Ramadan et « Tramdina »…

Décidément, c’est devenu pratiquement un comportement « chronique » de la part des mauvais jeûneurs qui, dès l’entame de Ramadan, daignent déverser délibérément leur capital sournois et coléreux de tout bord sur leurs congénères acculés à la défensive en raison de leur souscription et dévotion à la piété et au recueillement devant prévaloir durant ce mois sacré de tolérance par excellence.

Armés de moult prétextes dans le dessein d’étayer et corroborer leurs agissements inappropriés, voire parfois agressifs, que l’on qualifie communément en dialecte de « Tramdina » (mauvaise humeur), ces jeûneurs invoquent souvent et se barricadent derrière des subterfuges et faux-fuyant en vue d’être graciés ou tenter de décrocher désespérément des circonstances atténuantes. Du sevrage de la cigarette au ventre-vide en passant par le manque cruel de sommeil et la pénibilité du travail, autant de répercussions « objectives » qui amenuisent leurs capacités physiques, sans pour autant altérer d’un iota celles de leurs semblables qui subissent de plein fouet et dans un silence religieux les mêmes obligations et contraintes. Certes, la privation brusque de la cigarette pour les grands fumeurs y est pour quelque chose, dans la mesure où, selon des psychologues, la nicotine influe sur le système nerveux et serait, entre autres, le précurseur et à l’origine d’une mauvaise humeur et d’une rancœur parfois incontrôlables. Pourtant, l’addiction à la cigarette et à d’autres produits qui agissent sur l’état d’esprit du jeûneur ne s’avère désormais guère l’unique fondement qui justifie son attitude coléreuse. « Certes, j’accomplis le jeûne avec difficulté en raison de ma dépendance à la cigarette. Dès le début du mois sacré, je souffre le martyre et je suis souvent en colère et de mauvaise humeur à cause de cette privation qui me complique l’existence. Pourtant, je m’approvisionne comme il faut depuis le Ftour jusqu’au Shour », a confié à la MAP, Mohamed B. un fonctionnaire qui fume depuis pratiquement une trentaine d’année. « J’ai tenté, à plusieurs reprises, d’arrêter de fumer en profitant de l’avènement de ce mois sacré, mais en vain. Je me dis: si je parviens, tout de même, à m’y abstenir durant presque seize heures par jour, pourquoi ne pas résister et en finir une fois pour toutes ? », s’est-il interrogé avec amertume. Selon toujours des psychologues, une autre catégorie de personnes « circonstancielle » surgit durant le mois sacré pour briller, donner de la voix et se distinguer par son attitude irascible qu’aucun alibi ne saurait justifier ni sur le plan physique, sociétal ou encore comportemental. Durant presque toute la journée, en particulier à quelques heures avant l’appel à la rupture du jeûne, des scènes rocambolesques et abracadabrantes émergent par ci par là et deviennent l’apanage incontournable des avenues et principales ruelles de la capitale. Un trafic émaillé souvent par des petits incidents qui enfreignent sa fluidité d’ores et déjà engorgée entrecoupés de propos injurieux et vociférateurs qui fusent de toute part et qui se couronnent souvent par des querelles et rixes sous le regard indifférent et inquisiteur des jeûneurs « normaux » et « disciplinés ». La conduite lors des heures de pointe, spécialement pendant le Ramadan, devient un cauchemar et un parcours de combattant à laquelle il faut s’y habituer avec sang-froid et beaucoup de patience pour éviter toute prise de bec avec des chauffeurs cholériques, a indiqué Brahim N. taxieur à Rabat. Bien que la conduite constitue son occupation principale, ce chauffeur de grand-taxi n’a pas caché son ressentiment de voir autant de scènes morbides aux antipodes du mois du jeûne qui de surcroît constitue l’un des cinq piliers de la religion musulmane qui prône la tolérance, la solidarité et le pacifisme. Le jeûne de Ramadan fait partie des pratiques les plus importantes de l’Islam. C’est le mois des bienfaits, de vénération et de bénédiction. Il s’agit également du mois où l’on commémore la révélation du Saint-Coran et de la Nuit sacrée du destin et l’on y adopte l’indulgence et la flexibilité envers les malades, les nécessiteux, les démunis… Cependant, « Tramdina » déroge, de manière criarde, à cette règle. Ce phénomène social qui s’amplifie au fil des ans et dont les ramifications s’étendent en raison de plusieurs facteurs qui l’exacerbent, dont l’ignorance, ne peut être jugé et interprété comme étant purement et simplement la principale cause du jeûne, dont les bienfaits ne sont plus à démonter…

Khalid Barka (MAP)

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