Un enjeu majeur de santé publique

Prévention du cancer du sein

Ouardirhi Abdelaziz

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la principale cause de mortalité. Il représente l’un des enjeux prépondérants dans le domaine de la santé publique. Si la réduction du taux de mortalité causée par ce type de cancer ainsi que l’amélioration des chances de guérison ne sont possibles que si la tumeur a été prise en charge dès les premiers stades de son apparition, la prévention du cancer du sein est aujourd’hui absolument cruciale. Un très grand nombre de ces cancers peuvent être évités grâce à des changements de comportements individuels ou collectifs.  Cancer du sein, comment s’en protéger ? Qui sont les femmes les plus exposées ? Quels sont les traitements ? Quelle prévention ?

De nos jours, grâce à une prise de conscience de plus en plus large des différentes couches de notre population, il est très largement admis qu’il vaut mieux prévenir que guérir.

Cet adage concerne plusieurs domaines et aspects de notre vie. C’est encore plus vrai quand il s’agit de prévention  des maladies.

Nous savons tous que la prévention des pathologies les plus fréquentes et les plus mortelles (cancers, maladies cardiovasculaires, accidents) passe essentiellement par la modification des comportements à risque, défi qui ne peut être résolu par la simple diffusion d’informations.
Pour pouvoir modifier les comportements, il faut tenir compte d’une part, des individus eux-mêmes et de ce qui les amène à changer leurs manières de vivre et, d’autre part, de l’environnement culturel, social, physique et économique qui façonne les personnes et dont les modifications sont nécessaires aux changements individuels.

S’agissant du cancer du sein , la lutte contre certains facteurs de risque  de cette maladie sur lesquels il est possible d’agir et une prévention intégrée efficace des maladies non transmissibles favorisant une alimentation saine, l’exercice physique et la lutte contre la consommation d’alcool, le surpoids et l’obésité pourraient avoir un impact et réduire l’incidence du cancer du sein à long terme.

On fait le point avec le professeur Aghzadi Rajaa, chirurgienne spécialiste de la chirurgie du sein et présidente de l’association Marocaine de lutte contre le cancer du sein.

Entretien avec Aghzadi Rajaa, présidente de l’association Marocaine de lutte contre le cancer du sein.

«Il n’y a pas un cancer, mais des cancers du sein»

Propos recueillis par Ouardirhi Abdelaziz

Pour en savoir plus sur cette maladie, Al Bayane est allé à la rencontre du professeur Aghzadi Rajaa, chirurgienne spécialiste de la chirurgie du sein et présidente de l’association Marocaine de lutte contre le cancer du sein.

AlBayane : Qu’est-ce que le cancer du sein?

Professeur Rajaa Agyhazadi : Le terme cancer veut dire des cellules qui au lieu de se multiplier de manière homogène, vont se multiplier de manière anarchique.

C’est cette anarchie qui favorise le développement des petits amas qui sont à peine microscopiques et qui vont évoluer et devenir millimétriques. En se multipliant anarchiquement et en devenant de plus importantes, les cellules cancéreuses donnent naissance à des tumeurs de plus en plus grosses. A ce jour, la science ne sait toujours pas quelle femme va être concernée par cette anarchie cellulaire et quant tout ce processus va démarrer.

Par contre, ce que nous savons, c’est que ces amas cellulaires de 1 ou 2 cm ont demandé des années et des années pour se développer et atteindre une telle grosseur.

Quels sont les différents types de cancers du sein?

Effectivement, il n’y a pas un cancer, mais des cancers du sein. Effectivement, il existe différents types de cancers anatomo-pathologiques histologiques et c’est au microscope que l’on peut définir le cancer et son statut. Ce qu’il faut savoir, c’est que ces différents types de cancers n’évoluent pas de la même manière. Certains sont agressifs et évoluent très rapidement, d’autres plus lentement. Dés lors qu’on est en possession de tous les éléments diagnostics, on doit démarrer le traitement le plus adapté à chaque type.

Quels sont les facteurs de risque du cancer du sein?

Très bonnes questions. Je vous réponds en vous disant que si on connaissait exactement ces facteurs de risque, et bien on aurait éliminé une bonne fois pour tout ce cancer. Ceci dit, il y a des présomptions, des probabilités, mais ce n’est pas mathématique.

Il y a encore des facteurs qu’on ne connait pas, mais avec les avancées de la science et de a recherche dans ce domaine, nous connaitrons encore plus dans les années à venir.

Parmi les facteurs que nous connaissons, il y a en tête de liste l’alimentation ou on retrouve des produits chimiques, des colorants, des conservateurs, aux hormones, notamment dans les viandes rouges, blanches, dans les laitages. Il y a aussi la sédentarité qui est un facteur de risque, les femmes bougent moins et deviennent plus obèses. Il y a aussi le stress et les hormones comme les contraceptifs sur le long terme, d’où l’importance de prendre ces hormones sous contrôle médical…

Quels sont les symptômes du cancer du sein?

