«Chaos dans le jardin du diable» : retour sur les espaces contradictoires du Sahara marocain

Cinq questions à l’écrivain jordanien Mustafa Alqorna

Propos recueillis par Jaouad Karbi MAP

L’écrivain et romancier jordanien Mustafa Alqorna a publié un nouvel ouvrage intitulé « Chaos dans le jardin du diable » qui traite, sous forme de fiction, des souffrances endurées par les détenus des camps de Tindouf. Dans cet entretien à la MAP, l’écrivain jette la lumière sur certains aspects de ce roman, ses motivations, ainsi que les messages qu’il véhicule.

En tant qu’écrivain, poète, romancier et ancien président de l’Union des écrivains jordaniens, comment êtes-vous inspiré par l’idée de publier le roman « Chaos dans le jardin de Satan », qui révèle une partie de la réalité vécue dans les camps de Tindouf, sur le territoire algérien ?

Bien que je vis dans le « Machrek » arabe, en Jordanie, et malgré la distance entre l’Orient et le Maghreb, j’ai toujours été intéressé par les questions maghrébines, notamment la question du Sahara marocain et sa dimension humaine.
Cette question qui n’a que trop duré et qui est considérée comme l’un des plus anciens conflits régionaux inventés de toutes pièces, n’a pas reçu l’intérêt qu’elle mérite en révélant la réalité inhumaine et tragique des détenus sahraouis dans les camps de Tindouf, en Algérie.

L’accent est surtout mis sur les aspects politiques. Mais malgré leur importance, la réalité de l’esclavage, de la détention et de la privation dans ces camps a attiré davantage mon attention et m’a affecté, ce qui m’a poussé à contribuer, de mon côté, à exposer cette réalité inhumaine en publiant mon roman « Chaos dans le jardin du diable ».
Il faut rappeler que l’ONU, à travers les résolutions du Conseil de sécurité, a demandé plusieurs fois à l’Algérie de déterminer le statut juridique des détenus sahraouis, de les recenser, de permettre aux organisations de défense des droits de l’Homme d’accéder aux camps et de révéler comment est gérée l’aide humanitaire internationale reçue par les dirigeants du « Polisario » au nom des détenus.

Mon roman présente des espaces contradictoires, d’un côté celui du Sahara marocain où l’immensité du désert, la beauté, la stabilité, la vie décente et l’avenir prometteur et où l’oncle Salem vivait en paix. Et de l’autre, l’espace des camps de Tindouf, où la détention, la privation, l’esclavage, la déportation forcée des enfants et l’exploitation sexuelle des femmes et où Oum Houda et Ahmed Oueld Hassan menaient une vie misérable.
Un autre espace est celui du retour à la patrie clémente et miséricordieuse pour embrasser la liberté, revoir la mère et la famille et entamer la mobilisation via les réseaux sociaux pour libérer les autres membres de la famille restés dans les camps.

Quels sont les destinataires de cette œuvre littéraire ?

Ce roman s’adresse au lecteur arabe, en particulier dans les pays du Moyen-Orient et du Golfe, car les intellectuels, écrivains, romanciers, professionnels des médias et universitaires avec lesquels j’ai eu des entretiens directs à maintes reprises, croient fermement en la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud et rejettent davantage de division et de fragmentation.

Ainsi, j’ai choisi de donner mon avis sur ce sujet en me concentrant sur des images narratives avec des dimensions esthétique ou dramatiques, et en racontent des histoires vraies qui exposent la réalité des enfants violés et déportés de force vers les pays d’Amérique latine à travers des bases militaires sur le sol algérien.
Vous ne pouvez pas imaginer la situation de cette mère à qui les chefs des milices du « polisario » ont arraché son enfant pour l’emmener vers l’inconnu, lui faisant croire qu’un avenir meilleur l’attend. Mais dans la réalité, ils sont endoctrinés en recevant une formation militaire et une idéologie hostile au Maroc et à son intégrité territoriale.

Quels sont les thèmes abordés par le roman ?

Comme je l’ai précisé auparavant, la dimension humaine tragique dans les camps de Tindouf, en Algérie, est au cœur de mon roman et de ses thèmes les plus marquants. J’ai essayé de la représenter sous différents aspects tels que la déportation forcée des enfants, l’exploitation sexuelle des femmes, comme c’est le cas pour Oum Houda, la confiscation de la liberté de mouvement même à l’intérieur des camps, ainsi que l’esclavage et la privation.
Cette réalité contraste avec la vie de luxe menée par le personnage de « S.H. » et les autres dirigeants du « polisario », à travers le pillage des aides humanitaires internationales et l’instrumentalisation de la carte des détenus pour mendier à l’échelle internationale.

Quel est le ou les messages que vous entendez faire passer à travers ce roman ?

A travers mon roman « Chaos dans le jardin du diable », je m’adresse d’abord à la conscience de chacun, afin de dénoncer la réalité de la détention, de l’oppression et de l’esclavage des détenus sahraouis.
Je cherche également à attirer l’attention des pays donateurs à examiner comment les aides humanitaires sont gérées et exploitées à l’intérieur des camps de détention par les dirigeants du « polisario », dans un contexte de black-out médiatique total sur la réalité de ce qui se passe dans ces camps qui manquent des nécessités les plus élémentaires pour une vie décente au 21ème siècle.

Face à cette réalité honteuse, j’ai aussi voulu inciter les organisations de défense des droits de l’Homme en général à prêter plus d’attention à la situation inhumaine des détenus sahraouis, à déployer leurs efforts pour dévoiler la réalité de l’esclavage, l’oppression et les privations dont souffrent les détenus des camps de Tindouf depuis des années.

À travers ce roman, j’exhorte également les organisations internationales spécialisées, y compris les rapporteurs spéciaux, à faire pression sur l’Algérie afin qu’elles puissent atteindre et écouter les manifestants sahraouis, mettre fin à leurs souffrances de longue date et leur permettre de vivre décemment comme leurs frères dans les provinces du Sud du Royaume du Maroc.

Mon troisième message est de tenir l’Algérie, pays arabe, responsable de ce conflit régional artificiel créé dans le contexte de la guerre froide. Il y a, en effet, des preuves claires qui révèlent l’implication de nos frères en Algérie, en particulier les généraux, dans cette situation humanitaire. On se demande aujourd’hui à qui elle profite ?

Puisque le roman traite de la situation inhumaine dans les camps de Tindouf, ne voyez-vous pas qu’il vise aussi nécessairement le lecteur non arabe ?

Il est vrai que cette situation inhumaine suscite l’intérêt de l’humanité en général. J’ai décidé ainsi de transmettre et de diffuser les messages critiques susmentionnés au profit des lecteurs américains à travers la traduction en langue anglaise qui sera publiée prochainement à New York.

Par ailleurs, les lecteurs en Espagne, en France et en Chine, par exemple, sont également intéressés par la situation inhumaine vécue par les détenus dans les camps de Tindouf, abrités par le voisin algérien.

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