Ce secteur qui ne déclare pas faillite par dignité

Les transports touristiques

Karim Ben Amar

Tous les secteurs liés au tourisme sont touchés par une crise sans précédent et pour cause, le tourisme est le seul domaine d’activité toujours en végétation depuis près de deux ans. Les frontières étant fermées, une large tranche de ce vaste secteur qui représente plus de 5% des actifs réalise un chiffre d’affaires de zéro dirham. C’est le cas des transports touristiques qui vivent littéralement la bérézina. Cette activité autrefois lucrative est aujourd’hui en faillite, et cela dans tout le pays. Dans la ville de Tanger, cité avant tout portuaire, les transports touristiques chôment depuis la fermeture des frontières. Pour en savoir plus concernant la crise de ce secteur, l’équipe d’Al Bayane est allée à la rencontre du vice-président de l’association régionale des transports touristiques de Tanger (ARTT-Tanger ), Nour-Eddine Bahid. Quelles sont les répercussions de cette crise sanitaire sur le secteur ? Dettes et intérêts courent-ils toujours ? Quelles sont les attentes des acteurs du secteur ? Il nous dit tout.

Tanger est bien triste. Cette ville portuaire dont une partie conséquente de ses habitants vit du secteur du tourisme fait pâle mine. Il faut bien se l’avouer, le tourisme est en faillite, et pas uniquement à Tanger. C’est d’ailleurs l’idée qui revient le plus souvent lors de nos échanges avec les acteurs dudit secteur. Depuis la fermeture des frontières, aucune activité liée au tourisme n’a été épargnée. Les moins chanceux n’ont enregistré aucune activité depuis mars 2020. Pour les sociétés de transports touristiques, c’est une longue traversée du désert. Le pire, c’est que personne ne voit le bout du tunnel. Les patrons ne savent même plus où donner de la tête.

« Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour se rendre compte de la catastrophe que subit le secteur du tourisme au Maroc. Tous les outils pour redynamiser ce domaine qui a tant donné au pays sont absents. Nous n’avons aucune capacité de travail et donc zéro dirham de chiffre d’affaires », a-t-il souligné.

Respectant coûte que coûte les attentes de la politique nationale dans le volet du tourisme, les sociétés de transports touristiques ont fait un gros effort. « L’objectif de notre pays était d’atteindre la barre des 20 millions de touristes. C’est pour cette raison que nous avons fait d’importants investissements pour pouvoir accueillir dans les meilleures conditions ces millions de touristes ayant opté pour la destination Maroc ».

Résultat des courses, certaines sociétés ont des dettes colossales. Sans oublier les pénalités consécutives aux retards de paiement. « Les véhicules dédiés aux transports touristiques sont particulièrement onéreux. Le coût de l’investissement talonne les trois millions de dirhams». Et d’ajouter, « certains de mes confrères sont endettés à hauteur de 200.000, 300.000 et même 500.000 dirhams par mois. Imaginez l’état matériel et moral de ces investisseurs malheureux ».

Quant aux solutions proposées par les banques et les maisons de crédit, Nour-Eddine Bahid déclare que, « nous ne sommes pas soutenus. Bien au contraire, des plaintes sont déposées à l’encontre des patrons de sociétés avant de les saisir », affirme-t-il.

Report des crédits

Pour le vice-président de l’association régionale des transports touristiques, la seule solution pour que le secteur ne coule pas est le report des crédits. « Les banques doivent impérativement faire un effort en reportant les échéances des crédits. De plus, l’Etat a fait des promesses. Le report des crédits au mois de décembre 2022 est une solution salutaire, mais il n’y a encore rien d’officiel. Le paiement des impôts et des taxes a aussi été reporté à décembre 2022 », a-t-il assuré.

Cette solution est profitable à tous. A cet effet, Nour-Eddine Bahid a certifié que « le capital des agences est menacé. Nous sommes tous menacés de saisie, de faillite. Ces deux années critiques ont été néfastes pour le secteur. Mais si les banques ne font pas plus d’efforts, c’est la mort du boulot ». Et de poursuivre, « c’est pour cette raison que l’Etat doit prendre ses responsabilités et faire un réel effort en trouvant un juste compromis avec les banques ».

Un agrément pour le transport touristique a une durée de vie comprise entre 10 et 12 ans. A ce sujet, le vice-président de l’association régionale des transports touristiques atteste que « nous devons d’abord amortir le coût avant de passer aux bénéfices. A l’heure actuelle, nous enregistrons deux ans de perte, et nous ne sommes pas au bout de nos peines. La Fédération nationale a d’ailleurs demandé à ce qu’on annule les années d’inactivité pour pouvoir espérer l’amortissement des agréments. Concernant cette doléance, le ministre du Transport et de la Logistique montre de la bonne volonté mais nous n’avons toujours rien d’officiel», informe-t-il.

Quant au tourisme national, ainsi que les nombreuses excursions programmées dans le nord du Royaume, Nour-Eddine Bahid assure que cette manne ne profite aucunement aux transports touristiques. « En plus de tous nos maux, nous sommes frappés par une concurrence déloyale. Les transports du personnel nous engloutissent la petite part qui nous revient encore de droit. Ces transports n’ont pas vocation à s’improviser tels  des transports touristiques. De plus, ils pratiquent des prix vraiment déloyaux. Sans oublier que le transport du personnel peut prendre jusqu’à deux fois plus de passagers qu’un transport touristique. C’est nous qui devrions nous charger des excursions des touristes nationaux, mais en plus de la fermeture des frontières. Et comme si cela ne suffisait pas, nous sommes frappés par la concurrence déloyale, sans que nous ne soyons pour autant protégés », a-t-il blâmé.

Il est vraiment grand temps que le gouvernement prenne ses responsabilités pour accompagner ce secteur meurtri. Tous les actifs relatifs à ce domaine sont unanimes. Il n’y a pas mille solutions, mais bel et bien une, « la réouverture du port, seul véritable levier du tourisme de la perle du Détroit et l’unique élément pouvant changer la donne ».

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