Le goût de la vie orientale

Le monde de Julie Guégan

Par Noureddine Mhakkak

Le dialogue avec Julie Guégan est un voyage culturel dans le monde des Lettres et des Arts. Le monde de la poésie, de la prose, du cinéma, de la peinture et de la photographie d’une part, et des relations humaines d’autre part. Nous allons parler de l’amour, de l’amitié, de la tolérance, de l’ouverture d’esprit et de la connaissance de l’autre. Nous allons parler des villes, des livres, des films, nous allons parler de nous, de nos pensées, de nos réflexions, de nos passions et de vous en tant que lecteurs. Lecteurs fidèles qui nous lisent avec tant de plaisir.

Dans mon livre qui a été publié en langue arabe  » Les cahiers d’un écrivain à Paris » j’ai parlé de la Tour Eiffel. Pourriez-vous, en tant qu’une femme parisienne me parlez de ce grand symbole de Paris ?

Adepte de la gastronomie, je commence par le restaurant du deuxième étage de la Tour Eiffel d’où la vue sur Paris y est incroyable. Il a le nom de l’un de mes écrivains préférés, Jules Verne. Je ne me souviens plus s’il est encore possible d’y monter le soir. Mais si c’est le cas, je vous en prie faites-le. La Dame de fer est tellement plus belle dans la profondeur de la nuit. Les couleurs orangées des lumières viennent se déposer sur les structures de fer forgé, pour se transformer en une couche de cuivre…. Vous devez sans doute savoir que ce monument construit en vue de l’exposition universelle de 1889 devait être détruit. Les critiques fusaient face à cet édifice que beaucoup comparaient à un pauvre squelette de fer. Au fond, elle ne partageait pas l’élégance des monuments parisiens de l’époque. La prouesse d’Eiffel était plus technique qu’esthétique. Toutefois, cette chère Tour est devenue rapidement un symbole, et la ville de Paris a heureusement décidé de la garder. Au sommet, se trouvent encore des antennes radio. Situées à 324 mètres de hauteur, elles constituent toujours le point culminant de l’Ile-de-France.

Se rendre à la Tour Effel, quel que soit l’objectif reste un événement pour les parisiens. Elle a été pour moi le lieu de soirées de gala et autres événements dans le milieu de la publicité, entourée de mes collègues avec lesquels nous aimions faire les 400 coups. Et pour tous, elle est la garantie de belles photos et d’émotions profondes. Il y a comme un besoin vital de la retrouver et chaque fois, avec ce même regard enfantin.

Chaque ville possède son charme exceptionnel, selon vous, quel est le charme de la ville de Strasbourg que vous avez déjà visité ?

Strasbourg est la ville où réside mon ex-belle-famille. Pendant près de 10 ans, nous y allions au moins une fois tous les deux mois. Il s’agit d’une des quelques magnifiques Venise du Nord, avec Colmar, Gand ou Bruges. Lorsqu’on s’y promène, impossible d’échapper à la jolie rivière Ill, dont les berges sont peuplées de ragondins et autres canards en quête d’ombre. Le Rhin, lui, se trouve à quelques kilomètres seulement, à la frontière avec l’Allemagne. Si la ville est très ancienne, plus de 2.000 ans, ce n’est pas la plus ancienne de France, qui n’est autre que Béziers, construite à l’âge du fer, cinq cents ans plus tôt.

