Risques auditifs : les enfants sont les plus exposés

On est très nombreux à dénoncer la pollution atmosphérique surtout au niveau des grandes villes où parfois l’air devient presque irrespirable. Ce qui accroît le risque de maladies respiratoires aiguës (pneumonie, par exemple) et chroniques (cancer du poumon, par exemple) ainsi que des maladies cardio-vasculaires. Mais il est une pollution tout aussi dangereuse qui préoccupe moins nos concitoyens et ce, au moment où elle est responsable d’handicaps très lourds. Il s’agit du bruit qui nuit fortement à notre santé auditive et qui peut à la longue entrainer une surdité irréversible.

La vie dans une grande ville comme Casablanca, n’est pas synonyme de havre de paix, de détente, relaxation, mais de vie trépidente, de rythme accéléré, de stress, de pollution, de trafic intense de camions, de voitures, bus, motos et bien entendu de klaxons. Tous ces types de bruits que nous supportons quotidiennement, ajoutés à la musique que certains jeunes et moins jeunes écoutent en longueur de journée avec leurs écouteurs ou casques, sont à l’origine des troubles du sommeil, des difficultés d’apprentissage, de concentration, de fatigue et de stress. Certains troubles auditifs peuvent apparaitre comme les sifflements de l’oreille ou acouphènes, une sensation de tintement ou de bourdonnement dans l’oreille. Lorsque le son est particulièrement fort, régulier ou prolongé, il peut entraîner des lésions définitives des cellules sensorielles de l’oreille, provoquant une déficience auditive irréversible.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que 1,1 milliard de jeunes à travers le monde pourraient courir un risque de perte auditive due à des habitudes d’écoute dangereuses. Plus de 43 millions de personnes de 12 à 35 ans souffrent d’une perte auditive invalidante due à différentes causes. Chez les adolescents et jeunes adultes de 12 à 35 ans des pays à revenu moyen ou intermédiaire, près de 50 % écoutent leurs appareils audio personnels tels que les lecteurs MP3 et les Smartphones à un niveau sonore dangereux. Près de 40 % sont exposés à des niveaux sonores potentiellement traumatisants dans les discothèques et autres lieux de loisirs.

Au Maroc, nous relevons que pratiquement tous les jeunes sont en permanence branchés à leurs baladeurs et autres appareils du même type, qui sont utilisés pour écouter de la musique. Certains parmi ces jeunes, sont tellement accros à leur Iphones qu’ils dorment en écoutant de la musique à plein tube. De telles attitudes nocives finissent par entrainer des troubles auditifs chez ces jeunes.

Les enfants plus exposés

Si on prend en considération les études qui ont été réalisées au niveau de certains pays qui ont quelques similitudes avec le Maroc, nous relevons qu’une personne sur quatre souffre d’acouphènes, qui sont des sifflements plus ou moins permanents et en cause, surtout  les écouteurs et les casques audio. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que pratiquement tous les jeunes sont munis d’écouteurs  pour écouter leur musique préférée, mais le volume est beaucoup trop fort, ce qui à la longue finit par nuire à la santé auditive et dans certains cas, entraine la surdité .

Concernant les Smartphones, il est utile de rappeler pour la petite histoire que 470 millions d’appareils ont été vendus dans le monde pendant la seule année 2011, ce qui signifie en clair   que les risques potentiels sont énormes. Non seulement les appareils audio personnels sont d’un accès de plus en plus facile pour les jeunes, il suffit de se rendre a Derb Ghallef avec 100 ou 200 DH, pour avoir son appareil dernier cri (made in China) bien entendu.

Des gadgets, de plus en plus employés pour écouter de la musique, à des volumes sonores élevés et pendant de longues périodes. Ces comportements à risque peuvent entraîner des altérations permanentes de la capacité auditive des jeunes qui sont obnubilés par la musique techno, Rai, Pop…

L’exposition prolongée à plus de 85 décibels (dB) pendant huit heures ou plus de 100 dB pendant 15 minutes, est dangereuse.

De lourdes répercussions

Chez le jeune enfant, la perte auditive induite par le bruit a une incidence sur l’acquisition du langage. Des difficultés d’apprentissage, de l’anxiété et des comportements visant à attirer l’attention de l’entourage sont aussi communément observés chez les enfants qui en sont atteints. L’exposition chronique au bruit dans les salles de classe peut nuire aux résultats scolaires en affectant par exemple la lecture, la compréhension, la mémoire à court et à long terme et la motivation. Les enfants exposés à des environnements bruyants ont en moyenne, de moins bons résultats que les autres aux tests d’aptitude normalisés.

On considère comme enfants atteints de troubles auditifs tous ceux dont l’audition est insuffisante pour leur permettre d’apprendre leur propre langue, de participer aux activités sociales normales et de bénéficier des activités éducatives courantes. On compte 5 enfants environ sur 1000 qui ont une déficience auditive (statistique européenne), ce qui donnerait pour le Maroc 130.000 personnes déficientes auditives.

En ce qui concerne les surdités congénitales, on peut retenir le chiffre de 75 pour 100 .000 habitants, donc 19 .500 surdités congénitales annuelles.

Conscient de tous ces risques, et mesurant à sa juste valeur les conséquences et répercussions des nuisances sonores sur la santé auditive des citoyens, le ministère de la santé avait organisé en 2015, une journée nationale de sensibilisation sur la santé de l’audition, au cours duquel avait été présenté le plan national de prévention et de contrôle de la surdité 2015-2020.

Information, sensibilisation et éducation

La perte auditive induite par le bruit peut retentir sur différents aspects de la vie courante, y compris le développement social et la progression scolaire et l’aptitude au travail du sujet, c’est dire toute l’importance de la prévention dans la lutte contre les causes de la perte auditive induite par les bruits et les mauvaises attitudes surtout chez les jeunes.

Cette approche vise à faire prendre conscience aux jeunes de l’importance de l’audition et des conséquences inhérentes à sa perte. Les jeunes doivent s’approprier toutes les informations susceptibles de mieux les éclairer sur le sujet et ne plus rester dans l’ignorance.

Démontrer aux jeunes tout le plaisir que l’on peut tirer en écoutant de la musique avec une intensité qui ne soit pas nuisible pour leur audition et montrer aussi les effets nocifs, nuisibles, d’une écoute sans contrainte, sans mesures de protection et les lourdes conséquences sur leur audition.

Agir auprès des jeunes

Pour le professeur Mustapha Detssouli, spécialité en Oto – Rhino Laryngologie et actuel président de la société marocaine d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, la problématique des déficiences auditives en milieu scolaire est une réalité qu’il ne faut en aucun cas occulter, car les enjeux sont énormes. Il s’agit de l’avenir de milliers d’enfants qui aujourd’hui, souffrent d’un problème de santé auditive qui peut être pris en charge.

Ce qui est mieux, c’est bien entendu de prévenir toutes ces affections, notamment grâce à un partenariat entre le ministère de l’éducation nationale et celui de la santé et les ONG.

Ces actions permettront de se rendre sur les lieux de concentration des jeunes, à savoir l’école pour sensibiliser tous les jeunes dans les écoles primaires, les collèges et les lycées, sans omettre les instituts de formation professionnelle. Il faudrait également mettre en place des actions permanentes concrètes et visibles, pour que tout un chacun soit responsable de sa santé auditive.

Ouardirhi Abdelaziz

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