Les Saoudiennes vont (enfin) prendre le volant

«C’est fantastique, je plane. Cela fait vingt ans que l’on attendait cette mesure» a dit Fawzia Al-Bakr, une figure emblématique de la cause des femmes en Arabie Saoudite. C’est dire qu’elle est vraiment de taille l’annonce faite ce mardi 26 septembre 2017 par les autorités ultraconservatrices et ultra religieuses du Royaume Wahhabite, ce berceau de l’Islam où la chariâa est appliquée d’une manière stricto sensu : les femmes saoudiennes, à l’instar de la gente féminine du monde entier, vont (enfin) être autorisées à conduire !

L’interdiction de conduire qui, de par le monde, n’était appliquée qu’à l’encontre des seules femmes d’Arabie Saoudite et qui, dans les faits, ne contribuait qu’à ternir l’image du pays à l’étranger va, d’après la Télévision d’Etat, être levée d’ici Juin 2018, le temps nécessaire pour permettre aux saoudiennes de décrocher, à l’issue d’un examen spécifique,  ce titre dont elles ont toujours rêvé mais toujours été privées, qu’elles convoitent depuis des lustres et qui, sous d’autres cieux, s’appelle, tout simplement, «permis de conduire».

La levée de cette interdiction est intervenue à la suite d’un Décret signé par le Roi Salmane et, bien entendu, à l’effet de permettre au Royaume d’améliorer son image à l’étranger et, par voie de conséquence, ses relations avec le reste du monde; ce qui, du reste, est très important en ce moment où la crise fuse avec le Qatar voisin qui, soucieux de prendre l’avantage, sur son rival saoudien, aux yeux de la communauté internationale, a commencé, dès l’été dernier, à entreprendre certaines réformes progressistes dont la plus importante fut l’octroi de la nationalité qatarie aux étrangers installés de longue date dans le pays.

Force est de reconnaître, toutefois, que si l’anachronisme que constituait jusqu’à la semaine dernière cette interdiction de conduire faite aux femmes était connue bien au-delà des frontières de l’Arabie Saoudite, tout le monde ne sait pas – et, d’ailleurs ne comprendrait pas –  que les femmes du Royaume d’Al Saoud  soient toutes considérées comme «mineures» et soumises, à ce titre,  à la tutelle d’un proche de sexe masculin – qu’il soit mari, père ou frère –  pour l’accomplissement de ces menus actes de la vie quotidienne qui ont pour noms travail, études, voyage…  Pour sortir dans la rue  – juste pour faire un petit tour, comme on dit communément – les femmes d’Arabie Saoudite sont encore obligées de porter une «abaya», cette longue tunique noire qui les couvre de la tête aux pieds. Gare à celle(s) qui ne s’y conformerai(en)t pas parce que l’omnipotente «Commission pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice» est omniprésente et qu’elle veille au grain un gros gourdin à la main.

Applaudissons, tout de même, au fait que la levée de cette interdiction ne soit pas un acte isolé mais qu’elle entre dans le cadre de cet ambitieux plan de réformes économiques et sociales que le Royaume Wahhabite entend mettre en œuvre à l’horizon 2030 en dépit de l’opposition des ultraconservateurs et dont les prémices sont déjà là !

En effet, ce samedi ce sont des centaines de saoudiennes qui, à  l’occasion de la fête nationale, ont pu rentrer, pour la première fois de leur vie, au Stade de Ryad pour assister – au même titre que leurs compères hommes – aux concerts qui s’y sont déroulés et admirer les feux d’artifice alors que, jusqu’à ce jour, elles n’étaient pas admises dans les stades en application de la sempiternelle loi de séparation des sexes dans l’espace public.

Bien qu’émise en vertu d’un décret royal, l’autorisation de conduire désormais accordée aux saoudiennes est à mettre à l’actif du nouvel homme fort du pays, le Prince héritier Mohamed Ben Salman, communément appelé «MBS» qui a lancé l’opération «Vision 2030», un ambitieux plan de réformes visant à «rompre la dépendance de l’économie saoudienne de l’or noir et à desserrer l’emprise des religieux sur la société».

On dit même – bien que cela ait été démenti par les proches de la Maison Al Saoud – que la passation du pouvoir entre le père et le fils pourrait intervenir incessamment. Bien des choses changeraient s’il en était ainsi !

Disons pour terminer que si, au-delà des frontières du Royaume Wahhabite, l’octroi d’un permis de conduire à une femme n’est qu’une  opération anodine, il constitue, en deçà desdites frontières, un grand pas sur le chemin de la libération et de l’émancipation des femmes, un pas qui, s’il est franchi, extirperait la femme saoudienne de cette cage, dorée selon certains, où elle est maintenue enfermée.

Nabil El Bousaadi

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