Du pain ? … Donnez-leur des croissants.

Voilà une mesure qui s’imposait et que l’ensemble de la population attendait avec impatience : la dotation touristique a été relevée à 100 000 dirhams par personne et par an ! Plus que le revenu annuel moyen des ménages dans notre beau pays.

Inattendue mesure !Alors que le voyage vers l’étranger est une probabilité très faible suite à la fermeture des frontières d’une part, à l’impossibilité ou presque d’avoir un visa pour l’espace Schengen, aux conditions sanitaires qui s’imposent à travers le monde, et surtout, au pouvoir d’achat qui se dégrade.

Pour user d’un langage policé, la décélération de l’amélioration du niveau de vie est remarquable au quotidien. Pour ceux qui ont un revenu assuré, la vulnérabilité monétaire s’accroit et les inégalités se creusent à vue d’œil. La sécheresse menace l’année agricole et le monde rural est dans l’attente de la miséricorde du ciel.

Le ressenti de la pesanteur, auquel s’ajoute le froid saisonnier, est lourd. L’augmentation de l’allocation touristique, qui a plus que doublée, apporte une légèreté dans l’appréciation globale et provoque le sourire. Encore faut-il avoir les moyens d’en profiter !  

C’est vrai que la contribution des Marocains du Monde à l’économie nationale s’est avérée consistante et durable. Les transferts de nos compatriotes vers la patrie se sont accrus ; au moment où le tourisme s’engouffre dans les affres de la fermeture.

Le dirham, grâce à la vigilance du respecté « Zaatar&Bakour » reste dans les normes, il faut le reconnaître. Le Royaume ne connait ni les queues pour se pourvoir en bombonnes de gaz butane ; la patate sous toutes ses formes de tubercules (de la désirée au topinambour) est disponible ; même si sa culture est fortement concurrencée par la tomate, le poivron, haricot vert … les fèves, le pois-chiche,les lentilles et les petits pois se retrouvent partout sur les étalages, l’huile d’olive, les viandes quelle que soit leur couleur, le poisson… et les fruits …

Avec toute la mansuétude et la compassion pour le voisinage, on peut affirmer que rien ne manque dans le Royaume du Maroc ; et la population en est consciente et en est fière. Sauf que …

Sauf que, pêle-mêle, la disparité entre les régions qui s’accentue ; le chômage et le non emploi qui sont en hausse ; pour ceux qui ont une activité, la différence des revenus qui est gigantesque selon le sexe, le secteur d’activité, la hiérarchie ; les femmes et les jeunes qui sont maintenues dans les marges défavorisées ; l’augmentation des prix ( à la production et à la consommation)  qui est en continuelle hausse ; la confiance des ménages quis’enfonce vers le bas ; l’impact de la covid-19 et de ses variants sur la santé (physique et morale) des personnes qui  est lourd ; les médinas qui tombent en ruine  et le patrimoine matériel qui est dans un piteux état, alors que le patrimoine immatériel reste encore au niveau du folklore ; l’accès aux services de santé qui n’est pas garanti ; la morosité dans les affaires et des affaires en justice qui perdurent ; l’enseignement qui n’en est plus un en devenant une marchandise ; l’environnement qui est aux prise avec ses prédateurs pour le sable, les essences forestières, l’urbanisation du trait de côte, la déforestation des bassins versants l’érosion du sol et l’envasement des barrages qui s’en suivent ;le stress hydrique ; la perte de la biodiversité et l’invasion du crabe bleu ; la concurrence qui ne se fait pas, qu’il s’agisse d’un concours pour le recrutement ou du prixdes hydrocarbures ; les conseils consultatifs à géométrie variable  et la loi qui n’est pas respectée …etc.

Ils en discutèrent de tout cela au café du Commerce où ils avaient l’habitude de s’attabler pour refaire le monde. L’un d’entre eux ne cessait pas de réciter la fable de Jean de La Fontaine « La laitière et le pot au lait » ; qu’il avait appris à l’école primaire, du temps où le savoir se transmettait, dès le jeune âge, en présentiel. Il avait remplacé le nom de Pierrette par Colombe comme s’il voulait insinuer une comparaison avec l’instant vécu.

Notre ami se retira de sa réunion, suite à un appel téléphonique. C’était sa conjointe qui lui rappelait qu’il faisait déjà tard et qu’il devait amener du pain pour le dîner. Il se dirigea vers la boulangerie proche de sa résidence. A sa rentrée dans le commerce, une voix de l’intérieur l’informa « Il n’y a plus de pain … Voulez-vous des croissants. ». Heureux qu’il n’en prît pas ; car sa dame, veillant au grain dans la tenue de sa maison, n’aurait pas été sensible à la plaisanterie. Pour faire diversion, il lui parla de la bonne nouvelle. La dotation touristique a été relevée et peut aller jusqu’à 300 000 dirhams au maximum. Madame, bien sur ses pieds et les mains sur les hanches, rétorqua « Et le pain… ? »

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