Un acteur de la refonte du système de santé national

Le médecin généraliste de famille

Docteur Rachid Choukri

Président du Collège National Marocain de Médecine Générale –

Médecine de Famille

Des défis à relever

La promotion et la protection de la santé constituent des actions essentielles pour soutenir le développement économique et social des pays, en assurant le bien-être de leurs populations.

Le Maroc, à l’instar des pays émergents, est actuellement confronté en matière de santé, à de nombreux défis, et notamment celui de l’élargissement de sa couverture médicale. Il s’apprête aujourd’hui à opérer une refonte de son système sanitaire, vaste opération de réingénierie qui va nécessiter la mise à niveau de l’Hôpital public (financement, digitalisation, infrastructures, équipements, ressources humaines, gouvernance, etc.), la régulation du secteur libéral, la mise en place de partenariats public-privés, et le parachèvement de sa couverture sanitaire universelle.

Pour une régulation optimale de son système de santé, notre pays a besoin d’un programme préventif, levier majeur de la réduction de la mortalité et de la morbidité, et de permettre au système de santé de gagner en efficience et de réaliser des économies. Dans l’état actuel des choses, notre médecine générale souffre d’une mauvaise presse tant auprès de la population qu’auprès des décideurs, alors que dans la plupart des pays, la spécialité Médecine Générale – Médecine de Famille a le vent en poupe et séduit étudiants en médecine, décideurs, caisses d’assurance maladie, et populations !  », principe incontournable, qui consiste à mettre en place un médecin traitant au cœur du dispositif sanitaire en lui confiant le suivi médical des patients.

Éradiquer le nomadisme médical

Cet outil organisationnel permet d’éradiquer le nomadisme médical et d’assurer la maîtrise des dépenses. Cette réorganisation du système de santé autour du médecin traitant et de la médecine de parcours, permettra de revaloriser la médecine de première ligne, et de lutter contre les inégalités en matière d’accès aux soins.

Elle est en mesure de permettre la mise en place d’un programme préventif, levier majeur de la réduction de la mortalité et de la morbidité, et de permettre au système de santé de gagner en efficience et de réaliser des économies. Dans l’état actuel des choses, notre médecine générale souffre d’une mauvaise presse tant auprès de la population qu’auprès des décideurs, alors que dans la plupart des pays, la spécialité Médecine Générale – Médecine de Famille a le vent en poupe et séduit étudiants en médecine, décideurs, caisses d’assurance maladie, et populations !

Importance des soins de santé primaires

Après-guerre, nombre de pays, notamment anglo saxons, ont eu à reconsidérer leurs systèmes de santé qui n’obéissaient plus qu’à la loi du marché. La croissance démographique aidant, les besoins finirent par dépasser rapidement les moyens. Les pouvoirs publics se sont alors vite retrouvés confrontés au souci du contrôle de la dépense médicale. Commença alors une longue quête à la recherche de nouvelles solutions pour fournir et délivrer des soins de santé en fonction des changements démographiques et épidémiologiques, des avancées médicales, de l’économie de la santé, des besoins et des attentes des patients. Des organismes comme l’organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’organisation mondiale des médecins de famille «Wonca », vont par la suite démontrer que les systèmes de santé basés sur des soins de santé primaires efficaces, avec des médecins généralistes/médecins de famille qui pratiquent au sein de la communauté, fournissent des soins plus rentables et plus efficaces.

En 1978, la Déclaration d’Alma-Ata, issue de la Conférence sur les soins de santé primaires, et à laquelle le Maroc adhère, va mettre en évidence l’importance des Soins de Santé Primaires (SSP), comme moyen d’accéder à un niveau acceptable de santé pour tous et d’atteindre de façon efficiente et équitable la Couverture Sanitaire Universelle (CUS) et les Objectifs de Développement Durable(ODD).

La Déclaration d’Alma-Ata , 25 ans après !

Cette déclaration allait redonner ses titres de noblesses à la première ligne de soins et à la médecine de famille. Le Médecin Traitant, Médecin Généraliste – Médecin de Famille : coordinateur du parcours de soins et ordonnateur des dépenses. Actuellement, la plupart des pays de la planète ont adopté une nouvelle vision de la Médecine Générale, où la maladie n’est qu’une partie du problème abordé et non une finalité ; ce qui importe étant le patient. Il s’agit de la Médecine de Famille, qui est actuellement considérée comme une spécialité clinique à part entière, orientée vers les soins primaires, et s’exerçant en ambulatoire.

