La vie quotidienne et l’enivrement des arts et les lettres

Entretien avec M’barek Housni   

Propos recueillis par  Noureddine Mhakkak

M’barek Housni, écrivain, chroniqueur et critique d’art. Né à Casablanca. Il a publié son premier texte en français, une nouvelle, en 1990. Il collabore régulièrement dans divers journaux dans le domaine de la littérature et des arts (arts plastiques et cinéma). Il a publié les livres suivants : « Gorgées de vers », poèmes en 2006, « L’étrange ne tue pas », nouvelles en 2012, « Sous un jour inattendu », nouvelles en 2014. Voici un entretien avec lui. Bonne lecture.

Que représentent les arts et les lettres pour vous ?

Je serais tenté, au risque de paraitre quelque peu prétentieux, de dire que les lettres et les arts représentent tout pour moi. Car si je lance un regard vers le passé, j’y vois un quotidien ponctué par les arts (cinéma, arts plastiques…) et la littérature (écriture de nouvelles, de poèmes…). Et ça continue jusqu’à cet instant où je rédige ces réponses. Ils m’aident à vivre mieux, m’assistent dans mon existence au jour le jour, me permettent de supporter la bêtise du monde comme bouclier et comme offensive contre sa propagation. Ça ne réussit pas toujours, mais ce sont les seuls moyens dont je dispose personnellement. Un bon livre, un bon film, la fréquentation des galeries me donnent en outre bien du plaisir.

Que représente l’écriture pour vous ?

L’écriture est le pendant de mon engouement pour les arts et les lettres. Écrire me permet d’exister par le fait, dans la réalité matérielle tout en me faisant accéder à une certaine spiritualité. D’un blanc équivalant au vide, la confection des mots et de phrases, et le tissage de textes unis et regorgeant de mouvements et de vie par la seule grâce de l’imagination, m’offrent, quand cela est un tant soit peu réussi, une extase unique. Ainsi, l’écriture est une conviction profonde qui se vérifie dans la pratique de tous les jours. Un contrat perpétuel qui doit être honoré en tout moment et en tout lieu. Sans l’écriture, il n’’Il n’y aurait rien. Un rien effarant, d’enfer.

Et puis, et à cause de tout ce qui est dit ci-haut, l’écriture favorise l’approche de l’inconnu, de communiquer avec les inconnus, de les influencer. Et parfois, de se mettre en diapason avec la petite part intelligente du monde.

Parlez- nous des villes que vous avez visitées et qui ont laissé une remarquable trace dans votre parcours artistique ?

Casablanca tout d’abord, la ville où je suis né et où j’ai grandi et où je vis actuellement. Durant bien des années (enfance, adolescence) sa partie moderne (médina : européenne et française) fut un horizon à conquérir. Les noms des grands écrivains français sur les plaques d’avenues et de lieux, m’ont longtemps fait rêver.

Puis Fès où j’ai étudié à la faculté des sciences et où j’ai « milité » dans les rangs de la gauche estudiantine : un inconnu dans la foule. Ma première nouvelle publiée y a été écrite et célébrée par mes camarades de chambre à la cité universitaire. Mon apprentissage et l’entrée en littérature, s’y ont opérés via les livres empruntés au centre culturel français et les livres d’occasion acquis chez les bouquinistes du Mellah.

Vient ensuite Azilal, dans le Haut-Atlas où j’ai enseigné dans une sorte de dénuement côté confort de vie. Par bonheur, le choc ressenti au contact de l’authenticité pure d’un Maroc original, et l’amazighité liée à la joie de vivre Nietzschéenne m’ont sauvé et m’ont offert la trame de la majeure partie des textes que j’ai pu écrire.

Et enfin il y a Paris, il y a Bordeaux. Deux villes que j’ai fréquemment visitées depuis dix ans. Le bonheur parfait pour tout écrivain.  Revoir de visu, à Paris, ce qu’on a longtemps caressé en rêve, fouler les chemins et les espaces que tant d’écrivains aimés, adulés, imités ont déjà foulés, tracés, marqués. Errer maintes fois dans les paysages édéniques de la Gironde, du Sud-Ouest, fut ma deuxième expérience initiatique, s’elle en existe une nommée ainsi,

Cela m’a réconcilié avec l’autre bonheur, celui d’écrire, après une période de doute affreux.

Que représente la beauté pour vous ?

La beauté, on y aspire tous. Elle est point de départ et horizon d’attente, inspiratrice et objectif recherché. Les valeurs de la beauté sont les seules pour qui il est indiscutablement permis de se battre. Mais à chacun sa beauté. La mienne est toute simple, elle est matérielle autant qu’affective et sentimentale, dans les méandres de la vie ou dans la texture du texte. Je la convoite chez l’être et dans la création artistique et littéraire. Le spectre de la beauté est ainsi élargi et autrement divers et profond.

Parlez nous des livres que vous avez déjà lus et qui ont marqué vos pensées ?

Les livres sont nos compagnons de toujours, fidèles et présents en tout moments. Peut-on écrire quoi que ce soit sans leur secours ? Évidemment non.

Les livres qui m’ont le plus plu et m’ont influencé durant ma jeunesse sont :  les romans « Le rouge et le noir » de Stendhal, « La nausée » de Jean-Paul Sartre, « Le soleil se lève aussi » d’Ernest Hemingway, via leurs héros qui m’ont fortement marqué ainsi que le style d’écriture simple, abordable et qui n’est guère enjolivant.

Viennent ensuite le recueil de nouvelles « Félicité » de Katherine Mansfeld où le genre littéraire m’a pris à la gorge pour ainsi dire, «Un oiseau d’Orient» de Tawfiq Al-Hakim, «Les possédés», «Les frères Karamazov», «Crime et châtiment» de Dostoïevski, pour leur profondeur inégalable, « La métamorphose » et «Lettres à Mélina» de Franz Kafka où j’ai plongé à en perdre le souffle, Tourgueniev, Faulkner du «Le bruit et la fureur». Après bien sûr, d’autres œuvres sont venues compléter la liste et ça ne s’arrête pas.

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