Yapi Merkezi, le turc qui rafle tout sur son passage!

Depuis que la filiale marocaine du géant turc Yapi Merkezi a remporté l’appel d’offres pour la réalisation de la première ligne de Tramway, plus rien ne semble l’arrêter. Après avoir remporté également l’appel d’offres pour la seconde ligne, qu’elle compte livrer en temps en heure et le fait savoir, ce mastodonte de l’ingénierie des infrastructures envisage de mettre la main sur la troisième, quatrième et cinquième ligne du réseau casablancais. Reste à savoir si la concurrence, constituée de groupements internationaux de poids le laissera faire, et si les autorités locales seront toujours aussi avenantes à son égard.

Si le nom de Yapi Merzeki ne dit pas grand-chose au grand public, ce nom commence à se faire en revanche une sérieuse place dans le milieu des affaires marocain. En effet, ce mastodonte turc ne cesse de faire parler de lui depuis 2010, date à laquelle il a remporté l’appel d’offres pour la réalisation de la première ligne de tramway. Surtout que face à lui, il y avait des majors de l’infrastructure non seulement bien implantés depuis longtemps au Maroc mais en plus doté d’un lobbying des plus aiguisés. Sauf que voilà, ce groupe turc qui construit son expertise brique par brique depuis des décennies avait bien l’intention d’enclencher son expansion africaine en ajoutant le tramway de Casablanca à son portefeuille de projets bien garnis. Car il faut dire que Yapi Merkezi avait déjà à l’époque une sérieuse réputation au Moyen-Orient, notamment en Arabie Saoudite mais également aux Emirats. C’est à lui, entre autres, que l’on doit l’extraordinaire métro de Dubaï, le plus grand appel d’offres de système ferroviaire dans l’histoire ! Le projet s’étale sur environ 70 km et se compose de 2 lignes. Suite à de profondes modifications, le montant total du contrat passe de 3,5 à 10 milliards de dollars. C’est consortium appelé Dubai Rapid Link (DURL) et formé des sociétés japonaises Mitsubishi Heavy Industrie, Mitsubichi corporation, Obayashi et Kajima ainsi que de Yapi Merkezi qui s’est vu attribuer le contrat de construction du métro en juillet 2005 par la Direction des Routes et du Transport de la Municipalité de Dubaï.

La première section, avec 10 stations mises en service, a été inaugurée le 9 septembre 2009, la seconde en 2011, permettant ainsi au métro de Dubaï de devenir le métro entièrement automatique le plus long au monde, dépassant le SkyTrain Vancouver de 3 km.

L’Afrique dans la ligne de mire

En réalité, c’est dans les années 80 que Yapi Merkezi commence à s’intéresser à l’Afrique. En effet, c’est en 1984 que l’entreprise turque décroche son premier marché en Algérie. Il s’agit d’un petit chantier visant la restauration d’un ancien palais Ottoman. Il lui aura fallu attendre début 2013 pour décrocher la construction de la première ligne de 13 km du tramway de Sidi Bel Abbès (ouest) pour 430 millions d’euros, puis quelques mois plus tard,avec le groupe français d’ingénierie et de transport Alstom, le contrat de réalisation du tramway de Sétif (300 km à l’est d’Alger) pour 380 millions d’euros. Yapi Merkezi aurait même récupérer dernièrement le projet du tramway de Mostaganem qui porte sur la réalisation de deux lignes sur une distance globale dépassant 14 km, avec un total de 24 stations ainsi que quatre ouvrages d’art pour un coût avoisinant les 240 millions d’euros. Au départ, le projet a été confié au groupe franco-espagnol «Alstom» et «CorsanIsolux». Le projet devait être opérationnel en 2016 puis la date de livraison a été prorogée au 15 janvier dernier, pour être finalement abandonné pour faillite du partenaire espagnol.Finalement les autorités en charge du suivi du projet, auraient fait la proposition de reprise du chantier à la société turque «YapiMerkezi».

Évidemment, le groupe de BTP turc est présent dans plusieurs autres pays, notamment en Ethiopie ou encoreau Soudan où il construit deux ponts, de 800 m et 1 km, sur le Nil bleu (avec inauguration prévue pour juillet 2020), mais l’on sent que l’Afrique n’a réellement commencé à donner ses fruits que ses trois dernières années avec des contrats de plus en plus importants. Dernier coup d’éclat en date de Yapi Merkezi :un contrat pour la réalisation des chemins de fer en Tanzanie de 1,1 milliard de dollars conclu en février dernier, avec pour partenaire le groupe portugais Mota Engil. Le chemin de fer long de 400 km devra relier la Tanzanie au Burundi et au Rwanda et fait partie d’un gigantesque projet de ligne ferroviaire ‘ »centrale’ » d’une longueur de 2.561 km censé contribuer à l’intégration de l’Afrique de l’Est.

