Tobi Salaheddine ou la puissance du geste pictural…

Les palettes de Salé

Mohamed Nait Youssef

«La peinture permet de regarder les choses en tant qu’elles ont été une fois contemplées avec amour.», disait le poète et écrivain Paul Valéry.

Expressive, sensible, profonde et révélatrice… toute l’intelligence et le génie humains résident dans la peinture.

En d’autres mots, on pourrait tout lire, tout voir et peut-être sentir dans une œuvre picturale: des visions du monde croisées et multiples, de nouveaux horizons à conquérir, mais aussi et surtout des sensibilités. Une peinture reflète l’esprit de tout un siècle.

Du médecin au chevet du malade à la peinture au chevet du médecin, le Docteur Tobi Salaheddine a fait de la peinture son propre jardin d’aveu, son échappatoire, sa confidence et son univers où ses rêves, ses émotions, ses préoccupations, ses réflexions cohabitent en pleine symbiose.

«J’ai commencé la peinture à l’école primaire. Au lycée, dans les années 60, la peinture et la musique étaient des matières obligatoires. On a appris le dessin, le clair obscur, la perspective… 

Après des études en médecine à l’étranger, j’ai commencé à m’intéresser à la peinture, à fréquenter les musées d’ici et d’ailleurs, et à rencontrer des peintres  marocains. Mais, le point de départ était en 1994 lors de la semaine franco-marocaine de peinture. Pendant une semaine, on a investi les lieux emblématiques de Rabat en peignant sur place. C’était une vingtaine de palettes marocaines et françaises qui ont exposé leurs œuvres à l’occasion de cet événement artistique important organisé à la galerie de Bab El Kébir aux Oudayas, sous l’égide de l’Association Ribat Al Fath.», nous confie l’artiste.

Par la suite, Tobi Salaheddine a continué à travailler dans son atelier à la maison. La passion le guidait…Un an plus tard, l’artiste a participé à une deuxième exposition à la galerie Mohamed El Fassi, en 1995.

L’univers pictural de Tobi est un lieu qui donne à voir et à réfléchir sur un monde marqué par les transformations, les divergences où l’homme est habité par des questions à la fois ontologiques et existentielles. Ses œuvres sont également une ode à la vie, à la joie et à l’humain par le biais d’une une palette colorée et diversifiée. « Je laisse les gens découvrir la toile et ses secrets.», a-t-il dit.

Par ailleurs, avec ses couleurs chaudes et froides (bleu foncé, jaune, marron…), l’œuvre du peintre s’adresse à nos émotions et rêveries les plus profondes et les plus ensommeillées dans notre inconscient. Pourtant, il y a un bleu assez présent dans les œuvres de l’artiste. «J’aime le bleu, les différents bleus (bleu outremer, le bleu ciel…», a-t-révélé.

Originaire de Salé, Tobi Salaheddine est un artiste qui maîtrise les matériaux de son travail. Entre figuratif, abstrait, cubisme, nature morte, paysage, il a travaillé sur plusieurs sujets relatifs au patrimoine, à l’architecture.

Et pour révéler son génie artistique, le peintre utilise plusieurs techniques, à savoir la peinture à huile, la peinture à cyrillique et de la matière.  

«L’expérience figurative était une bonne expérience. J’ai beaucoup appris sur le figuratif pendant la semaine franco-marocaine. Ensuite, j’ai continué à acheter des livres et des magazines de peinture. Entre temps, je lisais, je pratiquais la peinture. C’est ainsi que j’ai beaucoup appris en figuratif. Mais, depuis quelques années, c’est l’abstrait qui me parle et m’intéresse beaucoup plus.», précise l’artiste.

L’abstrait est un univers où le peintre s’exprime librement sur les questions qui hantent et interpellent son esprit. Par ailleurs, il y a du mouvement dans sa peinture dont les inspirations sont multiples. Tobi Salaheddine qui puise dans  le patrimoine, les traditions et la culture marocains, peint des personnages qui existaient, des personnages qu’il avait vus pendant ses voyages et ses déplacements. 

Dans sa peinture, il introduit également des matériaux comme la broderie, des matériaux de l’alginate, entre autres.

«J’utilise beaucoup de produits avec lesquels je travaille dans ma profession comme l’alginate. Je les colle sur la toile, et puis je les peins. Il faut dire que  je suis le seul qui utilise cette méthode au Maroc. C’est ma propre technique !  Je fais également du collage des autres matières comme la broderie.», a-t-il révélé.

Sa peinture, à vrai dire, révèle d’une anthologie directe ; celle d’un peintre soufflant un vent poétique dans la toile. Tout commence alors par une couleur, une sensation, un état d’âme particulier afin de se transformer à un tissu visuel  regorgeant de significations profondes.

De l’abstrait en passant par le figuratif, la nature morte et le paysage, le peintre, fidèle à sa démarche artistique, invite l’œil sensible non seulement à apprécier la beauté, à méditer le beau, à jouir sans entraves de sa maîtrise picturale, de sa finesse, mais aussi à submerger dans les sens cachés reposant dans chaque relief, chaque mouvement, chaque geste et couleur.

En d’autres termes, chacune de ses peintures, ouverte à plusieurs interprétations et lectures, à quelque chose à dire, à extérioriser, à partager avec l’œil de celui ou celle qui la médite.

Tobi Salaheddine a exposé ses toiles en 2015 et en 2023, à la Galerie Nadira à Rabat.    

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