Soudan : Vers une sortie de crise ?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Après des négociations qui ont duré plusieurs mois, la junte, au pouvoir au Soudan depuis le coup d’Etat du 25 Octobre 2021, et les Forces pour la Liberté et le Changement (FLC), la principale coalition d’opposition regroupant les partis pro-démocratie dont les responsables avaient été évincés par l’armée, ont signé, ce lundi 5 Décembre, un « accord préliminaire » visant le retrait définitif des militaires de la scène politique soudanaise.

Ratifiée, à grands renforts de publicité, à Khartoum, au palais de la république, cette convention prévoit une période transitoire de deux années prenant effet dès la nomination d’un Premier ministre qui sera chargé de diriger le gouvernement civil qui restera en place jusqu’à l’organisation d’élections « libres et transparentes ». 

En application des termes de cet accord, le titre de « chef des armées » sera attribué à une personnalité civile chargée de diriger le Conseil militaire de Défense et de Sécurité qui sera placé sous la supervision du Premier ministre, les entreprises qui étaient contrôlées par des militaires dans de nombreux secteurs stratégiques de l’économie seront, désormais, placées sous la tutelle du ministère des Finances et, enfin, et comme l’a rappelé, le général Abdel Fattah Al-Bourhane, en reprenant l’un des slogans maintes fois scandés par les manifestants pour réclamer le départ de la junte, « l’armée retourne(ra) dans ses casernes ».   

Mais bien qu’après s’être félicités d’être parvenus à la conclusion de cet accord qui vise à mettre un terme aux multiples crises que traverse le pays, les représentants du Conseil Central des Forces pour la Liberté et le Changement (FLC) ont appelé toutes les forces révolutionnaires du Soudan à s’unir pour l’instauration d’un « régime démocratique durable », de nombreuses questions sont restées en suspens si bien que les protagonistes se sont accordés un délai supplémentaire de « quelques semaines » avant de sceller un accord définitif.

Les questions non encore « tranchées » et qui sont particulièrement sensibles ont trait notamment à la justice transitionnelle, à la réforme du secteur de la sécurité, à la révision des « accords de paix de Juba » signés en 2020 entre la junte militaire au pouvoir et certains mouvements rebelles ainsi qu’au démantèlement du système de corruption hérité du règne d’Omar Al-Bachir.

Or, si l’on en croit Kholood Khair, fondatrice du centre de réflexion Confluence Advisory à Khartoum, « les questions laissées en suspens sont déterminantes pour la suite (car) sans accord sur ces points cruciaux, tout le processus pourrait bien dérailler » alors même qu’aucun calendrier précis n’a encore été fixé pour la nomination du gouvernement.

Aussi, en mettant en garde contre ces « accords éphémères » auxquels est habitué le Soudan et en rappelant que le compromis signé entre les deux parties « repose plus sur l’approbation et le soutien de la communauté internationale » que sur son acceptation par « les forces vives de la société civile », la chercheuse craint fort qu’en se sentant « exclus » du processus en cours, les soudanais finissent par croire qu’il s’agit, encore une fois, d’un « accord » qui, en ayant été signé, « avec les généraux… finira mal ». Qu’en sera-t-il dans la réalité ?

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