Rapprochement entre Riyad et Téhéran

Attendons pour voir…

Après plus de 5 années de rupture, l’Arabie Saoudite et l’Iran ont discrètement renoué le dialogue le 9 Avril dernier à Baghdad par l’entremise du chef des Renseignements saoudiens, Khalid bin Ali al-Humaidan, et de responsables iraniens mandatés par Ali Chamkhani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale de la République islamique d’Iran. Rapportée, ce dimanche, par les quotidiens britanniques « Financial Times » et « Sunday Times », cette information a été confirmée, le lendemain, par l’Agence France-Presse.

Ces entretiens qui, à en croire le Financial Times, sont « les premières discussions sérieuses entre les deux pays depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en 2016 » ont été encouragés par « le Premier ministre irakien Moustafa Al-Kazimi » dans le but de « faire, de l’Irak, un pont entre ces deux puissances antagonistes » et de faire baisser la tension entre le Royaume d’Arabie Saoudite, sunnite, et l’Iran, pays tutélaire des chiites.

Or, en y regardant d’assez  près, cette rencontre n’est pas fortuite. Elle est à placer, tout d’abord, dans le contexte du changement de la politique américaine vis-à-vis de Riyad car, comme l’a signalé, au micro de « Sputnik », Thierry Coville, Directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), « la politique de carte blanche à l’Arabie saoudite est finie ».

D’ailleurs, dès son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président américain s’était empressé d’envoyer un message très clair à Riyad laissant entendre que, pour traiter des questions qui intéressent les deux pays, il ne compte pas passer par le prince héritier et chef d’Etat de fait, Mohammed Ben Salmane, responsable, à ses yeux, de l’odieux assassinat du journaliste et opposant Jamal Khashoggi et de la « sale guerre » du Yémen mais par son père, le Roi Salmane. Aussi, est-il logique que, pour s’attirer les bonnes grâces de Washington, Riyad  mette de l’eau dans son vin et calme cette recherche du leadership régional qui l’oppose à Téhéran depuis l’avènement de la révolution islamique en 1979.  

A cela, s’ajoute le désir manifeste de Joe Biden de réactiver l’accord de Vienne et d’y faire retourner les Etats-Unis donc d’aboutir à une levée des sanctions imposées à l’Iran pour « bien encadrer » son programme nucléaire et balistique mais, également, le souci de l’Arabie Saoudite de mettre fin au conflit du Yémen qui dure depuis 2015 mais qu’elle peine à gagner face aux insurgés Houtis soutenus par l’Iran alors même qu’elle a plongé le pays dans une situation humanitaire désastreuse.

Mais, s’il est vrai que le « poids » de Washington est capital dans ce rapprochement entre les deux frères-ennemis sunnite et chiite, il n’en demeure pas moins vrai que c’est, aussi et surtout, la stratégie adoptée récemment, par l’Iran, qui a permis cette rencontre inconcevable, il y a à peine quelques mois.

En effet, lorsque le chef de la diplomatie iranienne Mohamed Javad Zarif avait émis le souhait de conclure un « accord de sécurité régionale », il avait invité tous ses partenaires du Golfe à se parler directement au nom de leur proximité religieuse, culturelle et géographique et écarté, par-là, toute intervention des puissances occidentales ; une manière de dire à ces dernières « ne nous mettez pas la pression pour conclure un accord de politique régionale, on est capables de le faire nous-mêmes ! ». Y parviendront-ils ? Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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