Dr Abdelillah Chenfouri, Collège syndical des médecins spécialistes du secteur libéral
Al Bayane : Que pouvez-vous nous dire au sujet de l’aléa thérapeutique, de l’erreur et de la faute médicale?
Abdellilah Chenfouri : La loi qui régit la responsabilité médicale est ancienne. Il s’agit du Dahir des Obligations et Contrats dans son article 77.De prime abord, il convient de dire, qu’il est toujours très difficile, en cas d’accident médical, de savoir s’il s’agit d’un aléa thérapeutique ou d’une erreur médicale. L’aléa thérapeutique c’est tout ce qui peut arriver de dommageable dans le cours d’une prestation médicale sans que la responsabilité de son auteur, le médecin, ne puisse être évoquée. L’erreur médicale, quant à elle, comme son nom l’indique, est liée à une faute de la part du médecin. Au sujet des actes illégaux, il y a lieu de rappeler que ce sont deux actes principaux qui sont visés, à savoir la pratique d’un avortement considéré comme un acte illégal passible de peine de prison. Il y a également le prélèvement d’organes à l’insu des malades. C’est aussi un acte interdit qui est du ressort du pénal. Mais mis à part ces cas, si le médecin a respecté toutes les procédures pour effectuer un acte médical ou chirurgical, cela ne relève pas du pénal.
Qu’en est-il de l’indemnisation des victimes?
S’il n’y a pas de faute médicale, le malade ne peut être indemnisé. J’insiste qu’il faut respecter les procédures, c’est-à-dire s’assurer que le médecin s’est donné tous les moyens pour prendre en charge la pathologie que présente son patient et a mis à sa disposition toutes les conditions et tous les moyens. On comprend dès lors mieux que l’obligation du médecin est une obligation de moyen et non de résultat. Un malade qui a été opéré pour une hernie, par exemple, si l’acte opératoire s’est déroulé dans d’excellentes conditions, idem pour le réveil du patient, mais quelques jour après, ce même malade revient avec une infection de la paroi abdominale, faut- il en conclure que c’est la faute au chirurgien ? Partout dans le monde, il y a un pourcentage en ce qui concerne les infections nosocomiales. Si ce malade peut prétendre à une indemnisation, cette indemnisation doit être encadrée, c’est-à-dire qu’il ne pourra effectivement être indemnisé que s’il y a faute médicale, mais dans le cas d’espèce, il n’y a pas de faute médicale.
Le malade qui désire porter l’affaire devant la justice et qui est la victime, au sens juridique du terme, doit prouver la faute du médecin (un manquement à l’obligation de moyens), le préjudice subi et le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.
Il va falloir banaliser la responsabilité du médecin, ce qui revient à dire que c’est un aspect de la profession qui est courant. Un malade, qui s’adresse à un médecin, doit savoir qu’il s’adresse à un être humain qui exerce un métier qui n’est pas exempt de risque.
Il est clair que le médecin, en prenant en charge un patient, mettra tout son savoir, son art, ses connaissances au service de ce malade pour qu’il n’y ait aucun risque. Mais ne plaise à Dieu, il se peut que quelque chose arrive. Doit-on pour autant parler d’acte criminel quand il y a l’engagement de la responsabilité médicale du médecin ?
On peut faire une similitude avec un accident de la voie publique. Quand je conduis ma voiture, je n’ai nullement l’intention de renverser ou de blesser quelqu’un. Je prends toutes mes précautions, je respecte le code de la route, mais malheureusement, il y a parfois des accidents. Est-ce à dire pour autant que je suis un criminel ? Pourquoi donc culpabiliser le médecin?
Il y a un travail de fond à entreprendre dans ce sens. Il faut que les médecins, les juristes, les assureurs, la société civile et tous les acteurs qui interviennent dans cette thématique, puissent se retrouver autour d’une table pour débattre avec sérénité, calme, objectivité, raison et sagesse pour défendre l’intérêt de la même personne qui est le malade. Nous devons défendre ce malade avec raison et certainement pas le défendre n’importe comment. Nous ne devons pas défendre n’importe quoi et à n’importe quel prix.
Ouardirhi Abdelaziz