Le secteur pharmaceutique en effervescence…

Il y a quelques jours le laboratoire pharmaceutique saoudien Spimaco a annoncé un nouvel investissement de 400 millions de dirhamsau Maroc. Si en soi l’information n’a rien de particulièrement extraordinaire, il n’en reste pas moins qu’elle signe le prélude, aux côtés de nombreuses autres opérations  l’ayant  précédées, d’un tournant stratégique dans le secteur entre opérations de consolidations et de croissance interne. En cause, l’important potentiel que recèle le secteur pharmaceutique marocain encore inexploité…

400 millions de dirhams, c’est le coût de la nouvelle usine du groupe saoudien d’industrie pharmaceutique «Saudi pharmaceutical industries & medical appliances corporation» (Spimaco), à travers sa filiale marocaine anciennement nommée Ipharma. « Une nouvelle unité de plus grande envergure, prévue dans la zone industrielle de Berrechid, qui devra atteindre sa vitesse de croisière en 2020 », fait savoir le directeur général délégué de Spimaco Maroc, Hossam Mohy El Din.

Ceprojet représente un grand pas en avant pour l’entreprise dans le cadre de son plan de développement, mais s’inscrit surtout  dans le plan d’accélération industrielle, de ses écosystèmes et de ses nombreux avantages sonnants et trébuchants. L’unité s’occupera de la fabrication des formes orales sèches, avec possibilité d’extension pour la fabrication d’autres formes pharmaceutiques à hautes valeur ajoutée technologique.

Elle sera également spécialisée, en plus de la fabrication, dans le stockage et la distribution de médicaments. Etendue sur une superficie de 15.670 m² au cœur de la zone industrielle de Berrechid, la nouvelle usine sera opérationnelle en 2018 et devrait créer 350 emplois à l’horizon 2022.À terme, Spimaco Maroc produira plus de cinquante nouvelles molécules versus 20 actuellement. Avec ce nouvel investissement, le groupe ambitionne de prendre place dans le top 10 des laboratoires pharmaceutiques dans le Royaume, aujourd’hui dominé par Cooper Pharma (10,2% de part de marché), Maphar (9,6%) et Sothema (8,6%) (cf Encadré : Le Top 10 des laboratoires pharmaceutiques);

Le choix du marché marocain n’est pas le fruit du hasard

Selon son directeur général, SPIMACO Maroc a pour vocation de contribuer au développement de l’industrie pharmaceutique et à l’indépendance thérapeutique dans le pays, grâce à la fabrication et à la mise sur le marché d’une gamme de produits innovants car la production locale ne satisfait que 65 % de la demande.

Spimaco est déjà présent à Tanger à travers une unité, agréée par le Ministère de la Santé, de production industrielle de médicaments destinés à l’usage humain, principalement des formes liquides (sirops). «Nous avons fait une étude sur les besoins du marché marocain en collaboration avec le ministère de la Santé. Nos produits ont également été choisis selon une étude de marché et de faisabilité élaborée par des cabinets internationaux spécialisés. Notre objectif est de proposer des médicaments de grande qualité à des prix abordables… C’est ainsi qu’on envisage de faire la différence sur le marché marocain», a précisé  Mohy El Din.

Rappelons que le leader de l’industrie pharmaceutique saoudienne a également d’injecter 120 millions de DH dans le capital de sa filiale marocaine. Ce qui hisse son capital social à 470 millions de dirhams et lui permet de finaliser dans les meilleures conditions son projet.

Le groupe a pris la décision de se renforcer au Maroc sur la base de plusieurs facteurs. Evidemment, il y a  la stabilité économique et politique du pays, sa position géographique en tant que porte vers l’Europe et l’Afrique, ainsi que le potentiel en ressources humaines qualifiées. Mais c’est surtout le potentiel de croissance en terme de dépenses de santé des marocains qui attisent toutes ces convoitises.

« Malgré le développement du secteur pharmaceutique au Maroc, on n’a pas encore atteint l’autosuffisance en terme de production de médicaments, le reste étant importé. La stratégie de Spimaco Maroc est de contribuer aux besoins nationaux avec des médicaments innovants fabriqués localement au sein de la nouvelle unité industrielle », a souligné le DG délégué.

En plus de la mission qu’elle s’est fixé de répondre aux besoins du marché national, l’entreprise ambitionne une expansion sur de nouveaux marchés, notamment africains, se reposant sur les bonnes relations qu’entretient le Maroc avec plusieurs pays d’Afrique ainsi que sur les conventions signées dans le secteur de la santé.

L’amorce d’un tournant stratégique

Le Maroc dispose de l’un des cadres réglementaires les plus développés de l’Afrique et de la région MENA. En effet, la réglementation tend vers une approche qui vise l’élargissement de l’accès de la population aux médicaments. Après les deux réformes majeures, à savoir l’instauration de l’AMO et le RAMED, le gouvernement marocain a engagé une réforme profonde de la règlementation des prix pour les rendre plus accessibles aux patients. C’est ainsi qu’un nouveau décret a été mis en place en 2013 pour revoir la méthode de calcul du prix afin de réduire les marges des industriels.

