«Le jeûne améliore la tension artérielle, le poids, la glycémie, le cholestérol, l’immunité»

Entretien avec le professeur Ahmed Bennis

Propos recueillis par Ouardirhi Abdelaziz

Le jeûne du Ramadan est obligatoire, dès la puberté, pour les musulmans en bonne santé, mais il y a de nombreuses exceptions qui sont précisées dans le Coran. Ainsi, le jeûne n’est pas indiqué quand la personne est souffrante, en mauvais état général, atteinte d’une maladie chronique comme c’est le cas des maladies cardiovasculaires, des pathologies qui nécessitent une prise médicamenteuse plusieurs fois dans la journée. Surtout quand le traitement prescrit par le médecin indique des horaires précis, trois fois par jour.

Pour plus d’informations et de précisions sur la question, nous avons rencontré le professeur Ahmed Bennis, cardiologue.

ALBAYANE : La question qui revient le plus au mois de Ramadan est celle de savoir, si le jeûne de Ramadan est sans danger pour les malades qui présentent des pathologies cardiaques ?

Professeur Bennis Ahmed : Le jeûne est bon pour la santé, les médecins ont les preuves scientifiques, plusieurs paramètres confirment les effets bénéfiques du jeûne sur la santé.

Le jeûne améliore la tension artérielle, le poids, la glycémie, le cholestérol, l’immunité, et ça peut être une très bonne option pour un certain nombre de maladies chroniques, telles les maladies cardiovasculaires et donc pour nombre de malades qui peuvent pratiquer le jeûne du mois de ramadan en toute quiétude.

De quels malades cardiaques parlez-vous ?

Le jeûne est bon pour les malades stables, j’insiste sur ce point.

Il s’agit des malades cardiaques stables, c’est le cas par exemple d’un patient qui présente une hypertension artérielle parfaitement contrôlée, ou celui qui a une maladie coronaire stable, qui ne pose aucun problème, ou un malade qui a une affection cardiaque qui est bien maitrisée sous traitement.

Qu’en est-il de ceux qui souffrent de maladies cardiaques qui ne sont pas stables ?

Il s’agit des malades qui ont une hypertension artérielle non contrôlée , de ceux qui ont fait un infarctus du myocarde de moins d’une année , ceux qui étaient victimes d’accident vasculaire cérébral , ou souffrent d’une angine de poitrine, une insuffisance cardiaque non stabilisée sous traitement. Pour tous ces malades, le jeûne n’est pas permis.

La règle essentielle, c’est qu’il faudrait que le rapport risque-bénéfice soit le plus bas possible. C’est-à-dire que le bénéfice doit être très important. C’est une évaluation qui sera faite par le médecin traitant. En toute bonne logique, cette évaluation doit toujours avoir lieu entre 3 ou 4 semaines avant le début de Ramadan, ce qui permet au médecin de savoir ce que ressent son patient. Si celui-ci est stable sous traitement, ou s’il ne pose aucun problème. C’est au cas par cas. il y a ceux qui pourront jeûner sans aucun problème et ceux qui ne pourront pas.

Qu’en est-il des prises des médicaments ?

En ce moment, le mois de Ramadan a débuté pendant la période printanière. Les personnes qui jeûnent s’abstiennent de boire et de manger de l’aube au coucher du soleil. C’est près de 14 heures d’abstinence. Il y a des risques d’hypoglycémie, le malade ne s’hydrate pas, et le risque c’est la déshydratation. Surtout pour un certain nombre de malades qui sont sous les diurétiques à fortes doses, ce qui peut poser un grand problème.

Deuxièmement, des prises médicamenteuses qui doivent être prises à heures fixes, particulièrement quand le malade prend 5 ou 6 médicaments différents par jour. C’est extrêmement difficile de pouvoir s’y faire  pendant la rupture du jeûne ( Iftar ).

Par exemple , si vous avez un anticoagulant, un médicament contre la coagulation du sang qui doit être pris à 8 heure du matin et à 8 heure du soir, on ne peut pas changer les horaires, et c’est douze heures , alors que la période de la rupture du jeûne c’est uniquement 9 heures.

Troisièmement, nous voyons beaucoup de patients qui ont des facteurs de comorbidité (diabète-insuffisance rénale-hypertension artérielle …) pour tous ces malades le jeûne peut constitue  une surcharge pour leur organisme.

C’est la raison pour laquelle on va évaluer, ce que cela peut rapporter  pour chaque patient. La règle que nous suivons toujours c’est de savoir quel est le bénéfice que va rapporter le jeûne pour le malade.

Les malades cardiaques stables et autorisés à jeûner, doivent-ils rester vigilants ?

C’est une question importante, je dirai qu’il faut savoir écouter son corps, être en équilibre entre ce que l’on est et ce que l’on ressent.

Vous savez quand l’organisme est en défaillance, en déséquilibre, il nous envoi des alertes.

Quand on ressent une douleur thoracique, des essoufflements, des palpitations, un malaise, des maux de tête, des étourdissements ou vertiges, à ce moment là, le malade cardiaque qui est stable sous traitement doit arrêter de jeûner.

Ce que nous faisons avec nos patients, c’est de les informer, les sensibiliser et nous leur disons, si leur corps réagit bien sous traitement, s’ils ne ressentent aucun signe d’alerte, ils peuvent continuer à jeûner et corriger si besoin la prescription médicale après l’Iftar .

Mais lorsque l’organisme lance des appels avec des symptômes de souffrance, et que le malade n’arrive plus à jeûner, il n’est plus question d’aller à l’encontre des capacités, des possibilités de son organisme.

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