La légendaire troupe Amazigh Izenzaren avait notoirement révolutionné tout un éloquent parcours, depuis les années 70 du siècle écoulé. Composante indivisible de la vague des groupes marocains tels Ghiwane, Jil Jilala, Lemchahb ou encore Ousmane et Oudaden…, cet ensemble mythique se distinguait par l’habilité de son prodige Igoute qui excellait avec aisance et maestria, dans le maniement de son instrument magique.
Depuis fort longtemps, le pinacle Soussi de tous les temps domptait à merveille les cordes de son joujou et en faisait jaillir des sons qui ensorcelaient des générations de fans, des décennies durant.
Igoute était, sans doute, un génie hors pair que la nature trouvait beaucoup de peine à en faire des sosies. Son don n’a d’égal que sa somptueuse sonorité qui faisait frémir d’adulation les sens des amazighophones, mais également des arabophones, à travers toutes les régions du royaume. L’indélébile chef-d’œuvre de la troupe des années 80, «Iguiguil», «orphelin» en version française, séduit encore toutes les franges de la société, par la sublimité du rythme et l’affectivité de l’émotion qu’elle dégageait, même si, pour tant d’admirateurs, ils étaient peu à comprendre les paroles.
Ce virtuose incroyablement doué menait une vie de bohémien, face à l’immensité de la mer qui, certainement lui procurait à longueur de journées, des gorgées d’inspiration mélodieuse. Serein et quiet dans son bout de terre, près de Merleft sur le littoral sud, le gracile troubadour de la musique Amazigh raffinée ne savait peut-être jamais qu’il avait enfanté, en compagnie de ses pairs, une convulsion fracassante dans la linéarité séculaire de la musique Amazigh. Ton tempérament imbu d’humilité et de sobriété le plaçait continuellement hors des projecteurs et des manchettes. Izenzaren côtoyait, en fait, cette panoplie de groupes rebelles qui avait submergé le champ musical national.
Cette belle époque retentissait toujours dans les foyers et les rues, encore bien fort que le font, assurément, certaines trouvailles de nos jours. Car, il y avait, à coup sûr, de l’authenticité et surtout de la volonté ardente du changement. Izenzaren avait cru à la refonte de la musique Amazigh, sans beaucoup de présomption ni de prétention artistique. Mais, sans doute, la vague des années 70 et 80 était tellement chamboulante que les groupes Amazigh furent également de la partie. D’autres styles et exigences en poésie et composition, naissaient en parfaite synchronie avec les mutations profondes de la jeunesse marocaine.
Aujourd’hui, le chansonnier Igoute bat de l’aile, après tant de générosité et de sacrifice. Tout au long de quatre décades d’affilée, Izenzaren a inondé le répertoire musical marocain à obédience Amazigh. Les présentes et les futures générations continueront à fredonner les sonnets de «Iguiguil», puisque ça parle, avec une telle tendresse, d’une situation humaine que vivent, chaque jour, les ménages sociaux. Les bonnes paroles ne meurent jamais, disait l’autre!
Saoudi El Amalki