«EZ’MAN»: l’être, le temps, le néant…

Une nouvelle pièce de théâtre mise en scène  par Asmaa Houri

Mohamed Nait Youssef

«Quiconque a eu, comme toi, l’âme tout entière meurtrie ne peut plus trouver le repos dans les joies particulières; quiconque a senti comme toi la fadeur du Néant ne peut se rasséréner qu’aux plus hauts degrés de l’esprit, quiconque a fait comme toi l’expérience de la mort ne peut guérir qu’entre les dieux.», Hypérion, Friedrich Hölderlin.

Le silence est un langage. Le geste est une parole. Le mouvement est une extériorisation, une expression rebelle, expressive et révélatrice. «EZ’MAN» est une nouvelle pièce de théâtre mise en scène par Asmaa Houri, dont la représentation a eu lieu lundi dernier à l’enceinte du théâtre Mohammed V, à Rabat. La pièce silencieuse ou presque, braque les lumières sur la ville d’un couple menant une vie ordinaire, voire monotone dans un espace clos, fermé.

Deux personnes : une femme et un homme qui ne communiquent qu’avec leurs corps et gestes meublant le vide sidéral d’un lieu confiné. Une synographie minimaliste signée par Rachid Bromi. L’ambiance est mouvementée, rythmée… où les lumières de Rida Abdallaoui riment avec les compositions musicales de Rachid Bromi. Rien n’est laissé au hasard d’ailleurs.

Le rythme, les rythmes de la pièce sont tantôt accélérés, ralentis selon les situations et les états d’âmes des comédiens : Salima Moumni et Wajdi Guagui qui ont incarnés avec maestria leurs rôles à la fois complexes et compliqués. En outre, ils ont amené la pièce jusqu’au bout, avec ses hauts, ses bas et ses situations différentes. Dans cette abstraction, on trouve cet être face non seulement à l’ennui, à la monotonie, mais aussi et surtout à ce temps qui pèse lourd sur les épaules des personnages. En effet, le temps est une notion très présente dans la pièce.

Ce temps qu’on n’arrive pas à saisir révèle cette vacuité existentielle du couple, dans cette quête interminable d’un sens à leur vie et surtout à leur présence dans le monde. La scène de l’horloge est significative. À vrai dire, sa forme circulaire nous renvoie immédiatement vers ce « Circulus vitiosus deus » nietzschéen.

Que serait la vie sans le temps, la musique et les lumières? Dans la pièce, c’est par le biais de la musique, de la lumière, de l’expression gestuelle et corporelle qu’on arrive à comprendre la vie de ce couple. Leur silence en dit long. Le corps et ses énigmes se dévoilent sous forme de signes, de mouvements. Et puis, la parole devient un geste presque infini.

Sur les planches, les personnages, infatigables, cheminent vers le sens. Leur recherche est inachevée, voire interminable. Et ça continue…  Une pièce à voir !

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