Les zones de montagnes méritent meilleur sort

Abandonnées, une fois leurs ressources épuisées ou en voie de l’être (forêts, mines, eaux) sans école, hôpital, voie de communication et coupées du reste du monde,les zones de montagnes méritent mieux que cet essor de laissé pour compte, a affirmé en tant qu’homme de terrain et de connaisseur, Ismail Alaoui, président du Conseil de la présidence du Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui dirige depuis plus de 20 ans l’Association du développement rural (ADMR), qui a à son actif plusieurs projets de développement dans des régions montagneuses reculées (ponts, pistes, fours, etc…).

Les initiatives engagées par la Coalition civile pour la montagne (CCM) visant à doter cet espace d’une loi-cadre traitant de la situation des zones de montagnes doivent être soutenues par tous, pour aboutir à l’adoption d’un tel cadre juridique, a affirmé Ismail Alaoui, président du Conseil de la présidence du Parti du progrès et du socialisme (PPS) au cours d’un Forum de débat, organisé, mercredi 10 janvier au siège national du parti.

La nouvelle Constitution du pays a en effet ouvert aux organisations de la société civile la possibilité de présenter des pétitions et des motions de législation dans le cadre de l’exercice de leurs droits, a-t-il dit, estimant que l’initiative louable de la Coalition civile pour la montagne de doter cet espace d’un cadre juridique approprié, pour lui rendre justice est à un stade avancée. Elle devra se traduire par la présentation dans l’immédiat d’une proposition de loi, a-t-il dit.

   S’il y a un espace qui a besoin le plus de justice spatiale, c’est bien la montagne, a-t-il dit, rappelant en tant que géographe que la montagne est le réservoir des eaux du pays et des mines et le berceau des forêts.t comme le montrent les évènements survenus à Jerada, Sidi Ifni, Tinghir et ailleurs dans nombre de localités et villes du Moyen Atlas, les conditions de vie des larges couches populaires dans ces régions se détériorent de plus en plus en raison de l’approfondissement du fossé entre régions riches et pauvres, a-t-il dit, ajoutant que la montagne est l’espace le plus défavorisé et le plus lésé par ce processus d’appauvrissement, dont les origines remontent notamment à l’époque coloniale.

Et pourtant les zones de montagnes abritent le tiers de la population marocaine (soit 11,5 M d’habitants), représentent le quart de la superficie du territoire national réparti en 700 communes rurales.

L’agriculture est la principales activités des habitants.

A part la Maâmora, toutes les forêts se situent dans des zones de montagnes (62%).

Pour sa part, Mohamed DDICH, coordonnateur national de la CCM et président de l’association Al Hadaf-Bouelmane et Coordonnateur national de la coalition a salué hautement le soutien du PPS aux initiatives de la Coalition qui regroupe par moins de 120 associations.

Selon lui, les habitants des zones de montagnes sont lassés par les promesses et «l’ingratitude du centre», en dépit du rôle que ces régions jouent dans le développement économique, social et culturel du Pays.

Personne ne peut imaginer le Maroc sans ses montagnes du Rif et de l’Atlas et par ses habitants amazighes avec leur langue, traditions culinaires et architecturales, leur savoir faire agricole et pastoral, a-t-il dit, notant qu’une grande partie de la richesse du pays vient de ses montagnes (eaux, bois, mines, faune, flore, etc…).

Il s’est également félicité du soutien accordé à la CCM, qui appelle aujourd’hui à l’adoption d’une loi-cadre dans le but de mieux organiser et canaliser les efforts de développement des zones de montagnes qui accusent un déficit énorme en infrastructure et équipements de base, en hôpitaux, en écoles, en voies de communication, en téléphonie etc…

Les zones de montagnes ont leurs propres problèmes dont il faut tenir compte dans toute politique visant leur développement, a-t-il dit, appelant à l’adoption d’un programme de développement consacré exclusivement aux zones de montagnes, qui méritent un effort supplémentaire de la part des pouvoirs publics pour rattraper le temps perdu. Mieux encore, elles méritent même une réparation des préjudices subies du fait de la surexploitation des ressources montagnardes pendant de longues années, sans impact aucun sur la situation économique et financière des habitants.