Par rapport aux signes du cancer du sein, il y a un message très fort que je tiens à faire passer sur les colonnes du journal AlBayane. On souhaite ne pas avoir de signes. C’est-à-dire, être très vigilante par rapport à son sein et dépister à un stade très précoce infra centimétrique. C’est là tout l’intérêt des campagnes de sensibilisation, et je tiens ici à vous remercier et à vous rendre hommage pour tous les efforts qui sont entrepris par le journal AlBayane, qui permet à un grand nombre de bénéficier de messages, d’informations très utiles.

On doit toujours agir avant que n’apparaissent les signes, malheureusement beaucoup de femmes attendent l’apparition de signes pour consulter.

Dans les cas de figure, il faut surveiller toute grosseur nouvelle, ou boule au niveau du sein ou à l’aisselle , toute modification de la forme ou de la taille du sein, tout écoulement par le mamelon et tout changement notoire de l’aspect de la peau du sein ou de l’aréole : crevasses, pigmentations.

Quand la femme constate un des ces signes,  elle doit aussitôt les rapporter à son médecin traitant, car ces signes constituent les symptômes visuels les plus répandus du cancer du sein. Il est utile de rappeler que toute suspicion diagnostique de cancer justifie un avis spécialisé sans délai.

Fort heureusement que  dans la plupart des cas, l’apparition d’une petite boule n’est pas automatiquement synonyme  d’un cancer, mais d’une tumeur bénigne. Comme par exemple, un petit fibrome. Sur 5 grosseurs examinées, 4 sont totalement bénignes.

Quels sont les éléments du diagnostic?

Le bilan diagnostique regroupe un ensemble d’examens cliniques, biologiques et d’imageries. L’examen clinique comprend l’inspection, puis la palpation des seins et des aires ganglionnaires. Un cancer sera systématiquement suspecté devant un module de consistance dure, régulier, indolore, et semblant comme fixé dans le sein. Il sera d’autant plus suspect s’il est irrégulier et éventuellement associé à un écoulement mamelonnaire, une rétraction cutanée, une adénopathie axillaire sus- ou sous claviculaire.

Une mammographie est réalisée dès lors que l’examen clinique de la patiente conduit à la mise en évidence d’une anomalie. Cet examen est également utilisé pour le dépistage des lésions trop petites pour être détectées par palpation.

Une échographie mammaire peut être réalisée, en complément de la mammographie, pour préciser la nature d’images radiologiques difficiles à interpréter.

Quels sont les traitements actuels du cancer du sein?

La question des traitements actuels du cancer du sein est très importante, parce que  tous les traitements qui sont disponibles au niveau des centres des pays les plus développés au monde, on peut les faire ici au Maroc.

En ce qui concerne la radiothérapie, nous disposons de la haute technologie, qui est présente au niveau de centres d’excellence.

En ce qui concerne la chimiothérapie, nous disposons de molécules innovantes, les plus fortes, les plus ciblées, qui  présentent sur le marché marocain.

Le traitement chirurgical dont je suis spécialiste a connu ces dernières années de très grandes avancées : la chirurgie du sein s’est beaucoup développée au Maroc. C’est une chirurgie conservatrice  par excellence, avec des résultats esthétiques qui sont très satisfaisants. Notre but est de préserver toujours la silhouette et la féminité des patientes atteintes de cancer du sein.

L’acte chirurgical fait appel à la collaboration multidisciplinaire pour une prise en charge globale pré  et  post – opératoire, avec un suivi psychologique.

Peut-on prévenir le cancer du sein?

C’est pour moi un chapitre très important sur lequel je me bats au quotidien, particulièrement en ce moment précis où il est de plus en plus question de reformer le système de santé.

Vous savez, pour alléger les dépenses de notre système de santé, il faut agir en amont, ce qui n’est possible que grâce a la prévention.

Cette prévention peut nous faire économiser jusqu’à 30 % des dépenses consacrées aux pathologies cancéreuses.

Il y a beaucoup à faire en termes de prévention concernant le cancer du sein, c’est notamment le cas de la lutte contre certains facteurs de risque sur lesquels il est possible d’agir comme réduire la présence de produits chimiques dans les produits ménagers, réduire l’emploi de pesticides chimiques.

Il y a aussi les bonnes habitudes de vie (exercice physique, saine alimentation comprenant suffisamment de légumes et de fruits, arrêt du tabagisme et de la consommation d’alcool..) et le maintien d’un poids santé qui contribuent à réduire le risque de plusieurs types de cancers, incluant le cancer du sein.

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