Quand le trublion d’Hollywood, rencontre «El Chapo»…

Pour rencontrer le trafiquant de drogue le plus recherché au monde et l’interviewer pendant près de sept heures au nez et à la barbe de tous les services secrets de la planète, il faut vraiment s’appeler Sean Penn… Mais qui est donc ce Sean Penn ?

Sean Penn, né le 17 Août 1960 à Santa Monica en Californie, est un grand acteur américain également passé dans la réalisation mais qui reste aussi connu pour ses prises de positions politiques dont notamment sa condamnation de la guerre d’Irak.

Au lendemain de la capture de Joaquim Guzman dit « El Chapo » lors d’un assaut mené par les autorités mexicaines, dans Nord-Ouest du Mexique, Sean Penn a déclaré, dans les colonnes du magazine américain Rolling Stone, avoir eu une rencontre de près de sept heures dans la forêt mexicaine avec l’intéressé et a reconnu également que ce contact a été négocié par l’actrice mexicaine Kate del Castillo qui s’était fait connaître dans son pays lorsqu’elle avait interprété une cheffe de cartel de la drogue dans une série télévisée « La Reina del Sur » mais qui reste aussi, dans la réalité, la fille d’une légende des telenovelas mexicaines qui avait débuté sa carrière comme grand séducteur dans des feuilletons « à l’eau de rose ».

Ainsi, au cours de cette rencontre qui avait eu lieu en Octobre 2015, le trafiquant de drogue recherché par toutes les polices de la planète et baron du cartel de Sinaola, bien que reconnaissant que « la drogue détruit », aurait, toutefois, décliné sa responsabilité en affirmant que s’il venait à se faire prendre et à ne plus exister, la consommation de drogue ne diminuera pas puisqu’elle est encouragée par les consommateurs. Et celui-ci de poursuivre : « Sans consommation, il n’y aurait pas de drogue » et de déclarer, en outre, que pour écouler sa marchandise, il dispose « d’une flotte de sous-marins, d’avions, de camions et de bateaux ».

Mais cette rencontre avec «El Chapo» n’est pas le premier et ne sera certainement pas le dernier coup d’éclat de cet enfant terrible d’Hollywood qui n’est nullement ébranlé par les critiques et les moqueries de ses compatriotes dans la mesure où celles-ci semblent ne point l’inciter à mettre un terme à son engagement politique et humanitaire.

Condamnant sans vergogne la guerre en Irak à un moment où le monde entier avait aveuglément suivi le Président Bush dans sa fameuse expédition « contre le terrorisme » et considérant que la croisade menée par son pays contre l’Irak après les évènements du 11 septembre est injustifiable, l’acteur s’était offert, en 2002 et pour une enveloppe de 56.000 dollars, un grand espace publicitaire dans le Washington Post pour pouvoir s’adresser directement au chef de l’Etat. Il en était même venu jusqu’à déclarer, dans les colonnes de ce journal, que « sacrifier des soldats américains ou des civils innocents dans une attaque préventive sans précédent sur une nation souveraine isolée risque fort de n’être en définitive qu’un remède très provisoire ». Poussant le bouchon encore plus loin, il va alors se rendre à Baghdad et y passer trois journées au cours desquelles il se promènera incognito dans les rues de Saddam City et y rencontrera le numéro deux du régime d’alors, le vice-premier ministre, Tarik Aziz. Il profitera aussi de ce séjour pour demander officiellement au Président Bush, qu’il considère comme étant pris dans l’engrenage d’une « vision simpliste du bien et du mal », de ne point engager de troupes américaines sur le sol irakien.

Mais l’engagement de l’acteur ne s’arrête pas là. Ainsi, en Juin 2005 et à l’occasion des élections iraniennes qui amèneront au pouvoir le très conservateur Mahmoud Ahmadinnejad, à un moment où dans la République Islamique l’anti-américanisme bat son plein, le trublion Sean Penn s’improvise journaliste pour le « San Francisco Chronicle » et y raconte, dans une série de reportages, le quotidien du régime iranien.

Oeuvrant sur tous les fronts, Sean Penn, en défenseur invétéré de la cause homosexuelle aux Etats-Unis, va saisir l’occasion de la cérémonie de remise des Oscars en 2009, pour réclamer, dans une longue intervention faite en réaction à une proposition initiée par les mouvements opposés au mariage homosexuel en Californie, le respect des droits des gays et des lesbiennes et la reconnaissance de leur égalité civile en matière de mariage et ce, en ces termes : « Je pense que c’est le moment pour ceux qui ont voté pour l’interdiction du mariage homosexuel de s’asseoir et de réfléchir à leur grande honte et à la honte dans les yeux de leurs petits-enfants s’ils continuent à se comporter ainsi. Nous devons avoir des droits égaux pour tous. »

Par ailleurs, quand, en Août 2005, l’Ouragan Katrina dévaste la Nouvelle-Orléans, l’acteur est encore en première ligne sous les feux des projecteurs pour venir en aide aux victimes parvenant ainsi à faire d’une pierre deux coups ; à savoir, aider les sinistrés et soigner son image de marque auprès de ses admirateurs.

En outre, une semaine après le violent tremblement de terre qui, en Janvier 2010, avait rasé une bonne partie d’Haiti, Sean Penn, en humanitaire convaincu est sur place pour assister les victimes de la catastrophe et leur apporter vivres et médicaments. « Nous préparons tout ce qui peut l’être. Nous essayons d’anticiper, de prévoir les dégats éventuels » dira-t-il aux journalistes de Paris-Match.

Affichant, par ailleurs, ouvertement son admiration pour Hugo Chavez, ce trouble-fête qui a pour nom Sean Penn et qui « détonne dans le paysage aseptisé du cinéma hollywoodien », apparait en Août 2012 lors d’un meeting électoral aux cotés du dirigeant vénézuélien, ennemi juré des Etats-Unis d’Amérique, puis assiste officiellement en mars 2013 aux obsèques de ce dernier.

Mais de tout cela, le plus important reste à venir car nul ne sait encore, à l’heure qu’il est, si cette rencontre avec «El Chapo», qui intrigue au plus haut point les autorités mexicaines, n’est pas susceptible de causer bien des désagréments tant à l’acteur américain Sean Penn qu’à cette actrice mexicaine qui en aurait facilité la concrétisation.

Considérant qu’étant donné qu’ils ne sont pas journalistes, les deux acteurs ne disposent pas de ce droit d’interroger les gens, surtout quand ceux-ci sont en cavale donc recherchés, les autorités mexicaines voudraient bien les entendre notamment après la publication de l’entretien incriminé. Or, si l’on en croit l’avocat-pénaliste Fernando Benitez, les intéressés ne sont pas pénalement responsables puisqu’ils ne semblent pas, à première vue, être coupables d’une quelconque «dissimulation ou complicité».

Le Ministère de la Justice du Mexique déclare, enfin, dans un communiqué – sans, toutefois, donner de date précise – que cette énième arrestation du baron du cartel de Sinaola va nécessairement déboucher sur son extradition vers les Etats-Unis.

Nabil El Bousaadi

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