Le mouvement Damir pour l’émergence d’un nouveau modèle politique

Dans une «Lettre ouverte à l’opinion publique»

Par Jamal Eddine Felhi

Cinq ans après son mémorandum « Le Maroc que nous voulons », le mouvement Damir alerte de nouveau sur la gravité de la situation actuelle aux plans social, économique et politique du pays. Il souligne que les réformes qu’il a proposées, en juillet 2019, demeurent d’une « actualité saisissante» comme le sont également les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement restées lettre morte en dépit du consensus général qui a caractérisé son travail et de l’appui royal qui a couronné ses réalisations.

Dans une « Lettre ouverte à l’opinion publique » qu’il vient de publier, Damir souligne ainsi l’impératif pour le Maroc d’une initiative politique d’envergure tout en plaidant pour l’émergence d’un « Nouveau modèle politique » conforme aux constances nationales et au référentiel constitutionnel du Royaume.

Le mouvement revient aussi sur le contenu de la lettre ouverte qu’il a adressée au chef du gouvernement en avril 2024 afin de démasquer « les contrevérités » qu’il a proférées devant les parlementaires, lors de la présentation de son bilan de mi-mandat, et de souligner « les graves dysfonctionnements de son action à la tête de l’Exécutif : absence de croissance économique, destruction massive des emplois, montée du chômage, dégradation du pouvoir d’achat des citoyens et paupérisation de la classe moyenne, faiblesse structurelle de l’investissement privé et chute des IDE, dégradation du climat social dans l’éducation nationale et les universités de médecine et de pharmacie, conflits d’intérêts dans les décisions de politiques publiques, scandale des hydrocarbures et de la raffinerie de pétrole la Samir, aggravation de la dette publique et risques majeurs sur la souveraineté financière du Maroc, etc. »

A cet égard, le mouvement Damir estime qu’il ne peut rester impassible et sans réaction face à ce qu’il qualifie de « faiblesse généralisée de la classe politique, aux manquements manifestes de la chambre des Représentants et de la chambre des Conseillers » qu’il juge réduites à des caisses de résonance pour le gouvernement et d’enregistrement de ses décisions. Il pointe aussi du doigt « l’incapacité des partis d’opposition de constituer une alternative crédible à une majorité domestiquée. »

Il affirme ainsi qu’il est de son « devoir d’alerter les Marocains, de les mobiliser et de leur proposer une alternative solide et enthousiasmante » et aussi de « sensibiliser les hauts responsables de l’État sur l’urgence et la gravité de certains dossiers ». Et de dénoncer avec fermeté « les nombreux cas de corruption, détournement de fonds publics, fraudes, conflits d’intérêts, marchés publics douteux, soupçons d’enrichissement rapide équivoque, accaparement injustifié de biens, abus d’influence liés à des postes de responsabilité, soupçons de tentatives d’influence et de pression sur des élus honnêtes, et autres formes de violation de la loi ou de la déontologie, qui entachent la classe politique dans son ensemble et interpellent nommément et publiquement nombre d’acteurs de la coalition gouvernementale ».

Pour le mouvement Damir « les personnes concernées par ces affaires sont tenues d’apporter à l’opinion publique toute la lumière sur les faits présumés ou avérés, afin de défendre leur honneur : infiltration de personnes poursuivies pour trafic de stupéfiants dans des postes de responsabilité politique ou partisane, suspension à titre conservatoire d’un membre du secrétariat général collégial d’un parti au pouvoir, tentative de spoliation de terres collectives, les nombreux cas de destitution d’élus appartenant à la coalition gouvernementale (31 parlementaires de la majorité gouvernementale parmi un total de 42 députés), etc. ».

