Le vieillissement démographique et l’informel pointés du doigt

Les régimes de retraite en Afrique se caractérisent par leur hétérogénéité d’une caisse à l’autre et d’un pays à l’autre. Le constat vient d’être dévoilé par Finactu dans une étude sur le secteur en Afrique.  Le modèle dit par répartition a été fondé sur le principe selon lequel l’expansion du salariat serait le moteur de l’équilibre financier des régimes par répartition. Or, il s’est avéré que l’informel occupe dans la plupart des pays africains plus de 50% à 80% de la population active.

La plupart des régimes promettent trop par rapport au potentiel de l’économie, d’où la nécessaire réforme paramétrique et institutionnelle. En 2018, les prestations excèdent les cotisations, les frais de gestion se sont alourdis et la caisse liquide progressivement ses actifs financiers.

Une forte hétérogénéité dans le paramétrage

Selon l’étude en question, la retraite par répartition domine le continent, à l’exception des pays anglophones.  La plupart de ces régimes par répartition sont « à annuité » et toujours limités aux travailleurs du secteur formel, constatent les analystes de Finactu.

En effet, l’étude révèle que  les paramètres de ces régimes (cotisations, taux d’annuité, âge de départ) sont très hétérogènes d’une caisse à l’autre et d’un pays à l’autre. Plusieurs erreurs sont détectées :

Erreur 1 : l’équilibre actuariel du paramétrage des années 1950 n’était pas durable.

Les populations ont gagné entre 4 et 8 ans d’espérance de vie supplémentaire à 60 ans. Ce phénomène a été plus important au sein de la population des assurés sociaux car jouissant de meilleures conditions de vie (y compris l’accès à un système de soins).

 Erreur 2 : le pari du salariat … a été largement perdu

 Les fondateurs des régimes ont fait le pari que l’expansion du salariat serait le moteur de l’équilibre financier de ces régimes par répartition.  Cette prévision s’est révélée exacte uniquement pour les pays industrialisés … alors que, dans la plupart des pays d’Afrique francophone, l’informel occupe encore entre 50% et 80% de la population active.

D’ailleurs, en 1960 à sa création, le régime par répartition encaisse des cotisations mais verse peu de prestations. Il produit des excédents et constitue des réserves. Vient ensuite la période des années 1990. Ainsi, au bout de 20 à 30 ans, les cotisations ralentissent (chômage) et les prestations, arrivées à maturité,s’accélèrent. Le régime est encore excédentaire et il a d’importantes réserves.

En 2018, les prestations excèdent les cotisations (déficit), les frais de gestion se sont alourdis (informatique) et la caisse liquide progressivement ses actifs financiers.

L’étude s’interroge sur ce qui est important pour un régime, c’est de savoir s’il est bien paramétré. Autrement dit, il faut savoir si les promesses qu’il fait sont cohérentes avec ce qu’il prélève comme cotisations.Ainsi, en cas de décalage énorme entre la qualité du paramétrage et la situation d’une caisse, trois indicateurs doivent être pris en considération. Il s’agit du :

  • délai de récupération : le nombre d’années au bout duquel le retraité moyen récupère, sous forme de pensions, la totalité de ses cotisations versées pendant sa période active ;
  • taux de récupération :
  • du nombre de fois que l’individu récupère, sous forme de pensions, du cumul de ses cotisations versées ;
  • du TRI : en considérant que les cotisations constituent un placement pour l’assuré, le taux de rentabilité interne de cet investissement est le taux d’actualisation qui égalise la somme actualisée des cotisations et la somme actualisée des pensions.
  • Une fois à la retraite, les assurés mettent moins de 9 ans pour récupérer, sous forme de pensions, le cumul des cotisations versées pendant leur période d’activité.
  • Et pourtant, ils vivent en moyenne 18 ans de plus à l’âge de 60 ans.

Autres constats révélés par l’étude de Finactu, ce sont les taux de récupération jugés sont trop élevés.  Les retraités récupèrent, sous forme de pensions, 3 à 16 fois le cumul des cotisations versées.

Aussi, la plupart des régimes promettent trop par rapport au potentiel de l’économie. D’où la nécessité d’une réforme institutionnelle dans laquelle il faut modifier la nature ou le fonctionnement du système de protection sociale.Trois chantiers restent à l’ordre du jour : renforcer le niveau de protection, étendre la couverture aux autres populations et intégrer le système d’information (SI).

La réforme institutionnelle renvoie également à la création des régimes complémentaires (par capitalisation)  et à la couverture d’autres risques (assurance maladie, assurance chômage). Il est aussi question d’étendre la protection sociale aux travailleurs de l’informel,aux agriculteurs et aux travailleurs  indépendants. Pour conclure, l’étude propose de moderniser et d’intégrer le SI des entités de protection sociale au sein d’un dispositif national pour plus d’efficacité, moins de fraude et un pilotage en temps réel.

A Propos de Finactu

Fondé en 1999, FINACTU est un groupe de  conseil stratégique, opérationnel et financier (corporate finance), dédié à l’Afrique. Le groupe est leader en assurance et réassurance et intervient aussi en : Private equity, Banque et gestion d’actifs, Conseil aux gouvernements.

 Le groupe est composé de filiales en Suisse (Genève), au Maroc (Casablanca), en France (Paris) et à Maurice (Port Louis).

Fairouz El Mouden

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