Maître Kaltoum Jiddi, Avocate au barreau de Casablanca
Propos recueillis par Kaoutar Khennach
Au Maroc, le code du travail a apporté des dispositions protectrices de la femme enceinte salariée. À quel moment la salariée peut-elle bénéficier de son congé de maternité ? Que dit le code du travail à propos de ses droits pendant la grossesse et après l’accouchement ? Dans cette interview, nous faisons le point avec Maître Kaltoum Jiddi, Avocate au barreau de Casablanca et fondatrice de JK Cabinet d’avocats.
Al Bayane : Quels sont les droits d’une femme enceinte au travail ?
Maître Kaltoum Jiddi : Il y a plusieurs mesures de protection apportées par le code du travail en faveur de la salariée dont l’état de grossesse a été attesté par un certificat médical. En effet, la salariée enceinte bénéficie d’un allégement des travaux qui lui sont confiés par son employeur durant toute la période qui précède l’accouchement. Aussi, elle a le droit de suspendre son contrat de travail pour une durée de sept semaines avant son accouchement. Si la salariée enceinte souffre d’une grossesse difficile et que son état pathologique est attesté par certificat médical, la suspension du contrat peut être prolongée de la durée de cet état pathologique sans excéder huit semaines avant la date prévue de l’accouchement.
Par ailleurs, le code du travail apporte un certain nombre de droits et avantages à la salariée après son accouchement. Ainsi, la salariée a droit à un congé de maternité de quatorze semaines sauf, bien entendu, aux droits plus avantageux prévus par le contrat de travail, la convention collective ou le règlement intérieur. Toutefois, si elle utilise une partie de son congé avant l’accouchement, elle doit impérativement être au repos pour une durée de 7 semaines après l’accouchement. Il est important de noter que l’employée du secteur public et la salariée du secteur privé bénéficient de la même durée du congé de maternité, à savoir quatorze semaines (Article 46 du Statut de la fonction publique, Article 152 du Code du travail).
Le congé de maternité, au même titre que le congé maladie, n’a aucun effet sur le congé annuel. Pendant la période du congé de maternité, la salariée reçoit donc son plein salaire et a la garantie de reprendre son travail après son congé dans les mêmes conditions qu’elle avait avant la suspension de son contrat de travail.
En vue d’élever son enfant, la salariée peut bénéficier d’une prolongation de son congé de maternité, à condition d’en aviser son employeur quinze jours au plus tard avant le terme de la période dudit congé. Toutefois, cette prolongation ne peut excéder quatre- vingt-dix jours. Après cette prolongation de 90 jours et si la salariée veut passer plus de temps avec son enfant, cette dernière peut avec accord de son employeur, demander un congé sans solde d’une année.
Quels sont les droits de la salariée après la reprise du travail ?
Dans le cadre de la protection accordée à la salariée après son accouchement, et outres le congé de maternité et les congés spécifiques afin d’élever son enfant, le code du travail prévoit d’autres dispositions en faveur de la salariée même après la reprise de son travail.
La salariée a le droit, pendant une période de douze mois à compter de la date de la reprise de son travail après le congé maternité, à un repos spécial d’allaitement d’une demi-heure le matin et d’une demi-heure l’après-midi, rémunéré comme temps de travail. Cette heure est indépendante des périodes de repos appliquées à l’entreprise.
Aussi, l’employeur a l’obligation de mettre en place une chambre d’allaitement au sein de son entreprise ou à proximité lorsque cette entreprise occupe au moins cinquante salariées âgées de plus de seize ans.
En plus des dispositions relatives à l’allaitement , et dans la cadre de protection de l’intérêt de l’enfant , le code du travail a aussi prévu que les chambres d’allaitement peuvent servir de garderies pour les enfants des salariées travaillant dans l’entreprise.
Un employeur peut-il licencier la salariée enceinte ou en couches ?
Non. Conformément à l’article 159 du code de travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée, lorsqu’elle est en état de grossesse attesté par certificat médical, ni durant les quatorze semaines suivant l’accouchement. Toute décision de licenciement de la part de l’employeur se trouve de ce fait annulée.
Aussi , il est important de noter que dans le cas où la salariée venait à être licenciée, avant qu’elle atteste de sa grossesse par certificat médical, elle a la possibilité , dans un délai de 15 jours à compter de la notification du licenciement, de justifier de son état de grossesse par l’envoi, à son employeur, d’un certificat médical par lettre recommandée avec accusé de réception , dans le but de faire annuler ledit licenciement.
D’autre part, la salariée en état de grossesse attestée par certificat médical peut déposer sa démission sans respecter le délai de préavis ni à avoir à payer une indemnité compensatrice.
Quid des sanctions ?
Le code du travail a prévu des sanctions à l’encontre de l’employeur qui n’a pas respecter ses dispositions, cette sanction est une amende dont le montant diffère selon le cas, à titre d’exemple, l’employeur sera puni d’une amende de de 10.000 à 20.000 dirhams s’il rompt le contrat de la salariée enceinte ou pendant son congés de maternité ; ou encore en cas de refus de suspendre le contrat de travail de la salariée.
Aussi, l’employeur peut être puni d’une amende de 2000 à 5000 dirhams s’il refuse d’accorder à la salariée son repos spécial allaitement ou en cas de refus de création de la chambre spéciale d’allaitement.
Ces sanctions ne font que prouver encore une fois la protection spéciale accordée par le code du travail à la salariée enceinte ou en couches, afin de lui assurer une grossesse sereine et paisible ainsi que la pérennité de son emploi.