser l’intervention de ses agents, la DGSN a mis en place tout un arsenal de contrôles et de formations dans le domaine des droits de l’Homme, tel que le prévoient les recommandations de l’IER et dans le but majeur de moderniser le secteur et de mettre en place une police ouverte sur l’ensemble des citoyens et respectueuse des droits humains.

Pour ce faire, d’autres mesures ont été prises par la DGSN dans le but de renforcer ses effectifs, promouvoir davantage la culture juridique pour que les agents de sécurité s’approprient, comme il se doit, les lois et la déontologie de la profession, renforcer la présence de la police sur la place publique et développer l’échange d’expériences avec d’autres institutions et services. C’est d’ailleurs dans cette perspective que toutes les interventions de la police sont enregistrées et filmées, a-t-il expliqué.

Quant au directeur régional de la Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR), il a insisté surtout sur la nécessité pour toutes les parties concernées de renforcer leur coopération pour assurer au processus des réformes dans le pays toutes les conditions de réussite aussi bien en matière de protection de la sécurité, des droits de l’Homme et du développement du pays.

Si l’Etat est le premier responsable en la matière, tous les autres partenaires y compris les acteurs de la société civile et l’ensemble des citoyens sont également concernés, a-t-il dit, ajoutant que le secteur qu’il représente est marqué par d’intenses efforts, en particulier en matière de gestion et d’amélioration des conditions de détention.

De son côté, Hassan Semlali de l’institution Benzekri, a fait savoir que l’examen de la question de sécurité renvoie surtout aux graves violations des Droits de l’Homme commises au Maroc durant de longues années (1956-1999). Pour couper court avec de telles pratiques, l’IER avait émis un ensemble de recommandations visant notamment à protéger le Maroc contre de telles dérives et de l’immuniser contre des violations des droits de l’homme, qui ne peuvent que compliquer encore plus la situation et créer des situations de désespoir.

C’est pourquoi, l’IER insistait dans l’une de ses recommandations sur l’impératif pour le Maroc de couper court avec de tels dérapages à travers la promotion de la bonne gouvernance dans le domaine sécuritaire, a affirmé Hassan Semlali, qui n’a pas caché sa peur de voir les recommandations de l’IER rester lettres mortes.

Evoquant les dispositions de la Constitution de 2011, il a indiqué qu’elles ont le mérite d’avoir défini les responsabilités de tous les partenaires. Si le gouvernement est le premier responsable, le parlement est également appelé à jouer pleinement son rôle en la matière à travers l’exercice des attributions qui lui sont accordées, notamment en matière de création de commissions parlementaires d’enquêtes et de contrôle de l’action du gouvernement et des services de police portant, particulièrement, sur la violation des droits de l’Homme.

Il est également nécessaire de renforcer les instruments de contrôle des politiques et pratiques de police, a-t-il estimé.

Un riche débat a sanctionné les travaux de cette rencontre, à l’issue de laquelle les participants ont convenu d’approfondir la réflexion en prévision de l’élaboration d’un pacte contractuel modèle, portant sur les questions de la bonne gouvernance sécuritaire dans la ville de Salé.

M’Barek Tafsi

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