Joe Biden et la reconnaissance du «génocide arménien»

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Longtemps tu, longtemps attendu et longtemps espéré, le massacre, en 1915, de près d’un million et demi d’arméniens par la soldatesque de l’Empire Ottoman – un génocide reconnu par plus de 20 pays et par de nombreux historiens mais fermement contesté par la Turquie – a, enfin, fait l’objet, ce samedi, d’une « reconnaissance » par les Etats-Unis alors même que malgré les pressions exercées par la communauté arménienne installée aux USA, aucun président américain n’avait, par le passé, pris le risque de fâcher Ankara.

Issue du démantèlement de l’Empire précité, la Turquie récuse le terme de « génocide » et se limite à reconnaître un « massacre » perpétré lors de la guerre civile qu’avait connue l’Anatolie et qui s’était soldé par la mort de 300.000 à 500.000 arméniens et d’autant de turcs.

La veille, le président américain, dans un souci manifeste, de bâtir « une relation bilatérale constructive » et de gérer de manière « efficace les désaccords » entre Washington et Ankara, en avait informé, par téléphone, son homologue turc et les deux hommes avaient convenu de se rencontrer, en Juin, à Bruxelles, dans le cadre du prochain sommet de l’OTAN.

C’est ce qui ressort d’un communiqué dans lequel l’actuel président américain, le démocrate Joe Biden, qui avait promis, durant sa campagne électorale, de prendre l’initiative sur ce dossier, a déclaré que « les américains honorent tous les arméniens ayant péri dans le génocide qui a commencé, il y a 106 ans aujourd’hui ».

Il poursuivra en précisant que, par cette annonce, la Maison Blanche ne fait qu’affirmer l’Histoire sans chercher à « accabler quiconque » et dans le seul but de s’« assurer que ce qui s’est passé ne se répètera jamais ».

Or, en dépit de la position prise par la nouvelle administration américaine, « la Turquie ne va jamais reconnaître ce génocide » a confié, à l’AFP Aram Bowen, un arménien de 33 ans, durant le rassemblement, à New York, de plusieurs centaines de membres de la communauté arménienne installée aux Etats-Unis. Il est loin d’avoir tort mais les voies de la politique étant, parfois, tout aussi impénétrables que celles du Seigneur, on ne sait jamais…

Pour  ce qui est des faits, il y a lieu de rappeler qu’en estimant qu’un million et demi de leurs compatriotes furent tués, de manière systématique, pendant la Première guerre mondiale par les troupes de l’Empire Ottoman, alors alliées à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie, les arméniens commémorent ce génocide le 24 Avril de chaque année.

Pourtant, dès jeudi et sans citer expressément les Etats-Unis, le président Recep Tayyip Erdogan avait adressé une mise en garde à peine voilée à Washington, quand,  pendant une séance de travail tenue avec ses conseillers, il avait fait part de son intention de continuer à « défendre la vérité contre ceux qui soutiennent le mensonge du soi-disant ‘génocide arménien’ à des fins politiques »

Pour rappel, bien qu’en Décembre 2019, le Congrès américain avait reconnu le génocide arménien à l’issue d’un vote symbolique, Donald Trump, qui entretenait, avec le président turc, des relations assez ambigües, avait évité d’employer le terme « génocide » et s’était contenté d’évoquer « une des pires atrocités du XXème siècle ».

En considérant, enfin, qu’en entrant dans le cadre de la défense des droits humains que le nouveau président américain entend mettre au cœur de sa politique étrangère, l’annonce faite par Joe Biden à propos du « génocide » arménien n’a aucune portée légale et ne peut, tout au plus, qu’aggraver les tensions avec ce « partenaire stratégique » qu’est la Turquie, qu’en sera-t-il, désormais, des relations entre Washington et Ankara ? Attendons, pour voir…

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