A en croire l’agence Bloomberg, le groupe Yapi Merkezi a demandé au gouvernement turc de financer le projet en envisageant un partenariat inter-état. Très tôt, fin janvier dernier donc, la Tanzanie avait fait appel à la Türk Eximbank pour le financement des travaux de construction du tronçon tanzanien (400km) des chemins de fer. A en croire les médias du pays, c’est le président tanzanien, John Magufuli même, qui en a fait la demande à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui était de passage à Dar es-Salaam dans le cadre d’une tournée africaine. «Je suis convaincu que nous obtiendrons ce prêt », avait précisé le chef de l’Etat tanzanien au sortir d’un entretien entre les deux dirigeants. Ils avaient signé par la même occasion, pas moins de neuf accords de coopération bilatérale portant sur la défense, les transports, l’industrie et le commerce.Le chantier devrait se faire donc grâce au financement du gouvernement turc !

Un lobbying à la manière des géants mondiaux…

 

2016 a été aussi une belle année pour Yapi Merkezi, mais cette fois-ci en Afrique de l’est. Le groupe turc fait partie du consortium international composé du français Eiffage (45%), du sénégalais CSE (Compagnie Sahélienne d’Entreprise), adjudicataire d’un premier lot (infrastructure) d’une valeur de 373,5 millions d’euros pour la réalisation du TER de Dakar qui permettra de relier de centre de Dakar au futur aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) en 45 minutes.

Les travaux ont été officiellement lancés le 14 décembre 2016, en présence du président sénégalais Macky Sall, avant que rapidement la France et le Sénégal signent, le 21 décembre, des accords de prêts d’un montant global de 195 millions d’euros destinés à financer le projet du train express régional (TER). Autant dire, que les affaires marchent plutôt bien pour le géant turc, même si ce dernier contrat avait fait l’objet de nombreux remous au Sénégal.Au Maroc, un tapis rouge semble avoir été déroulé pour Yapi Mekezi. Pour autant, les autoriéts locales sont sans équivoques quant au choix de l’opérateur turc : un marché livré clés en main, un interlocuteur unique, un bureau d’étude interne composé de 20 ingénieurs et techniciens, plus un département recherche et développement en génie parasismique et béton haute performance, en plus d’une offre des plus concurrentielles. C’est ainsi que Yapi Merkezi avait été sélectionné en 2010 par le Conseil de la ville de Casablanca pour réaliser la plate-forme et la pose de la voie ferrée du tramway : une tranche de 30 km de réseau pour un montant 467 millions de DH. Face à l’entreprise turque, il y avait le français Alstom, des Espagnols, des portugais et des marocains représentés par la SGTM qui a, notamment, réalisé le nouveau siège de Maroc Telecom à Hay Riad à Rabat. A l’époque, les diplomates turcs installés dans le Royaume, avaient estimé qu’il s’agissait d’un pas encourageant pour les échanges entre les deux pays.

Concernant la réalisation de la plate-forme ferrée de la ligne 2 du tramway de Casablanca dont le budget est de 83 millions dirhams, le groupe turc avait notamment damé le pion aux quatre favoris : le groupe turc Makyol, deux groupements franco-marocains à savoir Colas Rail – Colas Maroc – GTR d’une part et Société générale des travaux du Maroc – TSO (NGE) de l’autre, et enfin le groupement luso-marocain Somafel – Seprob. Sur son site internet, le groupe turc avait notamment précisé que « la haute performance démontrée par Yapi Merkezi dans la première ligne de tramway de Casablanca a joué un rôle considérable dans l’attribution de ce second projet d’extension». Reste à savoir si cette «haute performance» sera toujours suffisante pour remporter les lignes 3, 4 et 5, ou si le groupe turc a d’autres tours dans son sac.

 

Qui est YapiMerkezi ?

Yapi Merkezi a été créé par deux académiciens. L’un architecte et professeur à l’université de Sinan, l’autre ingénieur en génie civil et enseignant à l’université technique d’Istanbul, Ersin Arioglu.Ce dernier diplômé donc de l’Université Thechnique d’Istanbul en 1963 a posé les premiers jalons de l’empire en 1965 à Istanbul même.Il a assuré la fonction de PDG de Yapi Merkezi Construction INC de 1969 à 2002, avant de devenir Chairman de Yapi Mekezi Holding en 2007. Lui et son acolyte, Koksal Anadol, co-fondateur également de Yapi Merkezi, ont dabord été maîtres-assistants dans leur université respective au début de leur carrière. Koksal Anadol est lui architecte de formation et assure depuis 1969 la Vice-présidence de la plupart des 14 filiales actuelles du groupe, parmi lesquelles Merkezi Préfabrication, Yapikonut spécialisée en promotion immobilière, Subor (eau potable), Insaat (construction) puis Irmak (enseignement maternel, primaire et lycée). Beaucoup attribue leur réussite fulgurante à leur background et profil académiques, qui leur a permis d’offrir à la fois une grande technicité
Yapi Merkezi a réalisé en 2015, 810 millions de dollars de chiffre d’affaires, dont 70% à l’international, essentiellement dans le monde arabe (Dubaï, Algérie, Qatar, Arabie saoudite, Maroc…). Il emploie 13 000 salariés et figure dans le top 250 des contractants mondiaux du magazine américain ENR. Ce groupe participe actuellement à Istanbul à la réalisation du tunnel Eurasia sous le Bosphore. A elle seule, Yapi MerMerkezi Construction a réalisé plus de 39 millions de mètres carré depuis sa création!
Top