Russie-République Tchèque : Expulsion réciproque de diplomates

Attendons pour voir…

Rien ne va plus entre Prague et Moscou et c’est le moins que l’on puisse dire après que, ce samedi, le Premier ministre tchèque Andrej Babis ait annoncé, lors d’un point de presse,  l’expulsion,  par son pays, de 18 employés de l’ambassade de Russie à Prague accusés d’espionnage.

Cette annonce a suscité, dans le pays, la même onde de choc que celle qu’avait provoquée, le 16 Octobre 2014, l’explosion d’une cinquantaine de tonnes de munitions dans un dépôt à Vrbetice, une petite ville à l’est du pays, qui avait causé la mort de deux employés  et mis en danger la vie de nombreuses personnes mais dont l’origine était restée indéterminée jusqu’à ce jour.

Invoquant, désormais, l’existence de « preuves irréfutables » confirmant l’implication de Moscou dans cette déflagration, le dirigeant tchèque a tenu à préciser que la Centrale nationale de répression du crime organisé de la police tchèque, la NCOZ, a formellement identifié Alexander Petrov et Ruslan Bachirov, les deux citoyens  russes qui, en 2018, avaient été soupçonnés d’être les empoisonneurs au « Novitchok », en Grande-Bretagne, de  l’ancien agent double Serguei Skripal, d’être derrière cette explosion puisque « les deux hommes se trouvaient sur le territoire tchèque en 2014 ». Un avis de recherche a donc été émis à leur encontre.

Ainsi, c’est sur la base d’une enquête de ses propres services de renseignement, qu’aujourd’hui la République Tchèque accuse formellement les agents sus-nommés qui relèvent du GRU, le renseignement militaire russe, d’être derrière l’explosion qui, à l’époque, avait été considérée par Prague comme étant un malencontreux « accident ».

Emboitant le pas à Andrej Babis, son prédécesseur, l’ancien Premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, qui était en fonction au moment des faits, a qualifié ceux-ci, dans une interview publiée ce dimanche sur le site « Seznam Zpravy », de « plus grande attaque (perpétrée) sur le territoire tchèque depuis l’invasion [de la Tchécoslovaquie et l’écrasement du Printemps de Prague] en 1968 ».

La réaction de la Russie ne s’est pas fait attendre. Voyant dans cette expulsion de diplomates, une « piste américaine », le ministère russe des Affaires étrangères a, dès le lendemain, dénoncé les accusations « infondées et farfelues » portées contre ses diplomates et annoncé, à titre de représailles, l’expulsion de 20 employés de l’ambassade tchèque à Moscou devenus « personae non grata » et tenus, à ce titre, de quitter le pays sans délai.

Mais en voyant que les autorités russes ont menacé, par ailleurs, de prendre, à l’encontre de la Tchéquie,  des « mesures de rétorsion » qui pourraient aller jusqu’à la fermeture de son ambassade à Moscou, les médias tchèques ont appelé les autorités de leur pays à réagir avec la plus grande fermeté.

Ainsi, si dimanche, quelques manifestants – très vite arrêtés par la police tchèque – avaient barbouillé de ketchup le mur de l’ambassade de Russie, ce sont près d’une centaine de personnes qui, le lendemain, ont manifesté aux abords de l’ambassade russe à Prague en brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « nous ne sommes pas l’arrière-cour de la Russie » et des drapeaux de l’UE et de l’OTAN et en scandant, à l’unisson, « Honte ! ». Interrogé par l’AFP, un manifestant déclarera que « le meurtre de citoyens tchèques sur leur territoire par un autre pays, c’est presque un acte de guerre ! ». 

A l’étranger,  le ministère britannique des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de Russie à Londres suite aux « activités malveillantes » attribuées à Moscou notamment des cyber-attaques et les mouvements de troupe à la frontière ukrainienne et fait part, dans un communiqué, de son plein soutien à « ses alliés tchèques qui ont révélé jusqu’où les services de renseignements russes sont prêts à aller pour mener des opérations dangereuses et malveillantes en Europe ». En signalant, enfin, leur grande détermination  à « traduire les responsables de l’attaque de Salisbury en justice », les autorités britanniques ont invité Prague à en « faire de même (car) la Russie doit renoncer à ces actions qui violent les normes internationales les plus fondamentales ».

Considérant, enfin, qu’en ayant vu le jour une semaine après la révocation de Tomas Petricek, le ministre tchèque des Affaires étrangères qui était opposé à l’utilisation du vaccin russe anti-Covid « Spoutnik V » sans une autorisation préalable de l’U.E., cette affaire confirme bien ce qui a été rapporté par l’hebdomadaire tchèque « Respekt » ; à savoir qu’il « n’y a rien de surprenant » dans ce dossier du moment que cela fait longtemps déjà que les tchèques sont « au courant des activités du GRU » dans leur pays. L’enjeu étant donc de savoir « quelle influence aura, à l’avenir, la Russie sur la République Tchèque », attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Étiquettes ,
Top