La culture y est assez particulière. Très européenne évidemment, le Parlement européen y a trouvé une place de choix. Elle est aussi une jolie bourgeoise, qui possède de nombreux hôtels particuliers. Grâce à Catherine Trautmann, maire de Strasbourg à deux reprises, son centre est devenu entièrement piétonnier, la vie y est donc très agréable et paisible. On s’y déplace à pied, en tramway ou à deux-roues. Évidemment, l’une des grandes attractions de Strasbourg, outre sa majestueuse cathédrale, est son marché de noël. Durant les fêtes de fin d’année, la ville scintille avec ses décorations, guirlandes et bougies, sans oublier le majestueux sapin de la place Kléber. Dans les chaumières alsaciennes aussi, Noël se veut exceptionnel. La fête dure souvent trois jours entre le 24 et le 26 (jour férié en Alsace), et comme d’habitude, chacun profite des repas gargantuesques préparés par ses hôtes. Et quand je dis gargantuesques, je ne me trompe pas ! D’abord, l’apéritif forcément grandiose, suivi des fruits de mer, du foie gras, des escargots, de la viande, du poisson, du fromage et des desserts ! Oui rien que ça. En Alsace, quand il s’agit de manger, on ne fait pas les choses à moitié. D’ailleurs, si après un tel repas, il vous reste un petit creux, vos hôtes ne manqueront pas de vous offrir leurs délicieux bredele (sablés alsaciens de l’Avent) – faits évidemment maison et qui font l’objet d’une compétition ardue entre les familles !

Je pourrais vous parler des heures de ce magnifique département qu’est le Bas-Rhin dont le chef-lieu est Strasbourg. Mais aujourd’hui, je profite pour partager une anecdote qui vous amènera à une jolie rencontre avec la culture alsacienne. Elle vient de l’époque où mes parents s’étaient installés dans le Haut-Rhin (qui ne se trouve pas au nord, mais au sud de l’Alsace !) et que je travaillais pour le compte de la coopérative viticole, Wolfberger. Je devais avoir à peu près 19 ans, et après mon année à l’université, je m’étais fixée pour objectif d’amasser suffisamment d’argent pour mes vacances estivales et la rentrée. Ma tâche consistait à participer chaque matin, avant l’aube, à la pesée des camions et à mesurer le sucre des raisins apportés par les viticulteurs, avant que ceux-ci ne rejoignent leurs champs pour les vendanges. Je partageais cette tâche avec un homme immense dont la couleur de peau était noire, et dont j’ai malheureusement oublié le nom. Je n’étais pas très différente d’aujourd’hui et je dirais que je ne ressemblais pas à la traditionnelle alsacienne, qui est plutôt petite, blonde et un peu charnue. Tout de suite, l’entente fut merveilleuse et les blagues fusaient. Après la traditionnelle formation, le premier jour, devant la petite cabane à l’entrée de l’usine, les camions faisaient la file avant de passer sur l’immense balance. Lorsque mon collègue, sorti directement d’un film d’action américain est sorti pour se présenter, qu’elle ne fut pas leur étonnement (voire stupeur !) en le voyant arriver dans la pénombre, muni de ces ustensiles et suivi de près par une sorte de mannequin parisien. Dépaysement assuré pour des gens qui n’avaient pour la plupart jamais quitté l’Alsace. Je suis d’ailleurs convaincue qu’on parle encore, plus de 20 ans après, du couple que nous formions. À voir l’entrain avec lequel ces hommes un peu bourrus arrivaient chaque matin, je peux vous dire qu’il y avait du bonheur dans notre diversité. Beaucoup de bonheur.  

Vous avez déjà visité la ville de Marrakech, pourriez – vous nous parler de cette belle ville marocaine ?

Marrakech a été pour moi l’occasion de passer une semaine avec mes sœurs, ma mère et mon neveu Arthur, alors qu’il n’avait que quelques mois, durant l’hiver 2008. C’est la deuxième fois que je me rendais dans un pays du Maghreb, après la Tunisie, quelques années auparavant (dont est par ailleurs issue la grand-mère de mes enfants).

J’aime le goût de la vie en Afrique, je rêve d’y faire de grands voyages plus tard. À Marrakech, nous étions bien décidés à profiter des trésors de la ville, de son climat agréable et de ses hammams. Mes trois incontournables sont le musée Majorelle, la vue sur l’Atlas et la place Jamaâ El Fna. J’ai également aimé flâner dans les souks et me perdre dans la médina, en vue d’y découvrir de splendides riads.

Évidemment, en tant que française, j’aime m’arrêter dans les cafés pour mieux entrer en contact avec les gens du pays lorsque je voyage. Un jour, alors que j’étais avec ma petite sœur, il m’a semblé naturel d’avoir des conversations que l’on n’aurait nulle part ailleurs. Les discussions que nous avons eues ce jour-là, je ne les oublierai jamais… Elles ont ancré en moi cette croyance de la bienveillance, de l’ouverture et de l’humour des marocains.

