«Donner une vision un peu plus globale du phénomène du Fado»

Entretien avec Rodrigo Costa Félix, producteur du Festival Fado au Maroc

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

La ville de Rabat a vibré au rythme de la 7ème édition du festival Fado Maroc qui s’est tenue les 25 et 26 septembre 2024. Placé sous le thème «le Fado et la liberté», ce Festival itinérant a fêté sa 7ème année consécutive en offrant aux publics une programmation riche partagée entre conférence, projection et concerts. Festival itinérant, Fado Festival a fait le tour du monde pour livrer ses lettres de noblesse en célébrant sa 14ème édition mondiale dans les 18 grandes villes d’Europe, d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie. Rencontre avec Rodrigo Costa Félix,  chanteur de Fado et  producteur du Festival Fado au Maroc.

Al Bayane : Fado Festival a célébré sa 7ème édition marocaine et 14ème édition mondiale. Un festival itinérant sillonnant 18 grandes villes d’Europe, d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie. Pourquoi un tel format ?

Rodrigo Costa Félix : Quand on a commencé, la première ville c’était Madrid et on savait déjà que le Fado était dans un agrandissement de popularité et de spectacles un peu partout dans le monde, mais on sentait qu’il n’y avait pas encore beaucoup de connaissance du Fado. Les gens connaissaient certains artistes, mais l’origine, l’histoire et les caractéristiques et les particularités du Fado restent méconnaissables. C’est pour cette raison qu’on a décidé de faire ce festival à Madrid puis dans d’autres villes des autres pays. Mais l’idée, c’était de donner une vision un peu plus globale du phénomène du Fado. C’est pour ça d’ailleurs qu’on organise des concerts, des conférences et des projections de films, des expositions pour donner un peu plus de perspective générale du Fado pas seulement à travers la musique, mais aussi  par le biais d’une ambiance et d’une communauté qui est autour du fado.

Comme chaque année le festival offre au public une programmation riche marquée par une diversité au niveau des voix mettant en valeur ce mélange entre le Fado traditionnel et moderne. Parlez- nous de vos choix artistiques ?

En fait, cela dépend du thème du festival parce que chaque année on a un thème. Mais, c’est ce qu’on essaie de faire, c’est d’avoir la perspective la plus traditionnelle du fado. Le fado traditionnel, c’est toute une attitude, une esthétique et une musique très spécifique du Fado. On essaie de donner cette perspective plus traditionnelle aux gens qui viennent à nos concerts. On a également des chanteurs et chanteuses qui ont une attitude un peu pop. Mais on leur demande toujours d’essayer de faire cette la liste la plus traditionnelle.

Le Fado est un moment de partage, de transmission et de confidence. Un fadista, c’est aussi celui qui écoute. Que pensez-vous du public marocain ?

Très chaleureux, très vibrant et il aime la musique. C’est ce qu’a dit Beatriz Felicio lors de son concert. Ici, les gens t’embrassent comme artiste, ils te protègent. Je trouve ça très émouvant. Il y a une connexion entre nos deux peuples et une relation pas seulement historique, mais une relation culturelle, linguistique. On a un partage d’histoire très fort. Quand on vient ici pour chanter le fado, on sent ça avec le public. C’est réciproque !

Le Fado est une expression poétique et musicale profonde, un verbe fort dit de l’intérieur de l’âme. Pensez vous que la sensibilité du texte est plus importante que la vitrosité vocale ?

Oui. Pour moi, je crois que les questions vocale ou technique ne sont pas les plus importantes. Or, les chanteurs et les musiciens véhiculent des émotions. Si on arrive à transmettre des émotions, on n’a pas besoin d’une grande voix. Si on a les deux ça sera impactant. Par ailleurs, les gens même s’ils ne comprennent pas les paroles ce n’est pas important, car ce qui est essentiel, c’est cette capacité de passer ses émotions. La parole est très importante dans le fado parce qu’on a des poésies incroyables dans ce genre musical. En revanche, l’attitude, la posture, la relation avec les musiciens sont plus importants que la qualité vocale.

À vrai dire, le Fado exprime cette profondeur de l’existence humaine, la nostalgie, la saudade… peut-on trouver dire que cet art est un acte libératoire, une espèce de purification de l’âme?

Je pense que le fado fonctionne comme une catharsis. On chante nos douleurs, on chante la nostalgie, on chante la saudade, mais après on se sent mieux. On se libère de tous ces sentiments qui sont un peu négatifs. Pour moi, le fado n’est pas nécessairement triste ni négatif, mais il chante des émotions de tristesse, de l’amour perdu, mais quand on chante on se libère. Quand on partage ses émotions, on se sent mieux. C’est la même chose pour ceux qu’ils écoutent.

La musique est mélange d’influences, de sonorités et de cultures. Une chose est sûre : les musiques voyagent et tissent des ponts entre les peuples.  Comment le Fado exprime-t-il ce langage musical universel ?

Le Fado est le résultat d’un mélange d’influences spécialement méditerranéennes, mais aussi africaines et brésiliennes. La musique est le langage du fado. Le langage de la musique est universel. J’ai beaucoup d’expérience dans ma vie des gens qui ne comprenaient pas une seule parole de ce que je chantais, mais ils sentaient l’émotion. La réaction était émouvante à cause de ce langage universel et ce partage des émotions.

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