Le Premier ministre arménien contraint à la démission

C’est par milliers que  depuis le 13 avril les Arméniens manifestent dans toutes les villes d’Arménie à l’appel du leader de l’opposition Nikol Pachinian  pour réclamer le départ de Serge Sarkissian, 63, ans qui avait présidé aux destinées de cette ancienne république soviétique de 2,9 millions d’habitants durant ces dix dernières années. Ne pouvant pas se représenter pour une troisième législature mais n’ayant aucune intention de se dessaisir du pouvoir, ce dernier s’est donc porté candidat à la primature avec l’aval de sa formation politique, le Parti Républicain, majoritaire à l’Assemblée après avoir, au préalable, pris soin en 2015 de réformer la constitution de manière à réduire la fonction présidentielle à sa simple expression c’est-à-dire la représentation protocolaire et à concentrer l’ensemble du pouvoir exécutif entre les mains du premier ministre.

Venant à peine d’achever son second et dernier mandat présidentiel, Sarkissian est donc revenu au pouvoir  mardi dernier à l’issue d’un vote où il avait recueilli 77 voix contre 17 en revêtant, cette fois-ci, le costume de Premier ministre dans un pays qui, depuis la réforme constitutionnelle précitée est devenu une République parlementaire dans laquelle la fonction présidentielle, désormais assurée par Armen Sarkissian – qui n’a aucun lien de parenté avec son prédécesseur – n’est plus que protocolaire puisque l’essentiel du pouvoir exécutif y est concentré entre les mains du Premier ministre.

N’ayant donc pas réussi au long de ces dix dernières années à améliorer la vie quotidienne de ses compatriotes, il sera contraint sous la pression de la rue et après onze jours de manifestations massives à enlever le 23 Avril l’habit de Premier ministre qu’il avait revêtu six jours auparavant et ce, en évoquant la nécessité de préserver la paix civile alors que la venue au milieu des manifestants de près de 200 militaires en tenue semble avoir incontestablement précipité les évènements. Craignant donc le pire à la vue de soldats épaulant les protestataires Serge Sarkissian a déclaré «J’abandonne la direction du pays». Il a  immédiatement été remplacé par son prédécesseur Karem Karapetian, 54 ans ;  un retour aux commandes qui ne signifie aucunement un changement de régime puisque ce dernier  n’est pas là pour durer mais seulement pour organiser le vote de l’Assemblée qui devra avoir lieu dans un délai maximal de sept jours.

Jubilant au milieu d’une foule en liesse Nikol Pachinian, le chef de file de la contestation a déclaré : «Nous sommes prêts à continuer les discussions avec le Premier ministre Karen Karapetian pour assurer le transfert du pouvoir au peuple… J’espère que les hautes sphères du Parti Républicain (au pouvoir) reconnaîtront sans équivoque la victoire de la révolution de velours non violente».

Les manifestations qui secouent violemment le pays depuis près de deux semaines ont mis à nu la grave situation dans laquelle se débat l’Arménie empêtrée dans une «corruption systématique» aggravée par un «monopole public dans l’économie» rendant impossible tout développement de la petite et moyenne entreprise. Le taux de pauvreté dans cette petite république caucasienne qui était de 27,6% en 2008 selon la Banque Mondiale aurait atteint 29,8% en 2016 et son ascension qui ne semble pas être sur le point de s’essouffler rend encore plus grande la fracture entre le pouvoir et une population dont le revenu national brut par habitant (RNB) stagne autour de 3,7 dollars depuis dix ans.

La démission de Serge Sarkissian et la venue de l’opposition au pouvoir parviendront-elles à mettre fin, d’un coup de baguette magique et comme par enchantement, à la crise politique, sociale et économique qui secoue cette ancienne république soviétique caucasienne depuis l’effondrement de l’ex-URSS ? Rien n’est moins sûr mais attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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