Le devoir des hommes est de rendre le monde « plus vivable »

Rémy Rioux, DG de l’AFD

Propos recueillis par Samia BOUFOUS – MAP

Le directeur général de l’Agence Française de Développement (AFD), Rémy Rioux, relate, dans une interview accordée à la MAP à l’occasion de sa visite au Royaume, le bilan de l’ensemble des missions et projets de l’AFD au Maroc, s’exprimant par la même occasion sur la projection du Royaume en Afrique. En voici la teneur :

Vous venez de signer un protocole d’accord sur le développement durable avec le ministère de la transition énergétique. Quelle est l’importance de cet accord pour les deux parties? Et comment évaluez-vous les efforts du Maroc en matière de décarbonation de l’industrie et du développement durable?

Les crises de très grande ampleur que nous traversons – au premier rang desquelles figurent le dérèglement du climat et l’érosion de la biodiversité -, éveillent ou amplifient la conscience de devoir rendre le monde « plus vivable », comme l’a indiqué le Président de la République française.
Je suis fier que l’Agence française de développement y contribue dans le cadre du partenariat d’exception qui lie la France et le Maroc, dont le vaste plan solaire « Noor » témoigne de l’engagement en matière d’énergie renouvelable.
C’est dans cet esprit que j’ai signé, aux côtés de la ministre de la Transition Énergétique et du Développement Durable, Leila Benali, un protocole d’accord visant à renforcer notre coopération dans le domaine du climat et du développement durable. Il s’agit, pour le Maroc, de déployer une stratégie de transition bas-carbone qui s’accompagnera d’opportunités pour les opérateurs socio-économiques et favorisera la créations d’emplois. Nous sommes fiers de soutenir l’ambition du Maroc pour que le pays apporte sa contribution aux objectifs fixés par l’Accord de Paris, l’agenda 2030 ou encore, plus récemment, la COP de Glasgow.
Ce partenariat s’inscrit en cohérence avec les engagements pris par tous les pays du monde en matière de décarbonation pour réduire, voire supprimer les émissions de gaz à effet de serre dans de grands secteurs économiques à horizon 2050. Cet objectif, à la fois ambitieux et indispensable, requiert de considérer que nous sommes tous en développement et de repenser nos modèles de développement pour mettre en œuvre des politiques d’investissements soutenables.

L’AFD est présente au Maroc depuis plus de 30 ans. Comment qualifieriez-vous le bilan de l’ensemble des missions et projets de l’AFD au Royaume, notamment ces deux dernières années teintées par la crise sanitaire?

Plus de 25 milliards de dirhams ont été investis par l’AFD au Maroc depuis que j’ai l’honneur de diriger l’Agence – un résultat supérieur aux engagements politiques qui avaient été pris par nos chefs de gouvernement en 2017. Ces financements ont permis, pour 85% d’entre eux, d’apporter une contribution positive pour le climat. J’en suis très fier. Ce bilan illustre la qualité du lien noué entre le Maroc et la France. Il est le signe d’une relation bilatérale concrète et précise. Et il démontre, bien sûr, la détermination des Marocains à investir dans leurs politiques publiques.
Cette volonté de relance durable et de soutien au secteur privé revêt une importance toute particulière dans un contexte de pandémie qui a frappé de plein fouet l’économie marocaine. J’en ai fait le constat en visitant l’Atlantic Free Zone, où les enjeux de services industriels et de décarbonation se rencontrent.
Plus largement, cette ambition est portée par le projet de Nouveau modèle de développement (NMD) à horizon 2035 plus inclusif, plus dynamique et plus respectueux de l’environnement.

Le Royaume du Maroc est classé premier en termes d’octroi de financements de l’AFD. Comment l’expliquez-vous?

Cela est avant tout le reflet de la richesse exceptionnelle de la relation entre les deux pays. Le groupe AFD a grandi mais il s’est aussi renforcé avec l’arrivée, en son sein, d’Expertise France, devenue la 2e filiale du groupe AFD avec Proparco dont la mission consiste à financer des projets portés par le secteur privé. C’est donc fort de tous les instruments de la politique de développement que le groupe AFD œuvre au service du Maroc.

Quid du nouveau cycle stratégique de l’AFD au Maroc sur la période 2022-2026? Quels sont les projets prioritaires de l’Agence au Maroc?

Notre stratégie, c’est la stratégie portée par le Maroc, dont l’un des axes prioritaires est la protection sociale, l’investissement dans le capital humain, la formation, alors que la crise a révélé son caractère impératif.
En particulier, les équipes de l’AFD au Maroc travaillent étroitement avec celles du ministère des Finances sur la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de dispositifs très innovants de « budgétisation sensible au genre ». C’est là une condition du renforcement du lien social et d’inclusion qui contribueront à la relance du tissu économique. Il en va de même pour les questions environnementales qui se traduisent aussi par des orientations budgétaires fondées sur les priorités climatiques.

Quelle est votre vision quant à la projection du Royaume en Afrique?

La projection du Maroc en Afrique constitue indéniablement l’un des objets de cette mission au cours de laquelle je rencontre les acteurs marocains financiers conscients de la contribution que le Maroc peut apporter au développement du continent entier. Il y a un très grand potentiel économique sur ce continent le plus jeune au monde dont le dynamisme entrepreneurial est sans doute l’un des faits les plus marquants et nous inspire.
Ce lien à l’Afrique est l’objet d’un livre que je cosigne avec l’historien philosophe Achille Mbembe, « Pour un monde en commun: regard croisé entre l’Europe et l’Afrique ». Pour tracer un chemin d’investissements, de respect, d’innovation, de jeunesse, qui mérite plus d’attention encore à l’avenir.

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