La clarté expressive et la transparence sémantique

Communication royale

Belkassem Amenzou*

Le style communicationnel de SM le Roi Mohammed VI est parfaitement adapté à son statut historique, dépositaire d’une légitimité historique et constitutionnelle. «Le propre du sage est d’ordonner», écrivait Aristote au début de sa métaphysique. En effet, dès sa montée sur le Trône en juillet 1999, SM le Roi a opté pour le renforcement du processus de modernisation et la consolidation de l’édifice démocratique. Pour ce faire, le souverain a choisi la tribune de l’Hémicycle pour lancer le chantier à l’occasion de l’ouverture, le vendredi 8 octobre1999, de la session d’automne de la troisième année législative de la sixième législature. A ce propos, les questions fondamentales de ce chantier ont été identifiées. Il ‘agit de la question de l’enseignement et de la problématique de l’emploi.

La parole politique en action

Appelant les parlementaires à «rationaliser les débats et rehausser leur niveau» afin d’élever le niveau de la pratique parlementaire, le souverain a tracé la feuille de route qui se base sur une rhétorique de l’Agir et non seulement et ordinairement  sur celle  du dire-faire. C’est dans ce sillage que SM le Roi a reconfiguré le «concept d’autorité» pour le mettre sur les rails de la «proximité», le renforçant par l’initiative nationale du développement humain (INDH), la consolidation des «institutions impartiales», la «réconciliation», l’instauration d’une nouvelle forme de gouvernance, l’ancrage de la culture démocratique et du pluralisme politique.

C’est ainsi que la voie a été balisée à une nouvelle constitution en juillet 2011 pour mieux poursuivre le chantier du développement social et économique, dans un contexte bâti sur les valeurs démocratiques et le respect des libertés et des droits humains. Au-dessus de la mêlée politique et partisane, la communication royale se distingue des autres genres de la communication, notamment le marketing politique, la communication politique et la propagande.

En fait, les actions politiques royales constituent « une parole politique» en pratique, en action. Ces actions politiques parlent actionnellement politique. Les voyages à dessein politique effectués intensivement dans le pays et ailleurs ont le plus souvent pour but de montrer et non seulement de dire et décrire des décisions politiques d’envergure.  «L’influence de l’image en action de l’action politique royale est d’autant plus rapide et efficace  qu’elle se passerait  de tout commentaire descriptif et/ou explicatif qui, quelles que soient sa nature et sa portée, ne pourrait en l’espèce que ressasser, sinon résumer à outrance, ce qui est bellement et suffisamment «dit» par  l’acte diffusé immédiatement dans les médias», souligne le professeur de l’enseignement supérieur à l’Université Hassan II, Casablanca, Rachid Arraichi, analyste de discours.

Il faut dire que les concepts forgés par SM le Roi dans ses discours sont déclinés sur le terrain par des actions royales donnant lieu à des actes, qui améliorent les conditions de vie des citoyennes et des citoyens, en créant des postes d’emplois, en lançant des chantiers structurés et structurants, en renforçant les infrastructures nécessaires, en promouvant le développement économique et social du pays. Cette approche, ciblant le «bien commun» du Maroc, conduit ainsi, à longueur de l’année, SM le Roi dans différentes contrées du royaume pour rencontrer les citoyennes et les citoyens en s’adressant à eux dans leur «parler local», en interrogeant leur répertoire de références et d’interprétation, pour que le message soit bien reçu et saisi, comme l’explique la théorie du célèbre linguiste russe, Roman Jackobson (1896-1982).

Une visée illocutionnaire

Le feedback du message royal, selon la même théorie, se lit dans les ambiances de fête et des liesses populaires que réservent spontanément et massivement les populations au souverain partout dans le royaume. En vingt-deux ans, le souverain aura parcouru tout le territoire de son pays et visité toutes les contrées du royaume. Cette communication par l’action se trouve confortée par le choix du lieu d’énonciation des discours.

La pertinence du choix et la charge symbolique du lieu cadrent le message royal et lui donne toute sa portée. Dans ce sillage, par exemple, le discours prononcé par SM le Roi Mohammed VI, le 17 octobre 2001 à Ajdir dans la province de Khénifra a marqué la fin d’une conception monolithique de la culture marocaine. De même, le discours prononcé à partir de la ville de Laâyoune, à l’occasion du quarantième anniversaire de la Marche verte en 2015, a jeté les bases de développement des provinces du sud, selon un modèle de développement adapté à la région dans le cadre de la politique de régionalisation avancée. Une année plus tard, SM le Roi a choisi la capitale sénégalaise, Dakar, pour prononcer son discours à la même occasion (41ème anniversaire de la marche verte) pour souligner et réaffirmer l’africanité du Maroc et la dimension africaine du royaume.

De même encore, le discours prononcé à l’occasion de la fête du Trône, le 29 juillet 2018, à partir de la ville d’AL Hoceima, a tracé une feuille de route pour le décollage du pays dans plusieurs secteurs, tout en soulignant les questions prioritaires dans les domaines économique et social. Les jalons d’un nouveau modèle de développement ont été en effet lancés. Dans ses discours, le souverain opte pour une clarté expressive qui imprime au texte sa transparence sémantique. Cette simplicité et cette concision de l’expression garantissent à la communication politique discursive sa visée illocutionnaire. Dans ce registre communicationnel, l’image est aussi un message.

Bien plus, sous la pression du contexte, la photo véhicule tout un discours. C’est le cas de la campagne de vaccination contre la Covid-19, qui a été lancée par SM le Roi Mohammed VI en personne. En effet, le souverain en a donné le top départ en se faisant lui-même vacciner sous les flashs des photographes. Les images étaient alors plus efficaces que les mots pour faire passer le message. Sur le plan textuel, en parcourant 193 discours prononcés par SM le Roi Mohammed VI entre le 30 juillet 1999 (premier discours du Trône) et le 07 novembre 2020 (discours à l’occasion du 45-ème anniversaire de la Marche verte), l’analyse textuelle montre que les champs lexicaux employés renvoient directement et clairement au développement durable, véhiculant une vision anticipative et clairvoyante.

Dans ce cadre, les champs lexicaux les plus évoqués portent sur les jeunes, l’éducation, le développement, la région, l’économie, la démocratie et l’intégrité territoriale. Ces concepts sont accompagnés par d’autres véhiculant des principes et des valeurs de patriotisme, de citoyenneté, de transparence, de souveraineté, de liberté, de respect, d’engagement, d’audace, de solidarité, de stabilité, de volonté, de réforme, d’unité et de responsabilité. Et dans ce cadre, force est de constater que les termes de «responsabilité» et d’«engagement» tiennent le haut du pavé. Ce qui deviendra à partir de juillet de l’année 2011, un principe constitutionnel de corrélation entre responsabilité et reddition des comptes.

C’est cette approche communicationnelle qui conforte le rôle du souverain garant, du souverain protecteur et du souverain bâtisseur dans le développement du pays et de sa stabilité. D’ailleurs, ce leadership proactif, audacieux et distingué de SM le Roi est toujours hautement salué par la communauté internationale, confortant ainsi la devise éternelle du royaume : «Dieu, la Patrie, le Roi».

*(Docteur en communication politique)

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