«Un festival tire sa valeur des films qu’il choisit»

Entretien avec Mohamed Mouftakir, réalisateur

de L’orchestre des aveugles

Mohamed Mouftakir, réalisateur du film l’Orchestre des aveugles est habité par le souci de l’esthétique et de la sincérité. Il ne travaille pas sur une idée sans jamais l’aimer et sans s‘en enticher. C’est l’amour et la sincérité qui le boostent. Pour Mouftakir, c’est cette relation au cœur qui explique sa réussite car ce qui vient du cœur touche inévitablement l’autre. Son dernier film, l’orchestre des aveugles, a été projeté en audiodescription au FIFM. Le réalisateur en un mot livre son point de vue sur la 15e édition du FIFM. Les propos.

Al Bayane : Votre film a été projeté, jeudi 10 décembre, en audiodescription dans le cadre de la 15e édition du FIFM. Comment avez-vous apprécié cette initiative, notamment pour les festivaliers non-voyants et les malvoyants ?

Mohamed Mouftakir : C’est une initiative très intéressante et noble parce qu’elle intègre cette catégorie de personnes dans un art qui se base principalement sur la vue. En effet, leur faire voir des films avec la méthode d’audiodescription c’est quelque chose de louable. Cela pourrait éventuellement encourager dans le futur, les exploitants de salles de cinéma et les professionnels du 7e art à envisager projeter des films dans les salles commerciales uniquement pour cette catégorie de personnes.

Votre film a remporté plusieurs prix dans différentes manifestations cinématographiques nationales et internationales. Quelle est la recette de ce succès ?

Il n’y a pas de recette, parce qu’en fait, s’il y en avait une, tout le monde réaliserait des films qui marchent, qui remportent des prix et qui plaisent au public. L’unique recette c’est la sincérité. Il faut faire les choses avec le cœur. C’est ce qui est important! Tout ce qui se passera après, nous ne pourrons pas le contrôler. Mais si on est sincère quand on fait son travail et qu’on ne brûle pas les étapes… cette sincérité au moins sera transmise au public qui la sentira et respectera notre travail.

Nous sommes parvenus à la 15e édition du FIFM. Au fil des ans, comment ce festival a t-il donné, à votre avis, plus de visibilité au cinéma et aux artistes marocains ?

Je pense que ce n’est pas parce que le festival se passe au Maroc qu’on devrait forcément privilégier le cinéma marocain quelle que soit sa qualité. Le rôle principal d’un festival c’est de présenter des films de qualité, des films qui représentent bien la culture sur le plan esthétique et thématique. C’est ça le rôle d’un festival. Il n’est pas là pour promouvoir un cinéma local. C’est tout un autre registre. Le festival est un lieu d’échange où les professionnels se rencontrent, pas forcément un lieu où sont projetés des films qui représentent un pays. Un festival tire sa valeur des films qu’il choisit. Et si un jour, le Maroc n’a pas un film qui le représente dignement, on n’est pas obligé de le programmer. Cela n’enlèvera rien à la valeur et à la qualité du festival. Au contraire, cela encouragera les cinéastes marocains à mieux faire et à travailler davantage pour être bien représentés dans cet événement.

Peut-on dire que la mémoire est une composante prégnante, notamment dans votre film l’orchestre des aveugles?

On ne travaille jamais en dehors de la mémoire. L’orchestre des aveugles est un film autobiographique, ça c’est une chose. Faire des films personnels ou personnaliser ses sujets, c’est une autre chose. Je ne conçois pas de travail artistique en dehors de tout ce qui est personnel et personnalisé. Cela fait partie de ma recette. Quand vous êtes personnellement touché par un sujet, vous allez toucher automatiquement le public. Personnaliser son sujet ne signifie pas forcément faire de l’autobiographie mais être personnellement concerné par le sujet.

Comment expliquez-vous ce souci de l’esthétique dans vos travaux ?

L’esthétique ce n’est pas une technique. Chaque démarche artistique est par essence esthétique. On ne peut pas dire qu’un film est esthétique et qu’un autre ne l’est pas : les deux sont dans l’esthétique. Ce qu’il convient plutôt de dire c’est que ce film est esthétiquement abouti et réussi ou pas. Du moment où l’esthétique touche à la sensation, toute création artistique  est esthétique.

Quid de vos projets cinématographiques à venir ?

Je cherche une idée qui me touche personnellement et   dont j’aimerais bien tombé amoureux. C’est toujours un rapport de séduction, c’est-à-dire l’intérêt qui me pousse à choisir telle ou telle idée. C’est ce que je désire profondément.

Mohamed Nait Youssef

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