Formation digitale, parent pauvre de l’université marocaine

Même si le moment n’est pas encore arrivé pour se livrer à l’exercice de l’évaluation de l’apprentissage à distance dans l’enseignement supérieur, imposé  par le confinement sanitaire, quelques éléments de réponses  recueillis auprès de certains professeurs contactés par Al Bayane, attestent que l’université marocaine accuse un retard flagrant en la matière et a devant elle un long chemin à parcourir.

En fait, tout le monde est  unanime que l’université marocaine sombre dans une crise chronique qui semble interminable. D’ailleurs, aucun établissement d’enseignement supérieur au Maroc ne figure dans le top 500 des meilleures universités du monde, établi par l’université Jiaotong de Shanghai. Et pour cause, les facteurs de performances sont presque inexistants. En fait, un simple diagnostic nous renseigne de l’état piteux dans lequel baignent les structures universitaires, à commencer par les bibliothèques et le manque flagrant de la documentation, la pénurie du matériel de recherche et  un management archaïque sans planification ni coordination, entre autres.

Il y a quelques années, Mohamed Cherkaoui, éminent sociologue, a jeté un pavé dans la mare en réalisant une étude qui a démontré que 47, 5% des professeurs en sciences sociales, toutes matières confondues,  n’ont publié aucun article durant les 17 dernières années. Ce constat amer de la réalité, même s’il nous donne le tournis, laisse présager qu’on est loin des objectifs de la  réforme.

Revoir la copie du Bachelor

En fait, avant de parler de technologie digitale et apprentissage à distance, il faut revoir de fond en comble  tout le système d’enseignement supérieur, déclare un professeur de sociologie sous couvert de l’anonymat.  Pour lui, il serait aberrant de parler de l’apprentissage à distance  comme si la formation actuelle fonctionnait à merveille, «d’autant plus que pour la majorité, si ce n’est pas toutes les  structures de l’enseignement supérieur, sont en mal d’une véritable stratégie portant sur l’enseignement à distance», a-t-il souligné et ce  avant de mettre l’accent sur les déclarations et entretiens accordés aux médias  par certains doyens et présidents d’universités qui  se placent tout bonnement  dans l’effet d’annonce.

Certes le département de tutelle a mobilisé moyens incommensurables  pour parer aux effets de la crise en investissant  dans  plateformes numériques dans le dessein de sauver l’année scolaire,  tels «Camtasia studio 9», «Moodle». Cependant,  le véritable hic, c’est que la majorité du corps professoral  éprouve de grandes difficultés quant à la maîtrise de la didactique du numérique. Beaucoup d’entre eux ne savent pas réaliser  le montage d’une vidéo ou encore  la non-maîtrise des bases de la construction du contenu…  En termes plus clairs, la formation des professeurs aux techniques numériques laisse amplement à désirer. A cela s’ajoute, en outre, l’inégalité en termes de ressources numériques en ce qui concerne les étudiants, ce qui ne fait qu’aggraver les inégalités scolaires.

Plus grave encore, certains enseignants  habitués à l’improvisation ne disposaient point de supports de cours pour les mettre à la  disposition des étudiants, ajoute nos sources. D’autres ont recouru à des cours anciens en se contentant de les scanner pour les diffuser sur les plateformes sans prendre le soin de les actualiser. Autres professeurs, par paresse, accoutumés  à dicter le cours aux étudiants,  ont été incapables de se poser devant la caméra pour enregistrer les leçons.

Il faut dire que  plusieurs zones d’incertitudes planent sur la gestion de l’action éducative au sein de l’espace universitaire,  notamment,  le manque de convergence et de coordination entre le corps professoral concernant les matières enseignées en dépit du cahier descriptif validé par le ministère. Ce qui sème la pagaille dans l’opération d’apprentissage. Comme quoi, la rétention d’information fait que chacun y va de sa propre vision des choses.

Un tel constat interpelle à plus d’un titre le département de tutelle quant à la réforme de l’enseignement supérieur. Une réforme devant  se pencher  en fond en comble sur l’ensemble des variables qui composent   le système d’action concret et non pas se contenter d’une  vision purement  managériale paramétrique, d’où la nécessité de revoir la copie du Bachelor.

Khalid Darfaf

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