Ainsi, aussi bien dans les pays développés que ceux émergents, voire en voie de développement (Canada, Pays -bas, Belgique, France, Espagne, Portugal, Thaïlande, Iran, Turquie, Koweït, Palestine, Jordanie, Cuba, Népal, etc.), le Médecin de Famille/ Médecin Traitant occupe une place centrale dans le parcours de soins. Il est à la fois le « gate-keeper » le « guide », et le coordonnateur des interventions des autres professionnels de santé. A titre d’exemple, la France, un an après avoir amorcé son « virage ambulatoire » en 2004 (mise en place d’un parcours de soins coordonnés par un Médecin Généraliste / Médecin Traitant), va voir le déficit de sa sécurité sociale basculer rapidement de 11 milliards d’euros à 3 milliards d’euros ! Passage obligé pour le patient, le Médecin de Famille / Médecin Traitant assure au cours d’une seule consultation, l’analyse de la situation, le diagnostic, le traitement et la prise en charge, à moindre frais, des problèmes de santé souvent multiples et de toute nature (plus de 85 % selon l’OMS). Il gère le dossier médical du patient, véritable mémoire de l’histoire de sa santé, le réfère aux spécialistes, reçoit leur avis et suit l’évolution de son état. Le recours au Médecin de Famille est facilité par sa proximité géographique, sa disponibilité et son accessibilité économique (faible coût). Dans notre pays, la quasi – disparition du passage par le médecin de premier niveau et le recours de plus en plus fréquent à la médecine spécialisée, ont entraîné une déshumanisation de la profession et l’explosion des coûts de santé. Ce développement d’une médecine de pointe avec sa batterie d’investigations onéreuses et parfois superflues, doit imposer une réappréciation de la situation, et une réingénierie d’un système de santé où l’Hôpital public ne joue plus son rôle d’antan ! Les attentes des patients. Mais auparavant, ne devrait-on pas se poser la question de savoir ce que les patients attendent au juste du médecin ? Une enquête réalisée en Angleterre a révélé que les patients veulent des soins adaptés à leurs cas et dispensés par un médecin qui les connaisse bien et se penche sur leurs problèmes. Les patients ont en fait besoin : – d’un médecin qui les écoute, car c’est souvent à sa capacité d’écoute que le médecin peut mesurer et évaluer son aptitude à soulager ; un médecin qui soit en mesure de sérier et d’hiérarchiser leurs problèmes ; la possibilité de voir chaque fois le même médecin.

Des sondages effectués en France, ont révélé que 85 % des français se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leur médecin traitant généraliste, et que plus de 80 % d’entre eux ont le même médecin traitant généraliste depuis près de deux décennies. Cette continuité des soins sert de socle indispensable aux patients comme aux médecins, notamment dans la gestion des maladies chroniques qui constituent près de 60 % des problèmes de santé de la population.

Quel médecin traitant pour le Maroc ?

Malgré cette reconnaissance internationale du rôle de la médecine générale, et malgré l’adhésion du Maroc au principe du renforcement des soins de santé primaires, la fonction de « gate keeper » ou contrôleur d’accès au parcours de soins, rencontre chez nous beaucoup de résistance. Les pays qui ont opté pour positionner le médecin de première ligne à l’entrée du parcours de soins, ont fait ce choix, convaincus que le médecin généraliste, qu’il officie au niveau des dispensaires, au centre de santé, dans un cabinet privé, en milieu rural ou urbain ; est le seul prestataire de soins capable d’assurer une prise en charge globale ( holistique) des patients. En effet, le médecin généraliste éduque, prévient, dépiste, diagnostique, soigne, traite et confie à l’échelon supérieur quand l’état de santé du patient l’exige. Il est au cœur du système de santé, premier référent des patients et de leur famille et chef d’orchestre du parcours de soins.

 Le médecin généraliste marocain propose au quotidien toute une gamme de services, allant du conseil et de la prévention aux soins palliatifs, en passant par la vaccination et les soins curatifs. Médecin de premier recours, il assure les urgences et la permanence de soins. Il est également médecin de deuxième ou troisième recours, lorsque le patient lui revient avec un suivi, et enfin médecin de dernière ligne avec les soins palliatif. Le médecin généraliste national est sur tous les fronts ! Quelle que soit l’appellation retenue (médecine générale ou médecine de famille), ce sont d’abord ces différentes fonctions qui rendent le médecin de première ligne indispensable pour le maintien de toute politique de santé fondée sur l’accessibilité et l’efficience. La médecine de première ligne, véritable levier de progression vers la couverture sanitaire universelle, doit porter les changements dans notre système de santé national. Le temps est venu de la renforcer puis de la repositionner au centre du paysage sanitaire national, dans le cadre de la refonte initiée par SM le Roi Mohamed VI. Il apparait donc impératif de repositionner l’actuel médecin généraliste en médecin de famille / médecin traitant, à l’« entrée » d’un parcours de soins dont il aura la lourde tâche de réguler le fonctionnement et de tempérer les dépenses ; afin de maintenir viable et pérenne une couverture sanitaire qui ambitionne de couvrir tous les citoyens marocains.

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