Une figure emblématique et monumentale de la peinture marocaine. Le parcours et la vie du peintre Jilali Gharbaoui sont mises en lumières dans le beau livre ‘’Jilali Gharbaoui: Le messager de l’exil’’ de Latifa Serghini, paru aux Studiolo Editions. En effet, ce livre de 236 Pages dont la sortie est prévue le 20 Janvier 2020 dresse le portrait d’un artiste dont l’œuvre échappe à toute classification.
Jilali Gharbaoui est un grand peintre. Un créateur. L’épithète de précurseur qui lui est attribuée n’est pas une imposture. A 41 ans, il laisse une œuvre prolifique et forte qui en fait, avec Ahmed Cherkaoui et Ahmed Yacoubi – trop souvent oublié – une figure emblématique de l’art abstrait au Maroc», lit on dans la présentation du livre.
Mort à 41 ans sur un banc du Champ-de-Mars à Paris, il a eu une fin d’artiste maudit. Ce posthume dévaliseur de gloire n’a pas connu de son vivant le succès ou la reconnaissance que mérite la figure emblématique de l’abstraction au Maroc et l’artisan d’une modernité vivante et assumée. Près de cinquante ans après sa disparition, voici un nouveau regard porté sur l’artiste et son œuvre. Par la somme de témoignages, de détails, de documents et d’iconographie rassemblée, Latifa Serghini livre un récit de vie précis, minutieux et exigeant.
«L’unique passion de Gharbaoui était la peinture. Puissante et provocante, son œuvre ne pouvait trouver grâce aux yeux du public marocain des années cinquante, habitué à une peinture figurative. C’est ce qui a valu à l’artiste d’être conspué, rejeté et condamné pour sa singularité. Il bénéficie aujourd’hui d’une gloire posthume qui justifie la formule de phénomène Gharbaoui», peut on lire dans la présentation du livre.
Une fin peu tragique voire absurde, Jilali Gharbaoui a marqué par son œuvre l’imaginaire et la scène artistique nationale et internationale. En effet du 17 mai et 26 août 2012, le Musée de Bank Al-Maghrib lui a consacré une exposition temporaire sous le thème « Regards sur l’œuvre de Jilali Gharbaoui » qui regroupe plus de 80 œuvres, dont certaines inédites.
Il a puisé la force d’une œuvre prolifique dans un terreau de déracinement et d’abandon, avec comme seule ressource sa solitude et l’idée lancinante de l’ailleurs, de l’exil, précise la même source.
Et d’ajouter : «Son cheminement témoigne d’un moment de l’histoire du Maroc, de son indépendance et de ses bégaiements culturels et linguistiques hélas encore vivaces. Jilali Gharbaoui s’est placé dans l’entrelacs, et en cela marque un tournant, une rupture. Il a rompu les amarres du conservatisme et de la tradition, mis à distance les revendications patrimoniales et identitaires pour amorcer une transition, dans l’univers pictural marocain vers une modernité vivante et assumée et incarné par son travail, une hybridité, hors de toute idéologie et des sempiternelles oppositions entre Orient et Occident, ou entre tradition et modernité».
Par ailleurs, le peintre a vécu, discrètement, dans l’ombre, loin des lumières des projecteurs.
A vrai dire, il n’en connaissait qu’un seul devoir, celui de peindre, de créer.
«Qu’il nous touche encore aujourd’hui ne revient pas uniquement à sa peinture. En réalité, Gharbaoui nous renvoie à nous mêmes. Il est parti dans le silence et la résignation d’un exil que beaucoup continuent à porter en eux, et laisse derrière lui un trouble aux relents de culpabilité. Son départ engendre une émotion partagée : il révèle la violence du sentiment d’abandon propre à cette génération postindépendance dont les attentes n’ont d’égal que la déception, et pour qui l’amertume remplace l’espoir. En cela, il crée un mythe propre, et s’inscrit durablement dans la mémoire collective. C’est un messager de l’exil», ajoute l’éditeur.
Mohamed Nait Youssef