Ahmed Cherkaoui
Mohamed Nait Youssef
Ahmed Cherkaoui (1934-1967) est un grand peintre, une figure de proue de l’art abstrait. Un créateur, tout court. Parti trop tôt, à 32 ans, le peintre a laissé derrière lui, une œuvre monumentale, forte et prolifique.
La peinture était sa première passion. Ces premières œuvres étaient figuratives. Fasciné par la nature, le peintre aimait peindre les paysages qu’il contemplait autour de lui. En 1956, Cherkaoui arrive, les pinceaux dans la main et des rêves dans la tête, à la ville des arts et des lumières, Paris. Il s’inscrit à l’École des Métiers d’Art dans la section arts graphiques. Au Musée d’Art Moderne de Paris, il découvert pour la première fois la peinture de Bissière. Il a eu en effet un «choc terrible » devant ses toiles où la beauté est mise en valeur. Quelques années plus tard, Cherkaoui intègre l’École des Beaux Arts de Paris, en 1960. Novateur et créatif, la palette de l’artiste est mêlée entre la tradition artistique populaire marocaine et la modernité artistique universelle. Cherkaoui a vécu, discrètement, loin des lumières des projecteurs. A vrai dire, il n’en connaissait qu’un seul devoir, celui de peindre, de créer. Il a dévoilé ses œuvres pour la première fois à Rabat, au «Salon de la jeune Peinture».
Une démarche recherchée avec passion
En outre, les œuvres d’Ahmed Cherkaoui, connues par une maîtrise de la matière picturale, regorgent de signes forts, de formes, de traces puissantes et d’images transcendantes.
A vrai dire, la démarche du peintre est recherchée avec tant de passion, de curiosité et d’amour. Il a en outre, investi l’héritage assez particulier de sa mémoire, de sa culture enracinée dans ses travaux artistiques et ses quêtes esthétiques afin d’imposer son style unique que singulier.
«Une peinture donc qui se donne à voir lyriquement et dramatiquement ; qui se lit suivant un rythme synchronique : par une synthèse d’équilibres. Imprégnée de la présence physique d’une matière, elle fait usage de taches en surface, d’effets obtenus par la trace des pinceaux ainsi que, plus tard, de teintes très diluées.», écrivait Toni Maraini dans son livre de référence, «écrits sur l’art».
Habité par les questions de l’identité, de la culture et de la mémoire qui hantent l’esprit de l’artiste et présentes dans son œuvre marquante.
«Le problème de l’identité doit donc être posé. Nous ne pensons cependant pas que la peinture ait été pour lui uniquement «un moyen» pour découvrir son identité culturelle, le «moyen» étant le but même, la chose quêtée. Ou, en d’autres mots, le message révélateur. Non pas un simple outillage. Et le message de Ahmed Cherkaoui est, de toute évidence, sa peinture. », poursuit Maraini.
Or, la peinture était la demeure de Ahmed Cherkaoui, son univers, sa vie, son champ et cheval de bataille. C’est aussi un regard tourné vers sa société.
«Elle était une peinture de ce siècle, une peinture du Maroc de ce siècle, avec tout ce que cela comporte de déchirement. Personne ne peut lui ôter ce lien unique avec le corps/mémoire, tout comme son droit d’en disposer créativement au sein des contradictions historiques.», ajoute la critique et historienne de l’art.
En 1961, Cherkoui débarque en Pologne, où il avait justement entamé une année d’études à l’Académie de Varsovie. D’ailleurs, cette formation a eu un impact profond sur sa démarche picturale, notamment en se qui concerne les expressions des formes, mais aussi la poétique de l’espace.
Ses inspirations sont multiples. Dans ses œuvres, on y trouve, certes, des références à l’art européen mais aussi aux arts et symboles du contient auquel il appartient. L’usage du tatouage berbère en témoigne.
«Les couleurs rouges, mauves, ocres, brunes se déroulent de vert foncé et de bleu cobalt. C’est une peinture tassée, organique, nocturne. Cherkaoui ressent alors l’influence renouvelée de la peinture informelle et du lyrisme abstrait ; de Bissière en particulier.», a souligné Toni Maraini.
Les œuvres de Cherkaoui se sont accrochées sur les murs et cimaises des grands musées et des galeries prestigieuses en France, au Japon, en Suède, en Espagne et au Maroc. Il a participé, entre autres, aux expositions «École de Paris 1962» à la Galerie Charpentier, «Dix peintres du Maghreb», à la galerie Le Gouvernail, «Six Peintres du Maghreb» à Paris.