Éloge de la discrétion…

Sur le vif

Mohamed Nait Youssef

«Il faut que le noir s’accentue pour que la première étoile apparaisse.», écrivait Christian Bobin dans «L’homme-joie».Loin des yeux, surtout des projecteurs, l’étoile du gardien des mots et amoureux de la nature, Christian Bobin, s’est éteinte, le 23 novembre, en Saône-et-Loire, dans la discrétion la plus totale et absolue. Il avait 71 ans. Emportée par la maladie, cette plume lumineuse et singulière a voué sa vie à l’écriture, à la poésie, à la philosophie. On lui doit en effet une œuvre immense, poétique, profonde, apaisante, mystique et surtout délicieuse.

Auteur d’une soixantaine d’ouvrages, entre autres, «La part manquante», «Le Très-Bas» (Prix des Deux Magots en 1993 et Grand Prix catholique de littérature), «L’autre visage», «L’Éloignement du monde», «Une petite robe de fête», «L’Homme qui marche, Le temps qu’il fait», «Éclat du Solitaire», Bobin mettait un grain de beauté poétique dans ses écrits, dont le style est renouvelé, limpide fluide.

En effet, dans un monde actuel, surtout en ces temps froids, seuls les mots peuvent aider les gens à continuer de vivre, à supporter le poids lourd du vécu et à poétiser l’existence humaine. Telle son écriture, l’homme qui marchait dans la lumière menait sa vie ainsi : discrète et pleine de clarté. Philosophe des temps modernes, Christian Bobin a consacré ses écrits à la condition humaine.

Ipso facto, elle est l’une des tâches majeures de l’écriture à la fois romanesque, poétique ou encore philosophique ; mettre les mots sur les maux, aller plus loin dans les zones du non-dit, les zones d’ombre où la bêtise persiste et insiste. À vrai dire, au-delà du langage, on y voit dans les écrits de Bobin, en filigrane, le tragique de l’existence, l’absurdité du monde, les déchirures de l’âme humaine. En contrepartie, l’écrivain poète a donné à des milliers de lecteurs à travers le monde le goût de la lecture, l’amour des livres et le droit de vivre poétiquement.

Auteur des petites choses modestes, il a choisi le retrait pour vivre au milieu de la nature. Les mots étaient sa demeure. Il habitait son langage. Et son écriture l’habitait. Christian Bobin était l’exemple du penseur éclairé, discret ayant recouru au silence, à l’ombre  pour faire parler les mots, les lettres et les réflexions ensommeillant les tréfonds de l’âme humaine. Une plume à savourer, à découvrir et à redécouvrir…

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