Le mouvement exprime également sa « profonde préoccupation face au désespoir qui a envahi une partie de nos jeunes générations, prêtes à quitter clandestinement notre pays dans le cadre d’un exode déclaré, parfois au prix de leur vie, pour espérer embrasser un avenir meilleur sous d’autres cieux ». Il dénonce aussi l’inaction et « le silence assourdissant du gouvernement, tétanisé qu’il est par son incapacité à construire un discours structuré après le spectacle dévastateur donné à la face du monde par ces centaines et milliers de jeunes qui tentent de traverser la frontière à la nage ou à pied, et par son impuissance à traiter le phénomène mortifère des NEET (4,3 millions de Marocains âgés de 15 à 34 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation). ».

Nécessité d’une justice sociale et spatiale et d’une moralisation du champ politique

Abordant le phénomène délétère de l’abstention, qui a atteint des niveaux records lors des dernières élections législatives partielles, où l’argent a encore coulé à flot et où l’absentéisme des citoyens a battu tous les records (taux de participation de 6,5% dans la circonscription de Rabat Océan), Damir rappelle, en s’adressant aux abstentionnistes, que « leur manière d’exprimer leur défiance et leur colère par leur indifférence aux échéances électorales est inappropriée, voire dangereuse, car elle laisse le chemin libre à la voyoucratie des élections et, finalement, hypothèque l’avenir de nos enfants. »

Pour Damir, le contexte mondial actuel, particulièrement agité, « impose de rappeler à notre classe politique, à tous les niveaux de responsabilité, son devoir de mettre en œuvre les politiques publiques relevant de ses obligations constitutionnelles, mais aussi sa responsabilité historique de créer les conditions de la solidarité nationale et de resserrer les rangs des Marocains face à toutes les éventualités possibles. » Il estime également que les grandes mutations et tensions au plan mondial « rendent plus impératif que jamais pour notre pays de réaliser des pas effectifs et notables en matière de justice sociale et spatiale, en commençant par sortir les groupes les plus défavorisés des griffes de la pauvreté et du désespoir. »

« A cet égard, la classe politique est appelée en urgence à donner l’exemple par un comportement irréprochable aux yeux de tous, en œuvrant à la moralisation effective du champ politique, en menant une lutte sans merci contre le gaspillage des deniers publics et l’enrichissement illicite, et en réduisant les dépenses publiques inutiles ou superflues avec toute la frugalité requise », souligne le mouvement Damir. Et d’ajouter qu’il entend s’engager davantage dans la construction démocratique de notre pays.

Le mouvement exprime, en outre, son scepticisme quant à l’idée d’un remaniement gouvernemental comme solution qu’il compare à « un cataplasme sur une jambe de bois ». Il estime, par contre, que la gravité de la situation actuelle exige « une initiative politique d’envergure de l’État qui lui permettrait de renforcer le liant entre les Marocains et de rétablir leur confiance à l’égard des institutions ».

En conclusion de sa lettre, Damir souligne qu’il entend prendre part à toute dynamique allant dans ce sens avant d’ajouter que son « mot d’ordre sera désormais axé sur l’émergence d’un Nouveau modèle politique, condition sine qua non à la mise en œuvre fidèle et loyale des dispositions de la Constitution et des recommandations du Nouveau modèle de développement ».

Ce Nouveau modèle politique, précise le mouvement,  sera « pensé dans le cadre du référentiel constitutionnelet dans le respect des constances de la Nation, et se traduira par des propositions de loi, des mécanismes d’action et des structures d’intervention destinés à moderniser le fonctionnement des partis politiques, organiser leur démocratie interne, garantir leur transparence financière, plafonner leurs dépenses électorales, sanctionner au pénal l’usage de l’argent dans les élections, lutter contre les conflits d’intérêts et les situations d’incompatibilité, moraliser la vie publique et interdire toute ingérence dans les affaires intérieures des partis, et ce dans le but de consolider leur rôle majeur dans l’espace public comme au sein des institutions ». Un préalable sans lequel « l’essor du Maroc et la prospérité des Marocains relèveront du monde de la virtualité pour des lustres encore ».

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