Comment la RAM a négocié le virage de sa «e-réputation»

C’est en marge d’une rencontre organisée par la BritishCham autour de la e-réputation que la directrice marketing de la RAM, Saïda Najiouallah, s’est livrée à une «intervention confession» au sujet du décollage de la e-réputation au sein de la compagnie nationale. La RAM s’est littéralement armé d’un véritable contingent pour faire face à la déferlante des réseaux sociaux qui s’est abattue sur elle. Non sans succès d’après son management.

«Si auparavant nous avions une ou deux personnes derrière notre page Facebbok, aujourd’hui c’est une armée qui la gère», lance d’emblée Saida Najioullah, directrice marketing de la RAM. C’est dire le chemin parcouru par la compagnie nationale. En réalité, c’est à un véritable parcours du combattant qu’a dû mener la RAM pour enfin parvenir à gérer sa e-réputation. Car s’il y a une chose que l’on ne peut contester aujourd’hui, c’est la prise en charge quasi immédiate de toutes réclamations ou même demande d’information sur les réseaux sociaux, bien que leur résolution n’est pas toujours chose aisée».

«Au début la RAM recevait les courriers de réclamation via la poste ou bien par email, et qui étaient traitées sans faire de bruit ou presque. C’était entre la compagnie et le client.

Mais à un moment, et à l’instar de toutes les grandes compagnies aériennes et toutes les grandes entreprises, le management a pensé à créer un compte Facebook, puis un autre sur twitter et pourquoi pas Instagram», commence par raconter Saïda Najiouallah. C’était il y a un peu plus de trois ans maintenant.

Seulement voilà, la compagnie n’a pas réellement mesuré l’impact que cela pouvait avoir pour une entreprise qui transporte 6,5 millions de passagers par an, 30.000 passagers par jour, et qui plus est parlent une vingtaine de langues. Résultats des courses, la compagnie s’est retrouvée au beau milieu d’un «marché» qu’elle ne connaissait pas, recevant un flux de demandes et de réclamations incoyable.

Dimensionner son offre

 «Je n’ai pas trouvé meilleure image, meilleur parallèle que celui d’un marché, d’un souk, pour illustrer les conséquences de l’ouverture d’une page facebook pour une entreprise comme la nôtre. Car comme dans un marché, nous ne savions pas à quel type de client nous allions faire face, ni à combien de clients et encore moins combien de personnes fallait-il mettre derrière le stand. Nous ne savions pas quel genre de produits nous devions proposer sur facebook, ni si nous avions les stocks nécessaires derrière ! », raconte avec beaucoup d’émotion la directrice marketing de la compagnie nationale. La métaphore utilisée est parlante à plus d’un titre. Car lorsque vous vous installez dans un marché, in fine pour faire comme tout le monde, sans avoir réalisé d’études de marché auparavant, sans avoir dimensionner les équipes nécessaires pour recevoir un tel flux de demandes, il va sans dire que le décollage est laborieux. En outre, la stratégie à mener est d’autant plus complexe qu’il faut un langage approprié à chaque canal de réseau social.

Ce ne sont ni le même ton, ni le même style, ni les mêmes informations qui sont communiquées sur Facebook, Twitter et Instagram. « Chaque canal de réseau social est différent. Aussi, il est important de faire la distinction entre le langage pour une promotion, une information officielle, ou encore une annonce importante. Nous avons tendance à reprendre une expérience personnelle, et la dupliquer pour une institution officielle ou un organisme. Malheureusement, ce n’est pas aussi évident que cela», insiste Saïda Najiouallah.

Par ailleurs, la RAM est une compagnie nationale qui a ses propreshabitudes, son protocole, sa ligne managériale. Il a donc fallu élaborer une stratégie éditoriale spécifique aux réseaux sociaux, sans compter que la compagnie a dû rapidement revoir ses effectifs pour faire face aux 200 posts jour qu’elle recevait.

Par ailleurs, et au-delà de la stratégie éditoriale et du dimensionnement des équipes, une autre problématique surgit : celle de la maîtrise des langues. Car un billet peut être acheté de n’importe où dans le monde, à Hong Kong, Rio, New York,… sans compter les 16 «touch point» qui jalonnent le parcours client, de la vente jusqu’à la livraisondes bagages, et qui met également la compagnie face à un grand nombre de cultures et de langues, et tout cela en continu.