Si rien n’est fait pour rattraper le retard qu’accusent les zones de montagnes en terme de croissance économique, d’aménagement du territoire, de restauration et de préservation de leur patrimoine naturel et de leurs écosystèmes, de leurs forêts, de leurs ressources minières et hydrauliques, il faudra s’attendre à une aggravation de l’exode de leurs habitants vers les centres urbains, de leur marginalisation et de leur exclusion des circuits économiques du pays.

Il est vrai que ces disparités et ces injustices datent depuis l’époque du protectorat, mais il est vrai aussi que leur négligence et le manque de leur traitement vont constituer un handicap insurmontable devant la mise en œuvre de la régionalisation avancée, a-t-il estimé.

Pour sa part, Pr Mohamed Ait Hamza a présenté un exposé sur la problématique du développement de la montagne marocaine, précisant qu’en dépit de ses ressources naturelles, la montagne marocaine subsiste pour des raisons politiques et historiques sans plan ou effort de développement.

Selon lui, la montagne marocaine est en pleine dégradation, étant donné que son patrimoine forestier, animalier, humain et économique ne bénéficie d’aucune protection

Cette dégradation touche quelque 25.000 hectares par an (érosion des sols, disparition de la forêt, tarissement des sources d’eau, surpaturage, appauvrissement des habitants).

L’on assiste aussi à une perte continue de la richesse, de la faune et de la flore et plusieurs espèces d’animaux et d’oiseaux ont disparu à jamais.

Il a également attiré l’attention sur l’envasement des barrages, la carbonisation sui menace les forêts, les inondations dévastatrices et la rareté de l’eau, estimant que la responsabilité de ces phénomènes n’incombe en aucun cas au montagnard et sa chèvre.

Selon lui, c’est le modèle d’exploitation et de mise en valeur des ressources de la montagne qui est à l’origine des changements et de la disparition de pratiques agricoles conservatrices (terrasses, transhumances) des écosystèmes de la montagne. La privatisation des terres collectives a accéléré le processus de dégradation des systèmes d’exploitation de la montagne, a-t-il encore fait savoir, rappelant que le processus est en cours depuis l’introduction de la domanialisation de la forêt et des eaux par les autorités du protectorat.

La création des grands barrages et des grands périmètres irriguées s’est traduite par une concentration des équipements et une stimulation de l’exode des habitants vers les centres urbains, a-t-il ajouté.

L’exclusion des montagnes de cette œuvre de mise en valeur agricole s’est accentuée à travers l’exploitation des ressources minières, dont la production profite surtout à des capitaux éloignés de la montagne.

Quant aux projets de développement (DERRO, Moyen Atlas, PNF, BV, GF), ils n’ont pas été en mesure de stopper les problèmes d’appauvrissement des montagnards et de leurs régions, a-t-il expliqué, estimant que la promotion du développement de ces zones requiert l’existence d’abord un ferme engagement politique et la mobilisation des moyens financiers et humains nécessaires.

De son cote Pr Nadia Touhami, a traité dans son exposé de la vulnérabilité écologique de la montagne marocaine et des défis de développement qui s’expliquent par l’absence d’une stratégique de développement spécifique de ces zones et l’existence de plans sectoriels sans convergence aucune.

Malgré leur diversité biologique et écologique et leurs richesses naturelles, les zones de montagne, le processus de leur développement est handicapé par une mauvaise gestion et exploitation, qui se traduisent par une faible production et des revenus dérisoires des habitants.

Elle s’est arrêtée sur d’autres contraintes tenant aux reliefs accidentés, à l’accaparement des terres, à la surexploitation des ressources et au manque des périodes de repos biologique et l’absence d’activités génératrices de revenus.

Le tourisme de montagne est très peu développé et n’attire que de très faibles investissements, a-t-elle dit, ajoutant que si rien n’est entrepris l’érosion des sols, les inondations, les secousses telluriques –rif), la dégradation de la diversité biologique et autres catastrophes (sécheresse et autres) vont faire perdre à jamais la plus grands partie du patrimoine de la montagne marocaine.

C’est pourquoi, il est indispensable de mettre en place une stratégie de développement dédiée à la montagne marocaine, pour rendre justice aux habitants et à ces régions, a-t-elle conclu.

M’Barek Tafsi

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