Mandats d’arrêt de la CPI : Vers la fin du « deux-poids, deux-mesures » ?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Bien que le Premier ministre israélien ait initié, dans l’enclave palestinienne de Gaza, ce génocide dont le monde entier a été le témoin puisque, depuis son déclenchement le 8 Octobre 2023, les images y afférentes ont été, quotidiennement, diffusées, en boucle, par toutes les chaînes de télévision que compte la planète, la Cour Pénale Internationale a longtemps tergiversé en laissant s’écouler plus d’une année avant de lancer un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou.

Par ce « retard » qui met à mal, de manière claire et sans équivoque, la crédibilité et l’objectivité qui lui incombent, la CPI avait donné l’image d’une institution dont les juges s’inclinent face à ce malencontreux double standard politique et moral, dit du « deux-poids, deux-mesures ».

Pour rappel, alors qu’en Février 2022, nombreux étaient les Etats qui, à l’instigation de Washington, avaient saisi la CPI au moment du lancement, par la Russie, de son offensive contre l’Ukraine, très peu d’Etats signataires du Statut de Rome et parties à la CPI, ont réclamé, en Octobre 2023, la condamnation, par cette juridiction internationale, des bombardements terrestres et aériens des populations civiles de la bande de Gaza ; un contraste flagrant qui avait montré clairement que la justice internationale souffre de ce « deux-poids, deux-mesures » qui en fragilise la légitimité.

Aussi, le soutien inconditionnel apporté, à l’Etat hébreu, par les puissances occidentales, en dépit de la nature exceptionnelle des crimes qu’il commet, ne pourrait que précipiter l’effondrement de ce système international « inégalitaire » mis en place après la Deuxième Guerre mondiale et accordant, aux « vainqueurs » de ce conflit, ce droit de véto qui, depuis lors, est la source de tous les maux et qui a, encore une fois, permis aux Etats-Unis, de s’opposer, cette semaine, à une résolution présentée par le Conseil de Sécurité de l’ONU et appelant à un cessez-le-feu à Gaza et au Liban.   

Ainsi, bien qu’étant la clé de voute d’un vaste système de justice pénale internationale mis en place afin d’assigner en justice les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité visés par un mandat d’arrêt, force est de reconnaître que la Cour Pénale Internationale n’en est pas moins fragile dès lors qu’elle dépend entièrement de la coopération des Etats signataires du Statut de Rome lorsqu’il s’agit de procéder à l’arrestation des personnes mises en cause et que sa compétence même reste subsidiaire du moment qu’elle ne se saisit d’une affaire que lorsque les États auxquels appartiennent les personnes poursuivies n’ont pas la capacité de garantir les enquêtes et les poursuites judiciaires.

Mais si, comme l’avait déclaré Elizabeth Evenson, la directrice du Programme Justice Internationale à Human Rights Watch, bien que « la CPI vise à ce que personne ne soit au-dessus des lois… l’absence d’un soutien constant des Etats à toutes les enquêtes engendre le risque de perpétuer l’approche ‘deux poids-deux mesures’ entravant l’accès des victimes à la justice », il appartient alors aux Etats parties, de « soutenir un accès équitable à la justice pour toutes les victimes dans les affaires dont la Cour est saisie ».

En considérant, enfin, qu’en se saisissant de cette affaire, la CPI a voulu clairement indiquer que c’est la nature même du régime israélien qui poserait problème en n’offrant plus les garanties d’un État de droit susceptible de poursuivre ces criminels internationaux que sont son Premier ministre et son ancien ministre de la Défense, attendons pour voir…

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