Aujourd’hui, chaque individu en général et chaque intellectuel en particulier, ou presque pour ne pas généraliser, essaie de créer sa propre chaine sur Youtube pour parler de sa vision du monde, de ses projets culturels au sens large du mot, et même de ses projets professionnels. Pourriez-vous nous parliez de votre chaîne sur Youtube ?

Vaste sujet que celui de mon exposition. J’ai l’âme d’une artiste, alors j’aime créer, tester, apprendre, me poser des questions et lorsqu’il s’agit de mon image, je ne me trouve jamais assez sérieuse. Ce n’est pas comme un projet professionnel, qui requiert toute ma concentration et ma diligence. Aujourd’hui, vous trouverez sur ma chaîne YouTube quelques exemples de mes dernières réalisations professionnelles et des lectures de vos poèmes en anglais et français de vous, Noureddine. C’est en quelque sorte une vitrine de ma personnalité, je peux être très sérieuse, plus légère et même peut-être un peu déstabilisante.

Mon objectif est à terme de développer une communauté avec laquelle j’aurais le loisir de converser, de réaliser des projets partout dans le monde autour de la collaboration, du leadership et de co-créer, pourquoi pas, un monde dans lequel nous aurions tous davantage notre place.

J’avoue être encore en mode expérimental et me trouver bien loin du sommet de cette montagne. Alors dès que je le peux, je cherche à faire un travail de clarification et de simplification. Ces entretiens avec vous m’aideront sans aucun doute à mieux me trouver. En attendant, j’espère que bon nombre de vos lecteurs souhaiteront rejoindre cette communauté. Dans un premier temps, par curiosité. Après, nous verrons bien vers quels vents cette chaîne YouTube nous mènera !

En regardant vos belles photos sur Instagram, j’ai pensé à votre façon artistique d’être photographiée de cette façon ou d’une autre. J’aimerais bien entendre vos réflexions sur ces photos -là, ou sur d’autre photos de vous.

Très tôt, j’ai pris conscience que guérir les maux ne peut fonctionner qu’en se faisant plus de bien. Comme j’ai travaillé dans la publicité à un jeune âge, je ne suis pas naïve sur le rêve que l’on nous vend avec les produits de grande consommation. Ainsi, j’ai appris le vocabulaire « juste » pour vanter les bienfaits de telle crème ou pâte à mâcher. Si « cela aide », sachez que cela ne fait rien du tout ou presque, par exemple.

Depuis 20 ans, j’essaie d’utiliser mon sens critique pour tout. Après des tas d’expériences dans tous les sens, je me suis fixée sur quelques routines qui font leurs preuves. Ainsi, la photographie est l’une des stratégies que j’emploie pour être bien dans mon corps et dans ma tête. Il y en a d’autres. Par exemple, avec mes enfants, nous ne prenons jamais de médicaments, nous limitons le sucre et nous n’utilisons que des produits neutres pour la peau, surtout issus de l’agriculture biologique. Nous avons un style de vie qui nous permet de ne pas tomber malades, ou en tout cas cela me semble tellement rare que je ne m’en souviens pas.  Et lorsque nous le sommes, nous mangeons des fruits et des légumes en quantité, en plus de probiotiques et pré-biotiques naturels et surdoses de vitamine D. Je crois également aux bienfaits du grand air, et donc, quel que soit le temps, nous allons faire des activités en extérieur. Enfin, je connais le pouvoir de la pensée, ce qui m’amène chaque jour à déposer mes idées sombres en vue de me libérer pour donner une énergie positive à tout, y compris mon corps.

Pour moi, vraiment, le meilleur remède est de chercher la beauté dans tout, même dans les mauvais jours, car on en a tous. Se grimer, se déguiser, jouer la Marilyn sont autant de tactiques amusantes qui sont bonnes pour moi. Bien meilleures que toutes les choses que l’on veut nous imposer !