Le pari de l’externalisation

«Une compagnie aérienne, c’est plusieurs centaines de personnes qui sont sur plusieurs fuseaux horaires. Lorsqu’un incident se produit, les équipes opérationnelles sont, elles, déjà sur le vol d’après. Elles ne peuvent pas rester focus sur ce qui s’est passé hier ou le vol précédent alors qu’elles ont 20 vols qui attendent derrière.

Il faut donc essayer de prioriser votre demande par rapport à la e-réputaion sur l’opérationnel. Il faut essayer de voir ce qui est le plus important : nuire quelque part à l’activité opérationnelle ou apporter une réponse à une crise», détaille la directrice marketing. Pour cela, la compagnie dispose d’un certain nombre d’instruments de mesure en interne et en externe. La RAM a pris le parti de ne pas s’équiper en interne, car selon Najiouallah, la solution d’avoir une agence lui offre la flexibilité de monter en volume, de recruter, de passer à une autre dimension. En effet, au bout de trois ans, la RAM dispose littéralement d’une armée, que ce soit pour la veille e-réputation ou le community management, qui maîtrise les langues, qui est là en continu, qui répond et qui traite des centaines de messages par jour.

«Pour le monitoring avec l’agence, nous avons mis en place une batterie de procédures de gestion de crise, de veille de e-réputation,…. Et en interne, nous avons opté pour un groupe whastapp, c’est ce que nous avons trouvé de plus agile. Cela permet d’avoir des échanges entre l’ensemble des destinations en live, ce qui permet aux équipes de New York ou Montréal de nous prévenir à l’avance en cas d’incidents», avance la directrice marketing. La RAM a également équipé le personnel naviguant de tablettes pour avoir des rapports en mode dynamique. Le management a fait le choix de digitaliser tout l’ensemble des rapports et comptes rendu de vol pour obtenir l’information le plus rapidement possible, avec un protocole spécifique ne cas d’incidents.

«Depuis la création où nous étions à 20.000 abonnés, nous sommes aujourd’hui à plus de 500.000 qui sont pour la plupart des fans d’aviation. Et aujourd’hui on peut dire que si auparavant nous étions dans la cacophonie, pas parce que n’entendions pas, mais parce que nous ne parlions pas le même langage et que nous étions ni outillés ni dimensionnés pour cela.

A partir du moment où nous nous sommes équipés, où nous avons sous-traité, où nous avons mis en place les procédures, où nous avons jaugé ce qui était une crise de ce qui ne l’était pas avec le recul nécessaire pour ne pas céder à la panique, nous sommes arrivés à une sorte d’harmonie. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à avoir de l’interaction positive…Bien entendu, il y a toujours des clients qui perdent des bagages, bien sûr qu’il y a des retards car aucune compagnie aérienne ne peut se targuer de d’une ponctualité parfaite à 100%. Mais si auparavant nous ne parvenions pas à répondre, aujourd’hui nous répondonset nous parlons surtout. On arrive surtout à raconter des histoires, à dire qui nous sommes, pourquoi nous sommes là, à quoi nous servons :  à vous inspirer, à vous aider à déployer vos ailes», conclut Saïda Najiouallah, directrice marketing de la Royal Air Maroc.

Soumayya Douieb

Avis d’expert

Amine Bennis, PDG de Tribal DDB

Le budget pour avoir un outil de e-ep, pour avoir une agence qui va mettre les équipes nécessaires sur votre projet, varie entre 300.000 jusqu’à 800.000 dirhams par an pour une prestation basique pour être au fait de votre e reputation. Car en plus de l’outil, il vous faut un analyste pour suivre la e-rep ainsi que les équipes pour formuler les recommandations. D’autant plus que plus vous en savez à ce sujet, plus vous devez en faire, et plus vous devez en faire, plus ça vous coûte cher.

Toutefois, il faut savoir que la e-rep concerne principalement les grandes entreprises. Ce genre d’outils est taillé pour des entreprises assez importante, suffisamment importantes pour avoir une réputation à défendre. Il faut qu’il y ait du volume à monitorer, autrement dit vous devez être à un volume de mention qui va au-delà des 10.000 mentions mensuelles.

A noter que la gestion de la e-rep n’est pas forcément nécessaire. Il faut une certaine dimension, une certaine maturité, pour qu’il y ait un véritable besoin de monitorer la e réputation d’une entreprise

En somme, et même s’il est très tendance de gérer sa e-rep, il vaut mieux investir pour créer la conversation, pour créer de la notoriété, pour créer de la réputation, avant de pouvoir par la suite la monitorer. : Il faut d’abord avoir un niveau de notoriété suffisant pour que l’on parle de vous!

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