La question migratoire au cœur des législatives italiennes

L’arrivée sur le sol italien de centaines de milliers de demandeurs d’asile et la tenue des élections législatives le 4 mars prochain ont fait qu’au cours de cette campagne électorale, la question de l’immigration est devenue le deuxième sujet après le chômage. Ainsi, si la venue de migrants en masse sur le territoire italien ne préoccupait que 4% de la population en mai 2013, il en va autrement aujourd’hui puisque 33% des italiens se disent inquiets.

Le drame perpétré samedi dernier par Luca Traini, ce jeune homme de 28 ans, au crâne rasé et aux tatouages d’inspiration fasciste qui a tiré sur une dizaine d’africains à Macerata dans le centre du pays et qui a attendu la police enveloppé dans un drapeau italien, a placé la question de l’immigration au centre du débat. Et si la plupart des ténors de la droite ont  condamné ce geste  à caractère raciste,  ils l’ont rapidement mis sur le compte d’une immigration «hors de contrôle»  pendant que la gauche est  apparue embarrassée voire même inaudible et que seul le ministre de la Justice, Andrea Orlando, a pris la peine de se rendre au chevet des blessés cinq jours après les faits.

Mais, force est de constater, par ailleurs, que  cette fusillade a aussi donné l’occasion à une multitude de petits partis et de groupuscules néo-fascistes de sortir au grand jour. Certains d’entre eux ont même déployé, au-dessus d’un pont du centre de Rome et pendant quelques instants, une banderole proclamant « Honneur à Luca Traini » alors que Maitre Giancarlo Giulianelli, son avocat, a signalé à l’AFP avoir reçu, de la part de gens ordinaires, de nombreux messages de solidarité et même des promesses d’argent.

A signaler, également, que les leaders de la coalition droite/extrême-droite ont rapidement justifié l’incident par le poids de cette vague migratoire qui, depuis 2014, a permis à quelque 630.000 migrants de débarquer sur les côtes italiennes. Ainsi, Matteo Szalvini, le chef de la Ligue du Nord, ce parti d’extrême-droite sous l’étiquette duquel le tireur de samedi s’était présenté aux élections municipales de l’année dernière a immédiatement condamné cette «invasion migratoire» génératrice d’un «affrontement social» alors que son allié, le vieux Silvio Berlusconi a assimilé celle-ci à une «bombe sociale prête à exploser», réclamé le rapatriement des 600.000 migrants clandestins au motif qu’ils seraient « prêts à commettre des délits » et promis qu’une fois qu’il retournera son poste de Chef du Gouvernement, il assouplira la loi sur la légitime défense.

Et si Matteo Renzi, le patron du Parti Démocrate, de Centre Gauche, au pouvoir, rappelle qu’en 2003 c’est sous le gouvernement de Berlusconi qu’avaient été négociés les accords de Dublin «bloquant les arrivants en Italie», le chef du gouvernement italien dénonce «ceux qui veulent gagner un demi-point en exploitant la haine et l’inquiétude» et promet de déployer des milliers de policiers alors que Luigi Di Maio, le chef de file du Mouvement 5 étoiles, populiste, a, quant à lui, inscrit dans son programme l’accélération de l’examen des demandes d’asiles et le rapatriement des clandestins.

Mais cette émulation anti-étrangers a aussi donné lieu à de sérieux dérapages verbaux. Ce fut le cas notamment lorsqu’un candidat de la Ligue du Nord à la présidence de la Lombardie a évoqué un «risque de disparition de la race blanche» ramenant ainsi à la surface ce mythe de la «race aryenne» de sinistre mémoire.

Disons, pour terminer que ce malheureux sentiment de rejet de l’autre que l’on trouve, désormais, chez une importante frange de la population italienne trouve son origine dans la crise économique qui a durement frappé une Italie qui s’est sentie livrée à elle-même après ces fameux «accords de Dublin»  en vertu desquels l’Union Européenne a obligé Rome à examiner les demandes d’asile des migrants dont les effectifs gonflent à vue d’oeil; ce qui a poussé les italiens à troquer l’habit d’europhiles pour enfiler le costume d’eurosceptiques.

Nabil Bousaadi

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