La pyramide et le réseau

Sur la voie d’un parti moderne

Le Parti du progrès et du socialisme a réuni le weekend dernier son comité central, suivi  d’une réunion extraordinaire de son congrès national. La finalité de cette mobilisation printanière des  cadres du parti est d’introduire des amendements – à la suite de discussions délibératives – dans les statuts du parti et ce dans la double perspective d’améliorer son rendement en termes d’action politique mais également en termes d’une «écologie de l’action». C’est-à-dire une action combinant efficacité, économie de moyens (au sens large y compris et surtout le temps), et une bonne gestion des compétences.

La forme en vigueur jusqu’à présent semble donner des signes d’essoufflement eu égard à la nature des enjeux en perspective, de « la férocité » de la compétition qui s’annonce. Cette façon de faire, très généreuse dans ses principes voire aristocratique dans sa philosophie ne répond plus aux nécessités de la nouvelle phase de l’action politique. Ni d’ailleurs à la nouvelle configuration prise par la communication sociale suite à la révolution numérique qui devrait finir par contaminer les modèles d’organisation politique. Le point d’orgue de cette impasse a été enregistré lors du dernier congrès national ordinaire. Il fallait alors réagir.

Il faut reconnaître dans ce sens  que la réflexion théorique sur les questions d’organisation a constitué le parent pauvre de la pensée politique y compris dans sa variante de gauche. Il y a avait comme un tabou qui pesait sur cette dimension de la vie partisane marquée pourtant et périodiquement par de virulentes polémiques autour de sujets relatifs aux choix et orientations politiques. Alors que les questions d’organisation étaient reléguées à l’arrière-plan, abordées souvent comme dernier point de l’ordre du jour ou traitées dans les coulisses, entre initiés, donnant lieu à des manœuvres occultes et à des manipulations qui finissent par ternir les acquis de la réflexion politique générale. Il y a un hiatus entre le discours politique et la vie de l’appareil.

Le PPS a pour sa part accumulé une riche expérience historique en matière d’organisation ; une expérience spécifique et originale qui a fait de lui et de ses militants un modèle auquel on fait référence quand il s’agit de discipline, de respect des modes d’organisation. Une organisation née dans le militantisme et sous le feu de l’action. Durant de longues périodes de son histoire, le parti a eu à subir les affres de la répression et de la restriction du champ de la libre expression. Les conditions difficiles de l’action politique ont forgé un modèle d’organisation basée sur le célèbre concept de « centralisme démocratique » que des conditions spéciales ramenaient souvent au seul centralisme.  Pendant longtemps il y avait un hiatus entre la nature du projet politique préconisé (démocratique et socialiste) et la forme d’organisation, très fermée et bureaucratique qui le portait. Cela n’a pas empêché l’époque de se distinguer par les grandes qualités humaines des militantes et militants qui faisaient preuve d’humilité, d’altruisme et d’abnégation ; forgeant ainsi une élite exceptionnelle pétrie de valeurs humanistes qui donne au parti aujourd’hui son ADN.

La roue de l’histoire a tourné ;  l’ouverture du système politique, l’apparition de nouveaux enjeux politiques ont bousculé l’ancien modèle d’organisation. Le parti s’est progressivement ouvert, rejoint au fur et à mesure de son intégration au jeu institutionnel par de nouveaux profils sociaux et politiques.

Et à l’instar des autres partis, c’est le corps des élus qui établissaient un nouveau rapport de forces au sein de l’organisation. Le parti est devenu à l’image de la société alors que pendant longtemps il a fonctionné en contre modèle de la société. Cette ouverture ne fut pas sans risques ; il a eu son coût. Faut-il pour autant jeter la pierre à cette nouvelle formule et dénigrer les acquis qu’elle a permis ? C’est verser, à mon sens, dans l’exercice facile. C’est agir comme si le parti avait le choix.  Pouvait-il se contenter d’ériger sa  pureté organisationnelle en dogme quitte à se cantonner dans la ghettoïsation propre aux groupuscules ? A se contenter d’une fonction élitiste tribunitienne ? Le choix d’un parti de masse qui va au charbon, mouillant la chemise au service de la cause du peuple (clin d’œil  à Sartre et Les mains sales) a un coût, le PPS l’assume aujourd’hui en ouvrant le chapitre de la réflexion sur la question d’organisation. Un autre chantier qu’il s’agit de mener avec conscience et dans la lucidité.

Si l’option de l’ouverture est irrémédiable, il faut la nourrir constamment par un travail de fond théorique, intellectuel, innovant et imaginatif. Dans ce sens on peut dire que si le modèle pyramidal, symbolisé par les formes d’organisation centralisatrices a fait son temps, il est opportun de s’inspirer de la culture cybernétique en vigueur et de son modèle de fonctionnement en réseaux.

Je plaide en effet en faveur d’un modèle d’organisation politique en réseaux. Il correspond d’ailleurs à l’entrée du pays et du parti dans le choix de la régionalisation avancée. Je pense que le parti doit aller très loin dans ce sens et s’ériger en pionnier comme il a été par le passé. Une organisation en entités autonomes, à l’image des sites qui gravitent autour d’un serveur. Chaque entité disposant d’une large autonomie, réfléchissant et agissant dans l’horizontalité et la transversalité. Un fonctionnement favorisé par le développement des formes de communication instantanée : les réseaux sociaux numériques rendent caduques les anciennes circulaires qui font des semaines pour arriver du bureau politique à la cellule de base. Aujourd’hui avec le vote électronique, on n’a nul besoin de réunir mille personnes pour prendre une décision. Les vidéos conférences peuvent rendre les réunions du bureau politique quotidiennes…Bref, il s’agit d’inventer une démocratie à l’ère du temps.

De la pyramide au réseau…ma conviction intime reste cependant que ce sont les hommes qui font l’organisation et qui donnent sens à l’action politique et non l’inverse.

Mohammed Bakrim

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