Dans mon parcours, j’ai rencontré des artistes qui se sont intéressés à ma singularité, alors comme à mon habitude, je me suis prise au jeu dans l’espoir de montrer les résultats avec fierté à mes petits-enfants plus tard. Il faut savoir que je fais des tas de choses pour mes futurs petits-enfants… J’ai eu la chance d’avoir des ancêtres très inspirants, et mon rêve est d’en faire de même plus tard. Je me vois déjà entourée de toute ma famille, dans ma ferme, avec mes animaux, partageant mes récits de vie, mes rencontres et contribuant à élever spirituellement tous ceux que j’aime, d’où qu’ils viennent. À 12 ans, on me disait déjà sage… Je pose ce regard curieux sur ce monde qui m’entoure et cela se ressent peut-être un peu dans mes photographies, aussi, dont vous pourrez en voir quelques-unes sur mon compte Instagram.

Alors, parlons de la musique, moi chaque jour, soit en voiture ou à la maison j’écoute des symphonies, de Beethoven, de Chopin, de Mozart … pour vous, pourriez-vous me parler de votre relation avec la musique et les symphonies ?

Je suis très sensible à la musique. Peu m’importe le style, tant que c’est profond. Je ne suis pas une grande fan de tout ce qui est variétés. Alors le classique, les symphonies de Tchaïkovski, Bizet, Verdi, Puccini, Faust, savent m’émouvoir au plus haut point. J’aime passer des soirées avec des amis plus pointus en la matière que moi, les entendre m’expliquer les classiques et les écouter jusqu’au bout de la nuit. J’aime aussi les musiques du monde et le jazz, notamment de la Nouvelle-Orléans, que j’ai appris à découvrir alors que je vivais près de Lyon.

Un moment en particulier, lié à la musique restera toujours gravé en moi, et si cela vous convient, je le partagerai avec vous en mémoire de mon arrière-grand-père, François, mort à l’âge de 100 ans. Cet homme, qui a reçu la légion d’honneur pour avoir été l’un des combattants de la première guerre mondiale, tandis qu’il n’avait que 17 ans, était si drôle et si gentil. Un jour, alors que mes parents recevaient à dîner, et qu’il était venu nous visiter, j’ai eu la chance de passer toute la soirée en tête à tête avec lui. Comme il demeurait en maison de retraite habituellement, cela ne m’était jamais arrivé encore et pourtant j’avais déjà 11 ans. Durant quelques heures, presque hors du temps, dans la pénombre de la nuit, je l’ai convié à rejoindre ma vie avec en fond la musique de Tchaïkovski. Rien que d’y penser les larmes me montent aux yeux.

Quand j’étais à l’âge de 18 ans, j’ai appris les paroles des chansons françaises par cœur, ainsi j’ai chanté l’amour avec Jacques Brel, en suppliant la bien-aimée de ne me quitter pas…. Pour vous, que vous pourriez nous dire à propos de l’influence des chansons de l’amour sur nos sentiments ?

L’amour est un sentiment que je n’évite pas, bien au contraire. Je suis une grande amoureuse. Alors j’aime écouter des chansons qui me font penser à l’amour, qui me rendent romantique et me réchauffent le cœur. Je chante à tue-tête les chansons de Jacques Brel par exemple, ce qui est un calvaire, je vous l’avoue pour mes enfants. Je n’ai jamais pris de cours de chant, mais en bonne fille que je suis, je me donne du mal pour progresser et améliorer mon oreille ou ma voix. J’écoute les airs compliqués mille fois au moins. Je cherche à comprendre où je bloque, je m’enregistre aussi pour me confronter à la dure réalité de mes failles.

Récemment je suis tombée amoureuse d’un fantôme, car je n’ai pas besoin d’une réalité qui ne me conviendrait pas. Je n’hésite pas à imaginer l’amour qui me fait du bien, me motive à accéder à mes rêves et à m’apprendre à aimer mieux. Mon fantôme a reçu quelques-unes des mes œuvres et j’espère que ses oreilles sont aussi irréelles que lui…

En attendant, je n’ai pas l’envie particulière de finir chanteuse professionnelle, et vous non plus d’ailleurs !

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