Ces mesures ont contribué à une nette amélioration des dépenses de santé qui ont augmenté de 8,4% sur la période 2000-2016, soit un rythme plus soutenu que la croissance du PIB au titre de cette même période (+5,5%).

Selon une étude sectorielle, la croissance des ventes de médicaments a été amorcée à partir de 2002, date d’approbation du texte de loi donnant naissance à l’AMO. Au cours de la période 2002-2005, les ventes de médicament ont cru en moyenne de 7,8% à près de 5 milliards de dirhams à fin 2005.Cette amélioration s’est reflétée à travers un budget de dépenses de santé par habitant de
1 730 dirhams (contre 573 en 2000), mais qui reste bien inférieur au niveau affiché dans certains pays développés comme la France, dont les dépenses de santé représentent près de 12% du PIB et s’élèvent à près de 3 970 euros par habitant.

À partir de 2006, date équivalente au lancement du processus de remboursement des frais de soins, les ventes de médicaments ont connu une croissance significative en passant de 5 à 10 milliards de dirhams entre 2005 et 2010, soit un taux de croissance annuel moyen  -TCAM- de 13,8%.

Les mesures qui ont été prises par les organes de santé au Maroc ont permis le développement des ventes de médicaments, notamment les génériques dont la part dans les prescriptions passe de 23% à près de 30% entre 2003 et 2015. Cette évolution se justifie par les incitations qui ont été introduites dans le cadre du RAMED qui visent l’accroissement de la consommation des génériques au Maroc.

Les ventes de médicaments par habitant passent de 142 à 413 dirhams entre 2002 et 2016, soit un TCAM de 7,9%. Cette évolution s’explique essentiellement par une progression plus rapide des ventes de médicaments par rapport à la croissance démographique au Maroc (+9,2% vs +1,2%).

Et c’est bien là ce que cible tous ces nouveaux projets d’usines au Maroc. Sauf qu’à fin 2015, le Maroc compte 42 laboratoires pharmaceutiques dont 33 disposant d’un site industriel. Aujourd’hui, la forte intensité concurrentielle au niveau du secteur, qui se matérialsise notamment par une forte présence des laboratoires étrangers, entrave le développement des unités de production dont le nombre est resté quasiment stable sur les 5 dernières années.En outre, si l’élargissement de la couverture médicale à une population à faible revenu a participé à une croissance des volumes vendus, il n’en reste pas moins que cet effet positif a été limité par la baisse des prix, conséquence de la mise en place de la nouvelle réglementation sur les prix des médicaments.

« La consolidation des acteurs est aujourd’hui nécessaire afin de pallier à cette pression sur les marges et, par la même occasion, développer un champion national ayant la capacité de mettre en place une stratégie à l’international afin de concurrencer les acteurs historiques du secteur. Enjeu principal de l’opération: acquisition des parts de marché », conclut  un analyste financiers.

Quant à l’intérêt des firmes étrangères, il s’explique d’abord par le fait que le Maroc dispose de l’une des réglementations les plus avancées en Afrique,avec des médicaments de qualité dont la vente est autorisée en Europe et aux Etats-Unis; ensuite par le potentiel inouï que représente le marché africain.

Soumayya Douieb

 

Top 10 des laborataires pharmaceutiques

       Nom du laboratoire                  Chiffre d’affaires  2015 (Mdhs)

  1. Cooper Pharma                                             1362
  2. Maphar                                                             1279
  3. Sothema                                                           1155
  4. Sanofi Aventis                                               1128
  5. Laprophan                                                       945
  6. GSK 702
  7. Pharma                                                           5627
  8. Promopharm                                                  533
  9. Novartis                                                            414
  10. Pfizer                                                                  412
                                                                    Source : OMPIC

 

Zoom: Qui est Spimaco ?

Le groupe Saudi Pharmaceutical Industries & Medical Appliances Corporation (Spimaco) est doté d’un capital de 320 millions de dollars. Il a été créée en 1986 avec pour objectif principal la mise en place d’une industrie pharmaceutique performante en Arabie Saoudite. SPIMACO a développé une position forte en Arabie Saoudite où son siège social est situé, plus exactement à Qassim. L’usine fabrique des produits pharmaceutiques destinés au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord. La firme compte dans son tour de table un autre groupe pharmaceutique saoudien, Acdima (qui en contrôle 21%), ainsi que le marocain Cooper Pharma (5%). Spimaco possède également des usines en Algérie et en Égypte. Né en 1986, le groupe a généré en 2016 un chiffre d’affaires de 450 M€.

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