La fête nationale australienne divise le pays

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Les australiens ont fait de la journée du 26 Janvier, censée célébrer l’unité de leur nation, celle de leur fête nationale parce que, pour l’Histoire, elle correspond à la date de l’arrivée de la première flotte britannique dans le port de Sydney en 1788 au titre de l’établissement de la première colonie pénitentiaire.

Mais cette journée n’a jamais fait l’unanimité car pour les communautés autochtones, qui sont les premières occupantes des lieux, cette date correspond à ce qu’elles appellent «Jour de l’Invasion» («Invasion Day», ou encore «Survival Day») ; un jour qui constitue, à leurs yeux, le point de départ de la colonisation et du génocide dont elles furent victimes. D’ailleurs, les inégalités auxquelles elles sont encore confrontées sont tellement criantes que même leur espérance de vie en a été affectée est qu’elle est, désormais, inférieure de plusieurs années à celle des autres australiens.

Autant de raisons pour lesquelles les milliers d’australiens «blancs» qui, ce jeudi, ont voulu célébrer cette fête nationale, à travers l’ensemble du pays, mais qui est, désormais, de plus en plus impopulaire, ont été tellement conspués par leurs compatriotes issus des communautés autochtones, que Daniel Andrew, le Premier ministre de l’Etat du Victoria, a décidé d’annuler la parade annuelle de Melbourne.

Contestée par l’opposition qui ne l’a point trouvée à son goût, cette décision a été saluée par Marcus Stewart, le co-président de l’Assemblée des Premières Nations du Victoria, en tant qu’«étape positive»  car, en «remuant le couteau dans la plaie», cette parade avait toujours constitué une «gifle» pour les autochtones.

Aussi, en réclamant, avec force, l’abolition de cette fête nationale, l’activiste Paul Silva a demandé à la foule réunie à Sydney, de lui indiquer comment il serait possible aux autochtones de «célébrer» une journée pendant laquelle leurs terres ont été envahies et leur ont été confisquées, leurs familles ont été tuées sans ménagement et leurs «guerriers transformés en esclaves».

En abondant dans le même sens, la poétesse autochtone Lizzie Jarett a tenu à justifier sa colère et celle de tous les siens en rappelant que le port de Sydney fut «le point zéro du génocide des Premières Nations».

En lui emboitant le pas, l’historien australien Lyndall Ryan a précisé que plus de 10.000 indigènes ont péri au cours des 400 massacres qui ont été perpétrés, depuis lors, par les colons britanniques si bien qu’à ce jour, sur les 25 millions d’habitants que compte l’Australie, les autochtones ne sont plus que 900.000 et que, par ailleurs, la Constitution, adoptée en 1901 et toujours en vigueur aujourd’hui, ne reconnaît pas ces communautés ; ce qui ne peut que diviser encore plus le pays car si le gouvernement de centre-gauche, actuellement au pouvoir, plaide en faveur d’un amendement qui reconnaitrait l’existence des «Premières Nations», les conservateurs le jugent inutile.

La seule petite lueur d’espoir dans ce tableau bien sombre est que, lors d’un référendum obligatoire qui se tiendra cette année, les australiens seront appelés, à se prononcer sur un amendement qui pourrait donner, aux autochtones, une «voix» au Parlement car jusqu’au milieu des années 1960, ceux-ci n’avaient pas le droit de vote dans certains Etats et territoires d’Australie.

Les communautés autochtones vont-elles, à terme, bénéficier des mêmes droits et des mêmes avantages que les «blancs» d’Australie ?

Rien n’est moins sûr tant ces derniers s’accrochent à leurs privilèges mais attendons pour voir…

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