Zakya Daoud: «Les médias ne donnent pas la parole aux intellectuels et la bataille tradition-modernité est dépassée»

Lors d’une rencontre organisée par la Fondation Salé pour la Culture et les Arts

Mohamed Nait Youssef

Ce fut un temps fort plein d’échange et de débat autour du parcours assez riche et de l’œuvre singulière de Zakya Daoud qui était l’invitée de marque, vendredi 10 juin, de la Fondation Salé pour la Culture et les Arts. Journaliste chevronnée, historienne, écrivaine et militante de la première heure, l’auteure de l’ouvrage « Du sang et de la mémoire: Vie et mort des musulmans d’Espagne» s’est penchée sur les questions de la haine, de l’écriture, de l’histoire, de la violence, mais aussi et surtout de la montée en puissance de l’extrême droite et des discours haineux rejetant l’autre. Cet essai, paru chez les Editions La Croisée des Chemins, est toujours d’actualité.

«Zakya Daoud est une  femme exceptionnelle, une femme de grande culture et engagée qui fait partie de l’intelligentsia marocaine. Journaliste et écrivaine de talent, auteure prolifique et figure iconique de Lamalif ; la revue de l’intellectuel, de la réflexion et d’étude», c’est avec ces mots que Mohamed Lotfi Mrini, président de la Fondation Salé pour la Culture et les Arts, a ouvert le bal de la rencontre. Selon lui, Zakya Daoud a écrit sur la diaspora, sur les années de plombes, sur Casablanca, sur le féminisme. «Elle a consacré des biographies à des figures politiques du premier plan : Abdallah Ibrahim, Abdelkrim El Khattabi, Mehdi Ben Barka et de grands personnages historiques Hannibal, Juba II, Zaynab Nefzaouia, Tarik Ibn Ziyad, Sayyida al-Hurra.», a-t-il rappelé.

Grande passionnée de l’écriture, l’historienne en fait son métier. « Je suis journaliste… Et ça m’arrange d’écrire sur ce que je veux. Ce qui m’intéresse, c’est de faire et de continuer à écrire. J’essaie de faire le mieux que je peux quand je vois un sujet.», a-t-elle affirmé.

Tradition-modernité : «une bataille est dépassée»

Par ailleurs, le débat était une occasion pour mettre la lumière sur la dualité «tradition-modernité», un sujet qui a écoulé beaucoup d’encre.

Pour l’historienne, « tradition et modernité » est une bataille qui a occupé les esprits parce qu’il y avait la lutte du pouvoir. «Tradition et modernité a été utilisée comme facette. C’était juste des batailles du pouvoir, des batailles d’intérêts»,a-t-elle révélé, tout en rappelant de passage que cette «bataille est dépassée».

A vrai dire, l’écriture a cette fonction de dénoncer les haines et les injustices faites aux autres. Dans cet esprit,  Zakya Daoud a mis l’accent sur ce discours de haine relayé par les médias. Sans oublier de mette le point sur le buzz journalistique exagéré notamment avec la montée en puissance de l’extrême droite. «Ces choses là sont la négation de toute une période qu’on a vécus tous. On n’avait pas les idées que les choses puissent tourner comme ça.», a-t-elle dénoncé.

La fabrique de l’idéologie, de la haine…

En effet, «Du sang et de la mémoire: Vie et mort des musulmans d’Espagne», a-t-elle dit, est un livre sur comment on fabrique une idéologie. «C’est ça qui m’intéresse !  Cette idiologie de haine qui s’implantait!», poursuit-elle.

Dans cet essai, l’auteure évoque également la haine de soi et cette idiologie haineuse à la période de la conquête espagnole. «Ce qui m’intéressait, c’est la façon comment tout ça s’est passé en Espagne», a-t-elle fait savoir.

La question de l’intellectuel était au cœur  du débat, notamment dans un paysage médiatique qui rejette et  tourne du dos aux vrais penseurs et agitateurs d’idées.

«Les médias ne donnent pas la parole aux intellectuels qui n’ont pas aujourd’hui d’influence. Et  je ne sais pas qui va arrêter cette vague populiste européenne», conclut-elle.

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