Les appels à la désobéissance civile se multiplient

Birmanie

Les appels à la désobéissance civile se multipliaient mercredi en Birmanie, médecins et personnels de santé prenant la tête de la contestation, alors que Washington accuse formellement les militaires d’avoir perpétré un « coup d’Etat » et promet de nouvelles sanctions à l’encontre des généraux.

L’armée a mis brutalement fin lundi à la fragile transition démocratie du pays, en instaurant l’état d’urgence pour un an et en arrêtant la cheffe de facto du gouvernement civil Aung San Suu Kyi ainsi que d’autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Deux jours après ce putsch, condamné par de nombreuses capitales étrangères, les premiers signes de résistance émergeaient.

Des médecins et des professionnels de santé, portant des rubans rouge en signe de protestation, ont annoncé refuser tout travail, sauf en cas d’urgence médicale.

« Nous obéirons uniquement au gouvernement élu démocratiquement », a déclaré à l’AFP Aung San Min, responsable d’un hôpital de 100 lits dans la région de Magway (centre).

Des membres du personnel médical de l’hôpital général de Yangon se sont réunis devant l’établissement, faisant le salut à trois doigts, un geste de résitance déjà adopté par les militants pro-démocrates à Hong Kong ou en Thaïlande.

Un groupe nommé « le mouvement de désobéissance civile » a aussi été lancé sur Facebook et comptait déjà quelque 150.000 abonnés. « Honte à l’armée », « les militaires sont des voleurs », pouvait-on lire sur cette page.

Mardi soir, dans le quartier commerçant de Rangoun, la capitale économique, des habitants ont klaxonné, tapé sur des casseroles, certains scandant: « Vive Mère Suu! » (Aung San Suu Kyi).

Pressentant les événements, cette dernière, qui serait aujourd’hui assignée à résidence, a exhorté la population à « ne pas accepter » le coup d’Etat dans une lettre écrite par anticipation avant son arrestation.

Mais la peur des représailles reste vive dans le pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant près de 50 ans.

« La population sait très bien à quel point l’armée peut être violente et se soucie peu de sa réputation internationale, cela pourrait freiner la volonté de mobilisation », estime Francis Wade, auteur d’ouvrages sur le pays.

Les autorités ont déjà publié un avertissement, mettant en garde contre tout discours ou message qui pourrait « encourager des émeutes ou une situation instable ».

Le coup d’Etat, « inévitable » selon le général Min Aung Hlaing qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs à la tête d’un cabinet composé de généraux, a déclenché un concert de condamnations à l’international.

Après avoir menacé d’imposer de nouvelles sanctions, l’administration de Joe Biden a encore haussé le ton mardi contre la Birmanie, le premier grand test international pour le nouveau président américain.

Nous sommes parvenus à la conclusion qu’Aung San Suu Kyi et l’ex-président de la République Win Myint, « avaient été déposés dans un coup d’Etat militaire », a indiqué une responsable américaine. Cette décision juridique bloque l’aide directe de Washington à l’Etat birman.

Mais cet acte reste principalement symbolique: l’armée birmane est déjà sous le coup de sanctions depuis les exactions menées par ses soldats en 2017 contre la minorité musulmane rohingya, une crise qui vaut à la Birmanie d’être accusée de « génocide » par des enquêteurs de l’ONU.

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni mardi en urgence, et à huis clos, mais n’a pas réussi à se mettre d’accord sur un texte commun. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous couvert d’anonymat.

Pour être adoptée, cette déclaration commune nécessite le soutien de la Chine, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.

Or, Pékin reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies. Lors de la crise des Rohingyas, la Chine avait contrecarré toute initiative au Conseil de sécurité, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.

Les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont dits « profondément préoccupés » par les événements, tout comme le Fonds monétaire international « très soucieux » de leur potentiel impact sur l’économie du pays, déjà frappé de plein fouet par le coronavirus (plus de 140.000 cas et 3.100 décès recensés). Le mois dernier le FMI avait envoyé 350 millions de dollars d’aide d’urgence à la Birmanie pour l’aider à lutter contre la pandémie.

La LND a appelé sur Facebook à la « libération » immédiate d’Aung San Suu Kyi, 75 ans, et de ses autres responsables, dénonçant une « tache dans l’histoire de l’Etat ». L’armée doit « reconnaître le résultat » des élections de novembre, a ajouté le parti qui était au pouvoir depuis les législatives de 2015.

Selon une députée LND, qui a requis l’anonymat, la prix Nobel de la paix 1991 et l’ex-président Win Myint sont « assignés à résidence » dans la capitale Naypyidaw.

Un porte-parole du parti a précisé qu’aucun contact direct n’avait été noué avec elle, même si des voisins l’ont aperçue se promenant dans le jardin de sa résidence officielle entourée de murs.

Des parlementaires retenus depuis lundi dans une résidence qui leur est réservée dans la capitale ont été autorisés à rentrer chez eux et certains commençaient à quitter les lieux.

L’armée a promis la tenue de nouvelles élections, une fois que l’état d’urgence d’un an sera levé.

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