Accord de paix et retour à la case départ pour les arméniens…

Haut Karabakh

Nabil El Bousaadi

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé ce 10 novembre, sous l’égide de la Russie, un accord mettant fin au conflit qui, pendant six semaines, avait ensanglanté la région sécessionniste du Haut-Karabakh. Consacrant les gains de territoires importants obtenus par l’Azerbaïdjan et prévoyant la rétrocession, à Bakou, de territoires supplémentaires, cet accord s’est, également, traduit par le déploiement d’une «force de paix» russe comprenant quelques 2.000 hommes  appelés à se mouvoir dans l’enclave du Haut-Karabakh et autour du corridor de Latchin, désormais, seul axe de communication entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Or, bien que cette entente ne fasse aucune référence à la Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan ne s’est pas empêché de déclarer, dès le lendemain, que son pays allait veiller, aux côtés de la Russie, à la surveillance de la bonne application du cessez-le-feu.

Mais si, par ailleurs, l’arrangement conclu entre les deux protagonistes prévoit, également, la création, en Arménie, d’un nouveau corridor qui relierait l’enclave azérie du Nakhitchevan à l’Azerbaïdjan, il permet, en outre, à l’Azerbaïdjan de reconquérir de larges pans de son territoire qui étaient tombés sous le contrôle arménien depuis les années 1990 quand bien même,  sur le terrain, «les frontières internationales n’ont pas changé» du moment que l’ONU ne reconnaît toujours pas l’indépendance de la République d’Artsakh ; une «république» qui, pour les arméniens, serait constituée de l’enclave du Haut-Karabakh et des sept districts qui l’entourent. Rien de nouveau donc, à en croire Bruno Tertrais, le directeur-adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, à l’exception d’un «changement du statu quo par la force» du moment que le processus diplomatique existait déjà «sur le papier».

Or, en signant un accord qui consacre la victoire militaire de l’Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian s’est mis à dos une bonne partie de ses compatriotes qui, pour dénoncer un tel «arrangement» ont envahi, dans la nuit de lundi à mardi, le siège du gouvernement et du Parlement et investi, ce vendredi, pour la quatrième journée consécutive et par dizaines de milliers, la Place de la Liberté sise au centre d’Erevan, la capitale.

Traitant de «traître» le Premier ministre arménien qui accuse les manifestants d’être manipulés par l’ancien régime qui avait été renversé en 2018 par la révolution populaire qui lui avait permis de prendre les rênes du pays et qui assure avoir signé cet accord «douloureux» sur pression de l’armée pour que la totalité de la région ne puisse pas tomber sous le contrôle de l’Azerbaïdjan, Artur Beglarian, un arménien blessé lors des combats ayant eu lieu les semaines précédentes, reproche au dirigeant arménien d’avoir «abandonné» des terres arméniennes. Lui emboîtant le pas, Vardan Voskanian, un militant du parti d’opposition «La Patrie» s’est écrié que «l’homme qui a signé cet accord n’a pas le droit de vivre en Arménie» et qu’il va falloir lui trouver comme remplaçant «un dirigeant qui changera cet accord honteux».

Dans le village de Charetkazr, situé dans la zone frontalière avec le Haut Karabakh et dont les troupes azerbaïdjanaises vont prendre le contrôle, dès ce dimanche, conformément aux termes de l’accord signé entre le Premier ministre arménien et les dirigeants azéris, un journaliste de l’AFP aurait vu des arméniens évacuer leurs logements puis y mettre le feu avant de quitter les lieux.

Quelles seront les suites de cet accord qui constitue un revers humiliant et une page noire dans l’Histoire de l’Arménie et quel sera l’avenir de son Premier ministre Nikol Pachinian? Attendons pour voir…

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