Zineb Benrahmoune Idrissi, la femme qui a réussi à ressusciter la vie d’un sol aride par la permaculture.

Poussée par son idéal écologiste, Zineb Benrahmoune Idrissi, une militante écologiste, s’est lancée, il y a 19 ans, dans la réalisation d’un projet de jardin respectueux des principes fondamentaux de la permaculture, une méthode systémique et globale qui vise à concevoir des systèmes en s’inspirant de l’écologie naturelle et de la tradition, tout en prenant en considération la biodiversité de chaque écosystème.

La méthode ambitionne une production agricole durable, très économe en énergie et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques, tout en laissant à la nature «sauvage» le plus de place possible.

Botaniste et écologue de formation, cette militante des droits de l’homme et de la femme a souligné d’entrée, dans un entretien avec les journaux Al Bayane et Bayane Al Youm, que «son école-mère» reste après tout l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) où elle a appris, en compagnie d’autres militantes et militants de la section de Takaddoum à Rabat, à être au service de la société et des couches sociales les plus démunies. Une mission qu’elle continue de remplir avec enthousiasme et sans se lasser dans son jardin, qui fait vivre directement cinq familles et où travaille une dizaine de personnes.

Parallèlement à l’ADFM, elle militait dans les rangs du Parti du progrès et du socialisme, où elle développa ses compétences de militante pour la réalisation d’un projet sociétal plus juste, mais également plus clément envers la forêt et la nature dont elle se sent très proche.

Le jardin de Zineb

Imprégnée de son idéal écologiste et armée de ses connaissances scientifiques, en tant qu’enseignante et chercheur à l’Ecole Nationale Forestière (Salé) et de sa culture en tant qu’enfant issue d’une famille de Chorfas dont les parents sont des lauréats de l’université Al Qaraoyuiyne (son père étant magistrat), elle décida un jour d’octobre 1998 d’engager toutes les économies de la famille, avec l’accord et le soutien de son époux, pour acquérir non loin de Salé à Shoul, à une trentaine de kilomètres, un terrain caillouteux de 2,5 hectares, situé sur une pente si brusque et si rude, que les habitants de la région appellent à juste titre «le Mur».

«En y arrivant pour la première fois, on s’était trouvé devant un terrain complètement nu, délabré par l’érosion et le temps, et un sol sans vie étant donné qu’il s’agit d’un «Mur» qui ne retient pas une seule goutte d’eau de pluie», se rappela-t-elle. Seuls quelques arbres et des oliviers sauvages «Jabbouje» y poussaient.

Ce qui l’encouragea d’ailleurs d’imiter la nature et de planter sans peur d’être contrariée par cette nature des rangées d’oliviers aux cotés d’autres rangées de pruniers, de pommiers, d’amandiers, ainsi des pamplemousses, des orangers, de la vigne, et divers autres arbres dont des espèces tropicales entretenues selon les règles fondamentales de la permaculture visant à laisser la nature faire son travail comme dans la forêt, explique-t-elle.

Son jardin compte des dizaines d’espèces d’arbres fruitiers et non fruitiers.

Tout en s’inspirant de la pratique des Jnanate qui entouraient les anciennes villes marocaines, la méthode utilisée dans ce jardin consiste à ne pas compacter et à ne pas labourer. Elle consiste aussi à laisser mourir les racines et les tiges et à encourager la diversification des cultures, nous confie Pr Zineb Benrahmoune Idrissi, pour qui il n’y a point de désordre dans l’emplacement des plantations et des cultures. Tout est bien étudié, car il faut tenir compte du degré de tolérance et des possibilités de tirer profit des largesses et autres bienfaits des plantations, des cultures, des changements climatiques et des herbes qui poussent actuellement sur le sol fertilisé par le recours à des cultures 100% biologiques. Le but majeur est d’assurer l’harmonie au sein de cet espace, dit-elle.

Une fois entré dans le jardin, on trouve des orangers associés à d’autres cultures (menthes, tins, courgettes, aubergines, «Qasbiya», haricots, etc…

Ailleurs, on cultive dans des buttes placées sur les étages montés en série sur «le Mur», des pommes de terre, des pommes de terre douces, des navettes et autres légumes qui permettent au jardin de livrer à sa clientèle fidélisée des paniers de légumes et fruits entièrement biologiques.

Le tout fonctionne actuellement dans le cadre d’une économie solidaire et circulaire de partage qui assure aux acteurs une vie décente, tout en les encourageant à travers des primes, à chaque fois que c’est possible et sans contrainte, à s’adonner avec plaisir à leurs activités.

Pour ce qui est de la partie de la production non livrée, elle est transformée sur place en huile d’olives, en confitures et autres conserves qu’on consomme et qu’on fait déguster aux visiteurs locaux et étrangers du jardin, dont des touristes anglais et américains, à la recherche d’idées-phares en matière de permaculture, qui constitue peut-être la solution idéale à la crise alimentaire dans le monde.

Dans un des coins du projet, un grillage protège coqs, poules et poussins de la bassecour du jardin des faucons et des hérissons très friands de la chaire des poussins.

Revenant sur les débuts de son projet, Zineb Rahmoune Idrissi n’a pas manqué de rendre hommage à tous ceux qui l’ont soutenue et cru à la viabilité de son idéal de venir investir ses économies, son temps et toutes ses énergies sur un sol délabré sans vie, devenu actuellement le berceau d’un jardin luxuriant qui fait vivre des familles, mais surtout un lieu où elle reçoit étudiants et chercheurs.

Enseignante de son état, Pr Zineb accueille à l’intérieur de son jardin tous ceux désirent parfaire leur formation en matière de permaculture. Elle apporte aussi son assistance et accompagne ceux qui engagent des projets similaires en la matière dans différents endroits du pays (Chefchaouen, Shoul, et ailleurs).

Très peu valorisé au niveau national, le  jardin de Zineb a fait l’objet d’une émission réalisée par une équipe  française à l’occasion de la COP 22. Le film a été diffusé par des chaines de TV marocaines.

Vivant en harmonie avec son entourage, le jardin de Zineb fait donc parler de lui non seulement à Shoul, mais également ailleurs par son originalité et son exemplarité en matière de lutte contre la pollution et la désertification et de préservation de l’environnement.

M’Barek Tafsi

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