Xiomara Castro, désormais, présidente du Honduras

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Douze années après que son époux, Manuel Zelaya, qui avait présidé aux destinées du Honduras de 2006 à 2009, fut renversé par un coup d’Etat, Xiomara Castro, 62 ans, cheffe du Parti de gauche Liberté et Refondation (LIBRE) qui a accédé, le 28 novembre dernier, à la magistrature suprême de ce petit pays d’Amérique centrale aura fort à faire dans un pays miné par la misère du moment que 59% de la population vit sous ce qu’il est convenu d’appeler « seuil de pauvreté », la violence des gangs, le chômage qui, en raison de la pandémie du coronavirus, est passé de 5,7% en 2019 à 10,9% en 2020 et les conséquences désastreuses de deux ouragans dévastateurs, Eta et Iota, qui avaient ravagé le pays en novembre 2020.

En ajoutant à cela le fait qu’en 2020 le Honduras est devenu l’un des pays les plus dangereux au monde (hors zones de conflit) avec un taux d’homicide de 37,6 pour 100.000 habitants, on comprend aisément que chaque année, des dizaines de milliers de Honduriens tentent de rejoindre leurs compatriotes qui, pour fuir la misère et la violence, ont déjà émigré aux Etats-Unis.

Aussi, en considérant que, durant cette seule année 2021, ce sont près de 400.000 Honduriens sur une population totale de 10 millions, qui ont risqué l’aventure et participé à ce que les médias avaient appelé « Border Crisis » (la crise frontalière), la Maison Blanche surveille de très près les premiers pas de la nouvelle présidente et espère qu’elle apportera  la stabilité qui fait défaut à ce pays affaibli par la pauvreté qui touche 62% de sa population, le chômage qui affecte plus de 10% de la population active, la corruption, le narcotrafic, la violence et la pandémie du Covid-19.

Ainsi, comme l’a souligné Manuel Orozco, expert auprès du think tank « Inter-American Dialogue » basé à Washington, « la victoire de Xiomara Castro représente une opportunité pour restaurer le sens de l’Etat dans la mesure où son objectivité affichée est de créer une commission contre la corruption et l’impunité car de ces problèmes découlent tous les autres ».

Taxée de communiste, durant sa campagne électorale, en accédant à la présidence du Honduras, Xiomara Castro a mis fin à douze années de règne du Parti National et de son leader l’ancien président ultra-conservateur, Juan Orlando Hernandez, qui a clôturé son second mandat sur fond de soupçons de trafic de drogue après avoir été cité par un tribunal new-yorkais comme étant un « allié puissant » et un « complice » de son frère Tony Hernandez, condamné en mars à la prison à perpétuité pour « trafic de drogue ».

Mais, l’ancien chef de l’Etat continue, néanmoins, à clamer son innocence en attribuant les accusations dont il a été victime à la vengeance de gangs de narco-trafiquants qu’il avait accepté d’extrader vers les Etats-Unis

Pour rappel, lors des élections de 2013, Xiomara Castro avait été battue, d’une courte tête, par Juan Carlos Hernandez qui, en passant outre la constitution, s’était présenté, en 2017, à ce second mandat qu’il avait remporté, de manière frauduleuse, face à Salvador Nasralla, une star de la télévision, et provoqué, ainsi, ces violentes manifestations qui s’étaient soldées par la mort de 23 personnes.

Aussi, la victoire incontestée de la cheffe du Parti Liberté et Refondation (LIBRE) qui a recueilli 53% des suffrages, bien loin devant son rival Nasry Asfura qui n’en a obtenu que 34%, est-elle venue apaiser les craintes d’un nouveau vote qui, s’il avait été désavoué, aurait, sans nul doute, donné lieu, encore une fois, à de très violentes manifestations.

Enfin, à en croire Gaspard Estrada, politologue à Sciences-Po Paris, « les américains ont besoin d’établir un dialogue constructif avec la nouvelle présidente (car) diminuer les flux migratoires avant les législatives des « midterms » (Nov. 2022) leur permettrait de tarir le discours des républicains qui accusent les démocrates de faiblesse et d’incompétence, en ciblant la vice-présidente Kamala Harris, chargée par Joe Biden, de superviser la crise des migrants ».

Ce dialogue entre Washington et Tegucigalpa sera-t-il établi et les honduriens auront-ils de « bonnes raisons » de restez chez eux et de ne plus emprunter ce chemin semé d’embûches d’un hypothétique exil vers les Etats-Unis ? Attendons pour voir…

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