Arab-Africa Trade Bridges : rattraper le temps perdu

Les acteurs économiques arabes et africains de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) réunis du 22 au 23 à Rabat dans le cadre du forum Arab-Africa Trade bridge entendent  booster leurs relations commerciales. Si ces dernières années, les échanges entre les deux régions ont progressé et se sont situés à 160 milliards de dollars entre 2011 et 2015, elles restent tout de même, faibles et en deçà des potentialités. Mercredi dernier, le gotha économique des deux régions a passé au crible les obstacles à leur coopération économique et abordé des pistes de réflexions pour la renforcer.

En Afrique Subsaharienne, ce ne sont que deux pays membres de l’OCI, notamment l’Ouganda et le Nigeria sur les 22 pays africains appartenant à l’organisation, qui contribuent à 54% aux échanges avec les pays arabes de l’organisation. Un vrai manque à gagner, sachant que le potentiel d’exportation pour les pays subsahariens dans la région de l’OIC est estimé à plus de 1,5 milliard de dollars, selon l’Institution Internationale Islamique de Financement du Commerce (ITFC). Pour les acteurs économiques du Continent présents au forum de lancement du programme Arab-Africa Trade Bridges, ces faibles échanges sont liés à plusieurs causes, notamment des facteurs internes au Continent africain.  Pour Marcel Alain de Souza, président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les échanges commerciaux de l’Afrique avec le reste du monde sont profondément affectés par son passé lié à la colonisation. En effet, en 2015, les  échanges commerciaux entre les pays de la sous-région se sont élevés à 15 milliards d’euros, contre 67 milliards d’euros, avec l’Union Européenne.

Une situation qui n’est pas exceptionnelle en soi, puisque dans les autres sous-régions du continent, le même constat est fait. Les pays subsahariens souffrent d’un manque d’intégration sous-régionale.  D’ailleurs, ils échangent plus avec les pays européens qu’entre eux.  Qui plus est, plusieurs pays Africains membres de l’OCI sont marqués par l’absence de paix et de sécurité, des facteurs indispensables pour attirer les investissements étrangers. Sur un autre registre, le climat des affaires sur le Continent est l’un des plus décriés, avec une recrudescence des barrières telles que la corruption, les problèmes liés à la justice, ont noté les intervenants…Sans oublier les défis liés à l’électrification, l’accès à internet, l’absence d’infrastructures routières, ferroviaires dans ces pays et surtout le manque d’interconnexion entre les pays, ce qui empêche ainsi  une circulation facile des biens, le commerce entre les différents pays. Pour  El Hassane Hzaine, directeur général du Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC), le commerce en Afrique souffre d’accords obsolètes qui constituent des barrières aux investissements et échanges commerciaux. «Il faut faire un examen des accords en Afrique et se débarrasser  de ceux qui sont obsolètes. Il fat une nouvelle génération d’accords en Afrique»,  a-t-il souligné. Sur le plan commercial, la compétitivité de l’Afrique en matière d’exportations est profondément affectée par le manque de transformations des matières premières au niveau local (Cacao, café, ressources minières) qui sont exportées à l’état brut.  En dehors de ces obstacles internes à l’Afrique, les relations commerciales entre l’Afrique et les pays arabes sont affectées par un manque de confiance entre les investisseurs, conséquence d’un manque d’informations sur les opportunités et perspectives d’affaires dans chacune des deux régions, ont souligné les intervenants. Sans oublier la concentration du commerce sur des produits spécifiques comme les produits pétroliers.

Pour les acteurs économiques africains et arabes, s’il y’a de nombreux obstacles qui se posent au commerce intra-OIC, de nombreuses opportunités existent. D’ailleurs, il s’agit de faire des obstacles existants des opportunités d’affaires et d’investissement. Toutefois, il faut poser au préalable les conditions d’un partenariat «win-win», a insisté le président de la CEDEAO, sachant que le potentiel d’exportations des pays arabes vers les pays de l’OCI est estimé à 20,1 milliards de dollars contre  plus de 1,5 milliard de dollars pour les pays africains membres de l’OCI. Dans ce cadre, les 54 pays d’Afrique doivent porter un projet collectif et non des projets individuels, pour assurer leur compétitivité face aux pays arabes. Par ailleurs, les pays africains doivent procéder à une harmonisation de leurs législations et politiques en matière de commerce. Pour Mamoun Bouhdoud, ministre délégué en charge des PME et de l’intégration du secteur informel, il est indispensable de prendre en compte les spécificités locales africaines dans la conception des projets de même que les enjeux présents et futurs liés à sa démographie.  En bon porte parole du secteur informel et des PME,  Mamoun Bouhdoud a abordé la nécessité de prendre en compte le secteur informel, les PME et PMI dans le processus de consolidation des passerelles commerciales entre les pays arabes et africains, puisque ce sont eux qui contribuent en grande partie le tissu économique des pays africains.

Selon l’ITFC, les deux régions ont un énorme potentiel inexploité. En effet, les pays arabes possèdent des produits manufacturés transformés à fort potentiel d’exportation vers l’Afrique, notamment les polymères, le ciment, les structures en fer et en acier et les bâtiments préfabriqués d’export des pays arabes avers les pays africains. Pour leur part, les pays africains ont un fort potentiel d’exportation au niveau des produits comme la canne à sucre, la farine de blé, le lait, les sardines en conserve…

Organisé par l’ITFC, le programme Arab-Africa Trade Bridges est un programme lancé sur une période de trois (2017-2019) avec pour objectif de promouvoir les relations commerciales arabo-africaines à travers différentes actions ayant pour but de fédérer les acteurs économiques des deux régions.

Danielle Engolo

Top